Le 03 mai est consacrée à la liberté de la presse décrétée par les Nations Unies depuis 1993. C’est la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse. Cette année, les professionnels des médias célèbrent la 29ème édition. Dans le Zou, aucune manifestation n’est prévue pour marquer ladite journée. Cependant elle n’a guère empêché les animateurs des médias et des citoyens de faire l’état des lieux et de proposer des actions concrètes en vue de redorer le blason de la presse béninoise.
«La liberté de la presse existe au Bénin » s’accordent à reconnaître tous ceux que notre équipe de reportage a rencontré. « Moi, je dirai que la presse béninoise est plus ou moins libre. Si je m’en tiens à ce qui se passe dans la sous-région, nous pouvons dire qu’au Bénin nous avons une certaine liberté d’expression », constate Aurore Saïzonou, présidente du réseau des femmes des radios communautaires et assimilées du Bénin. La même appréciation est faite par Constant Agbidinoukoun Glèlè, journaliste à la retraite. Selon lui, la liberté ne se donne pas. «On l’a conquiert, on l’arrache », laisse-t-il entendre. Bruno Adjahounzo, le chef d’antenne régionale de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) du Zou appuie en indiquant qu’au Bénin les professionnels des médias sont autorisés à aller aux sources d’informations. « Etant le représentant de la Haac, je pense que la liberté de presse existe. La preuve est que le journaliste est libre de concevoir ses émissions, d’aller en reportage, de faire des enquêtes. La liberté est donnée d’aller aux sources d’informations. Les journalistes sont protégés. Ils sont autorisés à aller aux sources d’informations. A mon humble avis, la liberté de presse existe au Bénin. Elle est protégée par la Haac. C’est vrai dans les conditions fixées par les différentes lois, dont la loi organique », confirme-t-il.
Une presse qui a perdu la confiance des citoyens
Même si dans le classement de Reporters Sans Frontières (RSF) le Bénin n’est pas logé à la bonne enseigne (121ème sur 180 pays en 2022), les citoyens béninois reconnaissent que la liberté de presse est garantie. Cependant, leurs attentes ne sont pas comblées. Pour les uns, la presse est à la solde du Gouvernement et pour d’autres, la prestation est appréciable mais les animateurs des médias doivent redoubler d’ardeur au travail. « La presse est un outil très important, mais n’arrive pas à satisfaire nos attentes. Au niveau de l’information et du divertissement, nous n’avons pas grand-chose à reprocher à la presse. Mais au plan éducationnel, le programme de certaines chaînes n’est pas très adapté », dénonce Alain Ahodi, conducteur de taxi-moto à Bohicon. « C’est vrai que ce n’est pas encore ce que nous voulons au niveau de la presse », certifie Aurore Saïzonou. «Ce que nous constatons aujourd’hui en matière de presse est qu’il y a eu des a avancées. Si les autorités en charge de la presse peuvent apporter tout leur soutien aux animateurs, ils réussiront leurs missions », nuance Pascal Adjahountchinon revendeurs à Bohicon. Cyprien Kponha, entrepreneur des BTP enfonce le clou en dénonçant le musellement de la presse par le politique. «L’idée primaire que nous avons de la presse n’a plus son importance parce qu’elle ne joue plus son rôle. Ce sont les informations politiques qui dominent la presse au Bénin. La vérité ne jaillit plus d’elle. Au lieu de nous faire parvenir des informations concrètes, à cause de la chose politique, la presse essaie de faire tout possible pour plaire et rester du côté du politique. Ce qui fait que l’information est toujours déformée. Conséquence, on n’a plus foi en la presse au point où chaque organe est étiqueté comme étant de la mouvance ou de l’opposition », regrette-t-il.
Repenser la profession à l’ère du numérique
Placée sous le thème : «Le journalisme sous l’emprise du numérique…. », la Journée mondiale de la liberté de presse doit être pour les professionnels des médias une occasion de réfléchir sur les conditions d’exercice du métier. « Aujourd’hui, vous savez, avec le numérique, tout le monde veut être journaliste. Il faut cette journée pour repenser même la profession. Un métier qui a des règle, qui a une déontologie qu’il faut pouvoir exploiter dans le traitement de l’information à travers le numérique », justifie Aurore Saïzonou. Constant Agbidinoukoun Glèlè, journaliste à la retraite pense qu’il faut aller au-delà des réflexions car pour lui, la presse n’évolue pas au Bénin. « La formation, personne n’en parle. Les responsables des faîtières doivent se réveiller. Le journaliste qui n’est pas formé est une bombe à retardement », note-t-il.
Le professionnalisme, la clé de la réussite du métier
Le journalisme étant un métier très sensible, il doit être exercé dans les règles de l’art. C’est du moins l’avis de certains professionnels des médias contactés. Selon eux, la liberté de presse n’est pas synonyme de l’anarchie. « Je me dis que c’est une liberté qui est vivante. Je ne crois pas qu’on nous refuse de parler, de rendre compte des informations reçues. Non ! Tout est affaire de conscience, et responsabilité. Un journaliste ne parle pas pour parler, il n’écrit pas pour écrire, il ne rapporte pas des nouvelles parce qu’il a le plaisir de rapporter n’importe quoi », relève Constant Agbidinoukoun Glèlè. En dehors de la responsabilité et de la conscience du journaliste, Bruno Adjahounzo appelle les professionnels des médias à plus de professionnalisme en vue de consolider cette liberté qui est déjà acquise. « En tant que journaliste, on ne peut pas exercer la liberté comme on l’entend. La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Partant de ce principe, on doit savoir qu’il n’y a pas de liberté sans respect des normes légales, des normes conventionnelles et des normes déontologiques et éthiques. Ce n’est pas parce qu’il y a une liberté qu’il faut passer outre les règles qui régissent le métier. Que les journalistes sachent qu’ils doivent exercer le métier dans les conditions fixées par les textes pour une société apaisée », recommande-t-il en exhortant les animateurs de la presse au travail. « Je profite de cette journée pour inviter les acteurs des médias à continuer à travailler comme il le faut dans le respect des normes du métier. Il n’y a rien à inventer. Tout existe déjà. Si on exerce un métier, on s’adapte aux contraintes du métier. Il n’y pas un métier facile », conclut Bruno Adjahounzo.
Rock Amadji (Correspondant Zou-Collines)