Si les perturbations à court terme sur l’approvisionnement en engrais peuvent être atténuées par les stocks existants, des déficits prolongés peuvent entraîner une augmentation des prix alimentaires mondiaux jusqu’à 6%, constituant ainsi des menaces à long terme pour l’agriculture mondiale, souligne l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Issa DA SILVA SIKITI
« Les pénuries d’engrais constituent une préoccupation majeure pour de nombreux pays, non seulement depuis le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, mais également en raison des incertitudes géopolitiques plus larges qui affectent le commerce mondial et les marchés des matières premières. Le conflit en cours a perturbé les chaînes d’approvisionnement et la production d’engrais essentiels, entraînant une volatilité accrue des prix et de la disponibilité. La récente flambée des prix, qui rappelle les crises alimentaires mondiales de 2008, a soulevé des questions sur la résilience des marchés internationaux des engrais », martèle cette institution basée à Paris, dans un rapport inquiétant publié lundi.
L’incapacité d’accéder aux engrais entrave la productivité agricole dans de nombreux pays à faible revenu, tandis que dans la plupart des grandes économies, plus de 50% des engrais n’atteignent pas les cultures planifiées, regrette l’USDA, le ministère américain de l’agriculture. « Une réduction de 10% des pertes et gaspillages mondiaux d’engrais permettrait de libérer plus que la quantité totale d’engrais minéraux utilisée par tous les pays africains ».
Faire monter les enchères ?
Grégoire, un agriculteur de subsistance, est indigné par l’augmentation croissante des prix d’engrais, une décision qu’il juge immorale et injuste. « Les prix ont presque doublé cette année et ceci nous pousse à réduire notre production à un niveau qui tient compte de la quantité disponible d’engrais, parce qu’on n’a pas le choix, sinon on risque de compromettre les rendements. Moi je pense que les fournisseurs profitent de la guerre russo-ukrainienne pour faire monter les enchères. Ce n’est pas possible », se plaint-il.
Au Bénin, le prix de l’engrais Npk (azote, phosphore et potassium) n’a cessé de connaître de hausse lors de ces deux dernières campagnes et contrairement à 2020-2023 au cours duquel le prix était relativement stable (240 FCFA/kg et 12.000 FCFA le sac de 50 kg), on note une augmentation drastique pour la campagne agricole 2023-2024, rapporte Agri-Impact.
A en croire le rapport de l’OCDE mentionné ci-haut, la réduction des apports de nutriments – lesquels constituent des éléments essentiels des systèmes alimentaires – a un impact direct sur les rendements.
Cependant, déplore la Banque africaine de développement (BAD), bien que les engrais soient l’un des intrants clés du secteur agricole, leur utilisation en Afrique reste inférieure à l’objectif fixé dans la Déclaration d’Abuja de 2006, à savoir l’utilisation d’au moins 50 kg d’éléments nutritifs par hectare de terre arable.
« Comment voulez-vous qu’on les utilise en grande quantité si la demande est toujours supérieure à l’offre et qu’éventuellement leurs prix exorbitants ne correspondent pas à la réalité de nos maigres ressources », s’exclame Grégoire.
La faible utilisation d’engrais en Afrique est due, entre autres, à l’incapacité du continent à mettre en place une chaîne de valeur solide et dynamique des engrais pour répondre aux besoins du secteur agricole, indique la BAD.