Elles sont des centaines de millions à braver les conditions climatiques hostiles chaque jour à la recherche du pain quotidien pour faire vivre leurs familles. Mais ces héroïnes dans l’ombre du Bénin sont souvent marginalisées, abusées et délaissées.
Issa SIKITI DA SILVA
Henriette Loko met la bassine remplie de ‘’pure water’’ (eau pure) sur sa tête et prend la direction de l’Avenue de Libération à Aïdjedo qui l’amènera vers Saint-Michel et éventuellement au marché de Dantokpa. Le soleil est au rendez-vous très tôt matin et il faisait déjà plus de 30 degrés à Cotonou.
« Ceci est ma première charge et aujourd’hui je compte faire au moins dix tours à cause de la chaleur », déclare-t-elle. « Ça fait au moins un an que je fais ce petit commerce pour m’aider à trouver quelque chose à manger pour mes deux enfants. Depuis que mon mari est parti au nord chercher du travail, il n’y est plus revenu. Il dit qu’il se porte bien mais il ne nous envoie rien. Mais je suspecte qu’il a trouvé du travail et qu’il vit avec une autre femme là-bas», a-t-elle ajouté.
Pendant qu’Henriette Loko déambule à travers les rues de Cotonou pour vendre ses ‘’pure water’’, Pauline Gnagnon, mère de quatre enfants et femme d’un homme sans emploi qui joue au poker du matin au soir, s’assoit au bord de la route vers la pharmacie de 4 Thérapies pour vendre des babouches et des habits de femmes. Ces vendeuses ambulantes subissent à la fois la colère des agents de la Police Républicaine qui les pourchassent et le soleil qui les accable avec ses rayons du matin au soir. Il y a aussi les clients qui marchandent avec une mauvaise volonté.
« Qu’il neige ou qu’il pleuve, nous sommes toujours là parce qu’on n’a pas le choix. La vie est dure au Bénin. L’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement n’a pas changé nos conditions de vie. Au contraire, nous sommes plus pauvres qu’avant », affirme Gnagnon avec un ton mélancolique.
La pauvreté est-elle féminine ?
Chaque jour, chaque heure et quelque part dans un coin perdu du Bénin, il y a des femmes comme Loko et Gnagnon qui travaillent dur et contribuent à la fois au bien-être de leurs familles et à l’économie informelle, laquelle a son tour nourrit l’économie du Benin d’à peu près 50%.
La plupart de ces femmes sont souvent pauvres et semblent vivre en marge de la société qui les stigmatise et les regarde avec mépris parce qu’elles sont différentes des autres femmes qui, elles, ‘’ont réussi dans la vie’’.
Si Adèle Loko a été souvent battue par son mari ivrogne, Pauline Gnagnon est régulièrement victime de la supercherie de son partenaire qui utilise l’argent gagné par la sueur de son front pour jouer au poker et aux paris sportifs. Si elle refuse, il la tabasse soigneusement.
La situation des femmes au Bénin est alarmante mais le manque des récentes statistiques pour quantifier son ampleur est désolant. Une étude menée par le gouvernement en 2009 avait révélé que le niveau de prévalence des violences faites aux femmes était de 69%. En ce jour de la célébration de la Journée internationale de la femme dont le thème est « Penser équitablement, bâtir intelligemment, innover pour le changement », bon nombre d’observateurs se demandent si la situation de la femme béninoise va s’améliorer un jour.
Non à la parité
Sept hommes sur 10 interviewés par l’Economiste ont réaffirmé leur opposition à l’égalité entre l’homme et la femme au Bénin, ce qui renforce la notion que les contraintes socio-culturelles jouent un rôle prépondérant dans la subordination à tout prix de la femme par l’homme au Bénin. « Le Bénin n’est pas la France ni les Etats-Unis ni ces soi-disant pays développés où la femme a plus de droits que les hommes. Ce n’est pas notre culture », dit Richard de Souza.
Interrogée sur la parité, une femme de 60 ans, Elizabeth Kouassi dit ceci : « Ce sont des histoires du monde d’aujourd’hui car nous on n’a pas grandi avec ça. L’homme est toujours supérieur à la femme et c’est la philosophie que j’inculque nuit et jour à mes enfants et petits-enfants. Je ne dis pas que la femme est l’esclave de l’homme mais elle n’est pas non plus son égale ».
Sur le lieu du travail
Si la situation de la femme africaine et ouest-africaine en particulier est précaire dans la famille, elle n’est pas non plus bonne sur le lieu de travail où les hommes les dominent jusqu’au bout. C’est dans cette optique que la compagnie Nestlé vient de lancer en Afrique centrale et occidentale un ambitieux plan d’accélération de la parité hommes-femmes, intitulé «De l’aspiration à l’action», dans le cadre de ses activités visant à souligner la Journée internationale de la femme 2019.
La plus grande entreprise d’aliments et de boissons du monde estime qu’un effectif équilibré entre les hommes et les femmes est tout à fait sensé dans la mesure où il contribue à stimuler l’innovation et la performance, ce qui, par conséquent, répond mieux aux besoins de ses consommateurs.
Bunmi Etty-Mfon, responsable de la gestion des performances techniques chez Nestlé West and Central Africa, a déclaré ceci : «Quand il y a un bon mélange d’hommes et de femmes, les activités de constitution d’équipes tendent à être plus équilibrées, contribuant à développer une plus grande empathie entre les individus et les équipes. La diversité stimule un plus grand effort de chacun, menant à une meilleure prise de décision ».
«De plus, comme la majorité des consommateurs de notre région sont des femmes, cela nous donne une grande perspective pour diriger l’innovation», a-t-elle conclu.