Le 31 décembre 2022, le président Patrice TALON a rencontré des concitoyens porteurs de handicaps dans le cadre d’une émission où ceux-ci ont pu lui exprimer directement leurs préoccupations. C’était en présence de la ministre en charge de la question, madame Véronique TOGNIFODE, des Affaires Sociales et de la Microfinance. Occasion pour le Chef de l’Etat de partager avec ses interlocuteurs, les réflexions et les ambitions de son Gouvernement en ce qui concerne leur inclusion sociale.
Voici la substance de ce qui a été au cours de cette émission.
- Madame Véronique TOGNIFODE, ministre des Affaires Sociales et de la Microfinance
« Monsieur le Président de la République,
En me confiant le Ministère des Affaires Sociales et de la Microfinance, vous m’avez indiqué que vous voulez d’une action structurée et inclusive qui prenne en compte, autant que nos moyens le permettent, tous ceux qui sont demandeurs de l’assistance, du soutien ou de l’orientation de l’Etat pour se sentir appartenir à la communauté nationale.
Nous déployons d’importantes ressources au profit des plus vulnérables d’entre nous, mais les attentes, en raison des besoins particuliers et variés, sont toujours plus grandes.
Les personnes porteuses de handicap constituent une cible majeure dont les attentes spécifiques ne favorisent pas toujours l’appréciation juste des efforts de l’Etat à leur endroit.
Certaines d’entre elles, à l’occasion et parlant sans doute au nom de toutes, ont parfois interpellé le Gouvernement pour la mise en place d’une politique de discrimination positive pour alléger leurs souffrances. Ce fut encore le cas en 2021, alors que vous rencontrez, Monsieur le Président de la République, certains acteurs de la vie socio-politique nationale.
Monsieur le Président de la République, chaque fois que vous évoquez le sujet, vous ne manquez de dire qu’il y a forcément moyen de faire beaucoup plus pour ceux qui ont davantage besoin de la protection de l’Etat, de la solidarité nationale ; et que nous devrons trouver une approche durable pour leur prise en compte.
C’est pour cette raison que vous avez voulu les rencontrer avant la fin de cette année 2022, en vue de partager avec eux vos réflexions pour l’amélioration de leurs conditions. A cet effet, nous avons invité quelques personnes représentatives de cette cible, en termes de type de handicap et de prise en charge éducative.
Il s’agit de : - M. Abdoul Wahab SALAHOU YEKINI, un jeune que le handicap n’empêche pas de mener une vie d’entrepreneur et de sportif ;
- M. Théophile TAWEMA, président de l’Association des étudiants handicapés ;
- Mme Aimée GLIKOU, spécialiste en Ressources humaines qui s’investit dans la vie associative pour une meilleure inclusion des personnes handicapées ;
- Mlle Emilienne DOSSOU élève en classe de 5ème à l’école de Louho ; et pour la traduction du langage en signes,
- M. Raymond SEKPON, fondé de l’école des sourds de Louho à Porto-Novo
L’opportunité leur est ainsi offerte de partager avec vous leurs préoccupations et leurs attentes, car, pour elles, c’est une lueur d’espoir qui pointe à l’horizon.
Je vous remercie Monsieur le Président de la République. »
Monsieur Patrice TALON, Président de la République
« Merci madame la ministre ;
Monsieur l’éducateur,
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs,
Je voudrais tout d’abord, en m’adressant à vous, adresser à l’ensemble des associations représentant les personnes en situation de handicap, tout mon regret pour le temps que j’ai mis pour organiser cette rencontre parce que ça fait bien longtemps que beaucoup d’entre vous, notamment les associations, me sollicitent pour une rencontre afin d’échanger avec le gouvernement sur leurs attentes.
