Les travailleurs hautement qualifiés dont les pays ont besoin pour faire tourner leurs entreprises et leur économie deviennent de plus en plus rare.
Issa SIKITI DA SILVA
Selon le Global Challenge Insight Report 2018 du World Economic Forum (WEF), ce sont les travailleurs hautement qualifiés dans les domaines de l’ingénierie, des sciences humaines, des sciences, du numérique et des arts qui sont les plus recherchés.
Le rapport identifie trois facteurs clés à l’origine de cette tendance mondiale, à savoir le changement général de la démographie, les salaires élevés offerts par les économies développées et les possibilités limitées de croissance dans les pays d’origine. Mécontent de leurs piètres conditions de travail (salairesde misère et environnements stressants), les travailleurs hautement qualifiés africains quittent le continent en quête de meilleures conditions de vie ailleurs.
«Les pays développés subissent les contrecoups du vieillissement de leurs populations et se tournent vers la prochaine génération de travailleurs hautement qualifiés pour remplacer ces compétences essentielles », indique un expert sud-africain, Regard Budler, responsable de promotion de produits chez Momentum Corporate.
Ceci crée une opportunité séduisante pour une main-d’œuvre plus jeune et hautement qualifiée, en particulier la génération Y (personnes nées entre 1980 et 2000), des économies moins développées, à acquérir une visibilité internationale tout en gravissant les échelons de l’entreprise, souligne-t-il.
Ailleurs c’est mieux
« J’ai dix ans d’expérience dans mon domaine mais je me suis dit que si je ne quitte pas mon pays pour aller chercher ailleurs, je mourrai pauvre parce que je crois dur comme du fer que c’est mieux dans les pays développés. Bon nombre de mes amis se préparent aussi à partir », déclare Claude Nzinga, un ingénieur congolais en électromécanique de passage à Cotonou en destination d’un pays européen.
Environ 400 000 professionnels hautement qualifiés ont déjà quitté l’Afrique du Sud au cours de ces 14 dernières années, selon le ministère de l’Intérieur sud-africain et l’Observatoire des entreprises d’Afrique du Sud. Une professionnelle hautement qualifiée béninoise vivant et travaillant à Cotonou qui a requis l’anonymat a affirmé être à 80% prête pour émigrer à l’Occident. « J’ai vraiment le sentiment que c’est comme si je perds mon temps ici », a-t-elle déclaré.
« Les pays riches ont besoin de travailleurs hautement qualifiés pour des activités économiques à haute intensité de connaissances et, à cause des pénuries au plan local, ces personnes doivent être recrutées dans les pays pauvres et à économies de marché émergentes », affirme Aderant iAdepoju du Human Resources Development Center (Nigeria) dans un rapport publié en 2007 par la Fondation Roi Baudouin et le Global Forum on Migration and Development.
Développement de carrière
«Les plus jeunes employés recherchent de plus en plus d’opportunités de développement personnel et de développement de carrière, notamment de voyager et de travailler à l’étranger. Les entreprises cherchant à fidéliser ces travailleurs pourraient envisager de récompenser leur fidélité en leur offrant ces opportunités alternatives », conseille Regard Budler.
« Nous avons constaté que de plus en plus d’entreprises utilisent des congés sabbatiques rémunérés pour étudier ou vivre à l’étranger afin de susciter l’engagement et de fidéliser les talents », poursuit-il.
L’Afrique ne perd non seulement son meilleur talent mais aussi une part importante de revenus en impôts et en consommation dont bénéficient les pays de destination. « Les migrations contribuent au développement des pays de destination – par le biais des impôts et de la consommation. On estime que les migrants dépensent 85% de leurs revenus dans les pays de destination », renchérit la CNUCED dans son Rapport 2018 sur le développement économique.