Longtemps considéré comme une activité illégale, le métier de racoleur s’est définitivement installé sur les gares routiers béninois et aident aujourd’hui plusieurs jeunes à joindre les deux bouts. Ces derniers ont pour rôle d’aider les passagers qui désirent prendre un taxi sans aller à la gare de parvenir à leur fin moyennant de l’argent. Malgré sa rentabilité, ce métier présente d’énormes risques.
Romuald NOUDEDJI
«Nous n’avons appris que la conduite comme métier. A défaut d’attendre un sauveur providentiel, nous faisons le racolage pour joindre les deux bouts », confie Laurent Nouantin, un racoleur. C’est cette intervention de Laurent Nouantin qui nous plonge dans l’univers des racoleurs. La plus part d’entre eux ont leur permis de conduire mais n’ont pas de véhicule. Alors pour subvenir aux besoins de leurs familles ils sont obligés de s’adonner à cette activité de racolage. «J’avais un véhicule et suite à un accident ça été écrasé et je n’ai plus de véhicule aujourd’hui. Alors que j’ai plus de quatre bouches à nourrir c’est ce qui m’a poussé au métier de racolage », explique Robert Tognizoun, un racoleur à Pahou. Le racoleur n’est pas un travailleur de l’ombre. Avant de trouver un taxi pour un déplacement aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, les voyageurs doivent traiter avec les racoleurs, surtout lorsqu’ils sont pressés. Pour aider leurs clients à vite trouver un taxi, les racoleurs proposent divers services et déploient généralement beaucoup d’énergie. Ils doivent courir dans tous les sens, effectuer des allers-retours, en vue de convaincre un client à prendre place à bord d’un véhicule. Avec ou sans le consentement, les racoleurs conduisent certains voyageurs jusqu’à la voiture en se saisissant de leurs bagages qu’ils déposent dans la malle arrière des automobiles en position. Une manière pour eux de ne pas les voir se faire détournés d’autres conducteurs, ce qui leur ferait perdre leur commission. Les racoleurs sont au premier rang de la chaîne de transport. Déjà à 5 heures du matin, ils investissent les gares routières et leur journée se termine souvent aux environs de 19 heures, a ajouté Robert Tognizoun, un racoleur à Pahou. Il poursuit en disant que leur rôle est d’aider les conducteurs de taxi-auto à faire le plein de leur véhicule, de conduire les clients vers les véhicules en attente de faire le plein et d’orienter les véhicules pour leur bon stationnement sur le parc. François Nounagnon et Lucien Ako, tous deux conducteurs de véhicules sur le parc de Godomey, expliquent que les racoleurs sont souvent payés sur la base du nombre de clients qu’ils ramènent. Ils sont également payés sur la base de la distance à parcourir par le conducteur de taxi. En réalité, précisent-ils, le tarif initial retenu dans le cadre de ce travail est de 200 CFA par client. Par exemple, la commission d’un racoleur qui ramène en moyenne six clients à un conducteur de taxi qui doit aller à Bohicon, est d’au moins 1000F CFA. Ce que réfutent la plupart de ceux qui s’adonnent à cette activité. Cette somme, selon les explications de François Nounagnon et Lucien Ako, tous deux racoleurs, représente la rémunération journalière du racoleur. Mais il arrive que des conducteurs aillent au-delà en leur payant le double ou le triple. Sauf que dans ce dernier cas de figure, tout se passe selon la générosité ou le tempérament du conducteur. Rares sont les conducteurs qui excèdent la barre des 2000F CFA ou 2500 FCFA, ont expliqué les deux hommes.
Un métier à risque mais rentable
Le métier de racoleur présente plusieurs risqus qui parfois entrainent les bagarres entre chauffeurs et racoleurs et en même temps entre racoleurs et clients. Dans tous les cas, ce n’est pas le racoleur seul qui perd. Il peut mal négocier le prix du voyage avec le conducteur en l’absence du client et à destination, ce dernier refuse de payer le montant. Il en est de même pour le passager à qui on peut communiquer un prix et à destination, le conducteur en réclame plus. En plus de ces difficultés, il arrive parfois que les chauffeurs refusent de leur payer ce qui leur revient comme commission. Cela entraîne des disputes ou des insultes ou des pertes de temps. En plus de cette misère, les racoleurs sont aussi exposés aux risques d’accident de la circulation et à la toxicomanie. A la recherche de leur pitance, les racoleurs s’exposent également aux intempéries, car n’ayant pas d’abri fixe sur le parc pour se protéger de la pluie du soleil. Au nombre des difficultés, ils doivent également faire face aux exigences de certains clients qui souhaitent des conditions plus confortables dans les véhicules qui leur sont proposés. Au-delà des difficultés qu’il pourrait générer, le racolage nourrit son homme. Bien qu’il soit un métier à risque, beaucoup de jeunes s’y adonnent. Chômage oblige ! Sur le parc de la gare routière de l’Etoile rouge, ils sont nombreux à l’exercer. Il est difficile d’abandonner un métier qui génère des revenus a expliqué Francis Nounagnon. C’est pour cette raison qu’ il, conseille souvent à ses collègues de se contenter de ce qu’ils gagnent.
D’ailleurs, le métier nourrit son homme au point qu’il a décidé de s’y accrocher. « C’est parce que nous y trouvons notre compte que nous sommes toujours présents au poste », souligne-t-il. Une partie de son revenu sert à nourrir sa famille et à subvenir à ses multiples besoins.