C’est vrai que depuis 2017, nous avons promulgué la loi portant protection des personnes en situation de handicap. Cela fait un petit moment. Depuis, nous n’avons pas cessé de réfléchir à la situation de ces personnes-là pour définir notre stratégie d’appui, de solidarité, d’accompagnement des uns et des autres pour soulager leurs difficultés. Nous avons mis un peu de temps pour identifier les ressources nécessaires, pour concevoir un programme d’action et maintenant, nous sommes prêts ! Nous sommes prêts et comme vous me connaissez, je n’ai pas voulu vous rencontrer avant pour ne pas tenir une séance juste pour la forme. C’est facile de vous rencontrer, de vous entendre exprimer vos besoins et de dire que nous allons y réfléchir mais ce que vous attendez réellement, ce sont des mesures concrètes. Et moi, avant d’annoncer les mesures concrètes, je veux d’abord être prêt. Je veux être certain que je dispose des moyens nécessaires pour mettre en œuvre ce sur quoi nous nous sommes engagés.
Aujourd’hui, je vous rencontre avec cette assurance que nous allons nous engager maintenant à vos côtés pour votre insertion totale. Le développement est à la portée de tout le monde pourvu que, pour chacun, le peu qui lui manque, la communauté le lui apporte par la solidarité. Avant de vous donner les détails de ce que nous avons conçu, convenu comme dispositions à prendre, comme mesures à mettre en œuvre, comme plan d’action, je vais vous donner la parole pour vous laisser exprimer un peu vos attentes ; et séance tenante, s’il y a des choses que nous n’avons pas su prendre en compte, je vais bien les noter et je vais les porter au niveau du gouvernement pour que nous puissions réajuster ce qui est prévu pour être mis en œuvre à votre égard. »
Merci monsieur le Président. Je suis très heureux de l’honneur que vous nous faites, nous, personnes handicapées. Je suis SALAHOU YEKINI Abdoul Wahab, un des enfants du Bénin qui ne devrait peut-être pas aller à l’école mais par la force de l’engagement, j’ai pu me trouver une place à l’école et c’était à l’âge de 12 ans. Aujourd’hui, je me retrouve parmi les personnes handicapées qui arrivent à se débrouiller, à s’en sortir. Je suis entrepreneur et formateur sur les questions de handicap et de l’inclusion des personnes handicapées et je suis fier de dire que je suis contributeur parce que je délivre les factures normalisées. Monsieur le Président, aujourd’hui, je ne vais pas m’attarder sur moi-même parce que j’ai pu faire quelque chose jusqu’ici sans attendre forcément le gouvernement mais je veux porter à votre niveau un problème que partagent la plupart des personnes handicapées physiques comme moi. C’est le problème de mobilité. Monsieur le Président, si nous sommes ici, nous aimerions vraiment profiter de l’occasion que vous nous offrez pour vous demander ce que vous pouvez faire afin que nous puissions avoir des moyens de déplacement adaptés, des appareillages, des équipements sportifs, puisque dans la présentation je n’ai pas dit que je suis basketteur en fauteuil roulant et nous manquons réellement d’équipements adaptés. Merci, monsieur le Président.
Patrice TALON : Permettez-moi, avant de vous répondre, de vous exprimer mon admiration, mes félicitations pour votre parcours. Vous n’avez pas été esclave de votre handicap et je pense que vous avez du mérite ainsi que vos parents qui ont eu le courage et la force de vous mettre à l’école, même si cela a été fait de manière tardive comme vous venez de le dire. C’est la preuve que malgré les difficultés et le manque de solidarité, les personnes en situation de handicap, vous avez la volonté de vous en sortir, de trouver votre place dans la société. Vous avez du mérite. J’imagine bien combien pour ce qui vous concerne, vous principalement, les personnes en situation de handicap moteur, handicap physique, comment vous avez beaucoup de mal à avoir accès librement à tous les espaces qui sont dédiés à tout le monde. La Présidence où je travaille en est un exemple. Quand je suis arrivé, j’ai constaté que ni le bâtiment ancien ni le nouveau n’ont prévu des dispositifs pour des personnes à mobilité réduite ou en chaise roulante. Vous avez dû constater qu’à l’occasion de l’exposition des biens mémoriels que nous avons récupérés de la France, nous avons dû improviser le dispositif pour permettre votre accès aisé à la salle d’exposition. Les travaux qui sont en cours actuellement prévoient d’aménager de manière définitive ce dispositif pour que vous puissiez avoir les uns et les autres accès à tous les endroits dont vous avez le droit à l’accès. Le gouvernement est en train de prendre les mesures qu’il faut pour prescrire partout, notamment dans les édifices destinés au grand public, le dispositif facilitant la mobilité de vous autres, permettant l’accès libre et aisé un peu partout. Il faut commencer par cela. Bientôt, je pense que nous allons veiller à faire corriger un peu partout ces insuffisances.
En ce qui concerne les moyens de déplacement, des véhicules adaptés à votre situation, les mesures qui vont entrer en vigueur bientôt sont : la défiscalisation totale de tous les véhicules permettant aux personnes à mobilité réduite de circuler librement, défiscaliser totalement tout ce qui est appareillage et équipements pour vous faciliter la vie. Pour les équipements très lourds et très coûteux, nous envisageons même pour les personnes très lourdement handicapées, une contribution de l’Etat pour leur faciliter leur inclusion dans la société béninoise.
A partir de l’année 2023, le gouvernement échangera avec vous de manière plus formelle sur les détails de notre plan d’action parce que ce serait bien qu’au-delà de cette rencontre avec vous, que les associations représentatives soient appelées à se prononcer sur les différentes mesures pour voir s’il n’y a pas des choses qui méritent d’être améliorées ou corrigées. A la suite de cela, nous allons mettre en œuvre ce programme pour que vous vous sentiez désormais appartenir à la société béninoise. Nous avons une panoplie de mesures et le plan d’action pour vous soulager de vos peines parce que vous avez du mérite et vous méritez d’avoir votre place entière au sein de la société béninoise.
Monsieur le Président, c’est un honneur immense pour nous de vous rencontrer aujourd’hui et je suis convaincue qu’à partir de cette rencontre, les lignes vont vraiment bouger favorablement en faveur des personnes vivant avec un handicap au Bénin. Moi, c’est Aimée GLIKOU, je suis conseillère en gestion organisationnelle et ressources humaines et moi je suis née dans une famille de 8 enfants, je suis la seule portant un handicap mais j’ai eu la chance d’être aimée et élevée comme une personne normale, entre griffes ; cette précision parce que je me considère normale mais chacun à divers niveaux, a peut-être un handicap qui est caché et donc pas aussi visible que le nôtre. Moi, j’ai eu cette chance d’évoluer normalement. J’ai pu aller à l’école, avoir un diplôme universitaire et aujourd’hui, je travaille grâce à cela mais malheureusement dans notre société, surtout au Bénin, ce n’est pas le cas de nombreuses autres personnes qui vivent avec un handicap. Je sais que votre gouvernement fait déjà quelque chose dans ce sens et comme vous l’avez souligné tout à l’heure, depuis 2017, il y a eu la loi pour la protection des personnes vivant avec un handicap mais nous attendons toujours les décrets d’application de cette loi. A quand ces décrets qui pourront améliorer concrètement la vie de ces personnes vivant avec un handicap qui constituent une couche défavorisée dans notre société béninoise ?
Patrice TALON : Merci madame. Les décrets d’application seront signés et publiés dans les tout prochains jours. Nous ne l’avons pas fait depuis parce que notre volonté est de pouvoir agir efficacement et concrètement dès lors que nous allons sortir les textes et règlements qui s’imposent à nous-mêmes.
Une chose est de publier un décret qui fixe les obligations pour les uns et les autres notamment l’Etat lui-même ; qui indique les mesures et dispositions en votre faveur mais une autre est de pouvoir les mettre en œuvre et de respecter ces règlements. Tant que nous n’étions pas prêts pour mettre en œuvre le plan d’action conformément à ce qui est prévu de vous apporter, ce qu’il fallait lister dans les décrets d’application, je n’ai pas voulu les signer, ces décrets. Ils sont prêts, ils ont été préparés, nous les avons mis en phase avec notre plan d’action en votre faveur. Dès lors que les décrets seront publiés, vous verrez bien que le gouvernement sera en mesure de respecter tout ce qui y est, de respecter toutes les prescriptions. Nous allons engager le processus de mise en œuvre de ce plan d’actions.
Je dois vous le dire. Avec le peu de moyens dont nous disposons collectivement au Bénin, il fallait faire face aux urgences les plus communes : problèmes de survie, d’eau, d’électricité, de routes, d’écoles, assainissement de l’administration, lutte contre la corruption. Et ça, nous pensons qu’au stade où nous sommes, nous avons assez progressé et qu’il faut maintenant s’attaquer aux attentes individuelles, aux attentes spécifiques pour que chacun profite du développement global que nous observons au Bénin. C’est bien pour ça que je disais que nous n’étions pas prêts. Maintenant, nous avons les moyens de faire face à vos attentes, à vos demandes. Les décrets seront publiés dans les premières semaines de l’année 2023 et vous verrez bien qu’une bonne partie de vos attentes sera prise en compte.
Je peux vous affirmer, madame, que je suis à votre égard aussi très admiratif. J’ai eu quelques informations sur votre situation, sur votre parcours ; je trouve cela formidable. Vous êtes un bel exemple pour les personnes en situation de handicap et qui savent toutes seules se prendre en charge en attendant même que la communauté fasse le peu qu’il faut. Nous connaissons les déficits dont le Bénin est l’objet en ce qui vous concerne. Là également, pour des handicaps qui n’empêchent pas d’être instruit, qui n’empêchent pas d’avoir un métier, vous verrez bien que nous prendrons les dispositions qu’il faut pour que dans les temps à venir, plus personne ne soit délaissé parce qu’il porte un petit handicap.
Suite….
Ravi d’être reçu par la première autorité du pays. Je suis Théophile TAWEMA, président de l’Association des scolaires et étudiants handicapés du Bénin, je suis au département des sciences du langage et de la communication, en Licence 3 à l’Université d’Abomey-Calavi.
Nous avons constaté un grand progrès dans le pays, ce qui a abouti à l’augmentation des salaires des fonctionnaires. Quant à nous personnes handicapées, nous semblons être oubliées par le gouvernement. Monsieur le Président, qu’est-ce que vous pensez faire afin que nous, les personnes handicapées, soyons recrutées dans la fonction publique ? Deuxièmement, nous ne pouvons pas parler de recrutement dans la fonction publique en s’adressant seulement à l’Etat. Il faut s’adresser également au secteur privé. Monsieur le Président, que faire afin de forcer la main aux directeurs des entreprises pour qu’ils puissent nous recruter également ?
Patrice TALON : Vous me fendez le cœur parce que, à voir votre parcours personnel et entendre vos conclusions – que faire pour que vous puissiez aussi avoir une place dans les emplois salariés que ce soit public ou privé-, c’est vrai que jusqu’à maintenant au Bénin, il n’y a pas de dispositions particulières incitatives ou même contraignantes pour permettre à la société de vous prendre en compte dans notre existence globale. Cela est un déficit grave qui n’a que trop duré. Vous aurez l’occasion de le constater, vous verrez bien. La chose la plus facile, c’est de créer des mesures incitatives notamment pour le secteur privé. Pour l’Etat, vous verrez bien que les dispositions qui seront mises en œuvre permettront un recrutement discriminatoire favorable à vous, pour entrer dans la fonction publique. Ce qui n’est pas le cas jusqu’à maintenant même si c’est dans toutes les intentions et même des textes existants le prévoient mais nous n’avons pu jamais mettre cela en œuvre.
Tout sera fait de manière plus active désormais. Nous donnerons pour obligation de vous faire recenser, de vous faire postuler et de faire un suivi tout particulier des postulants aux contrats publics pour ces personnes porteuses de handicap. Nous allons mettre en place un dispositif pour faire le suivi de vos demandes d’insertion dans l’emploi, notamment dans l’emploi public. Toutes les fois où vous verrez qu’il y a des possibilités, que vous avez des capacités, vous pourrez postuler et vous aurez un guichet qui s’occupera de vous spécifiquement pour les emplois publics auxquels vous pouvez avoir accès.
Nous allons bientôt mettre en place ce dispositif d’établissement de la carte pour l’inclusion pour l’égalité des chances, une carte des personnes en situation de handicap, (pour utiliser une expression afin de me faire bien comprendre) qui permettra à une commission d’évaluer les handicaps des personnes qui vont se présenter, le niveau de handicap, de pouvoir les catégoriser pour bénéficier chacun selon son niveau de handicap, ses dispositions et compétences, pour qu’on puisse fixer les conditions dans lesquelles ces personnes peuvent être prises en compte dans tout ce que nous sommes en train de dire. Ces cartes vous permettront d’avoir accès à ces guichets pour être suivis, accompagnés et promus dans votre insertion dans l’emploi salarié notamment public.
Pour ce qui concerne le secteur privé, nous allons prendre des dispositions d’ordre fiscal. Pour faciliter votre insertion par exemple, l’Etat prendra en charge les cotisations patronales, c’est-à-dire que les employeurs verront l’Etat se substituer à eux pour les impôts qu’ils doivent payer en employant une personne en situation de handicap, certaines cotisations à leur charge pour qu’ils aient un certain intérêt à employer des personnes qui, apparemment, présentent des handicaps qui, jusqu’aujourd’hui, les amènent à préférer employer quelqu’un qui a toutes ses capacités. Ce qui est plus facile pour eux. Donc, il faut des mesures incitatives, des mesures qui donnent un certain avantage à ceux qui vont entrer dans la dynamique. Ce sera une première étape.
Nous pensons mettre également en œuvre des mesures coercitives. Il est vrai que c’est très difficile dans l’emploi privé de forcer un employeur à recruter quelqu’un qu’il ne veut pas recruter mais il y a des techniques pour le faire. Et nous allons également les mettre en œuvre pour que vous qui avez des compétences et qui avez quelque handicap, vous puissiez également exprimer toutes vos compétences dans la vie. Je crois que quand vous verrez le contenu de manière plus détaillée lors de nos rencontres, vous serez rassurés et vous verrez bien que l’avenir sera plus prometteur.
Patrice TALON : Alors, je vois la jeune demoiselle qui essaie de suivre tout ce que nous disons en suivant les signes de son éducateur. J’aimerais bien l’entendre un peu.
Mon nom, c’est Emilienne DOSSOU, élève en 5ème et je voudrais devenir infirmière. C’est mon rêve parce que, vous voyez, les enfants nés ou qui sont devenus sourds muets n’ont pas de spécialistes infirmiers qui les accompagnent dans les hôpitaux. Si je devenais infirmière, je compte accompagner, soigner ma mère et ma grand-mère et aussi les aider car moi j’aime fortement tous mes parents. J’aime aussi fortement les autres enfants handicapés que je compte pouvoir aider si je deviens infirmière ; parce qu’ils sont sourds, beaucoup d’enfants sont morts faute de diagnostic parce qu’à l’hôpital, ils n’ont pas été bien diagnostiqués. Merci, monsieur le Président.
Patrice TALON : Merci mademoiselle. Je suis ravi de faire votre connaissance. Votre ambition est noble parce qu’effectivement, combien d’enfants, faute de diagnostic et de prise en charge, n’ont pas réussi à se développer ? Comme vous le dites, certains ont quitté ce monde juste parce que la société n’a pas été en mesure de leur apporter l’assistance nécessaire. Et vous voulez être infirmière pour assister les personnes qui n’entendent pas et qui ne peuvent pas s’exprimer librement face à une infirmière normale. Ça montre bien que c’est un besoin. J’imagine bien quand vous, vous êtes à l’hôpital et qu’il n’y a pas d’éducateur avec vous, comment vous pouvez expliquer votre problème.
Il y a des choses dont on n’a pas idée de manière spontanée mais qui sont des réalités et qui conditionnent même votre survie. Et c’est bien pour ça que nous avons pris le temps qu’il faut pour travailler avec des experts, pour définir notre plan d’action en faveur des uns et des autres quel que soit leur type de handicap.
Nous avons à implémenter dans notre réforme éducative ce genre de besoin pour que nous puissions former des gens capables non seulement dans l’enseignement général mais aussi dans l’enseignement technique et professionnel, capables d’être des interlocuteurs des personnes porteuses de handicap et de servir d’interface avec le reste de la communauté.
Je disais que nous avons un système éducatif qui vous marginalise. Heureusement qu’il y a au Bénin quelques privés qui essaient de combler cette insuffisance. C’est l’occasion pour moi de les féliciter. Je crois que nous avons une vingtaine d’établissements privés et pour le public, nous n’avons que 4. C’est très insuffisant. Ce n’est pas bien que depuis si longtemps nous n’ayons pas fait plus d’efforts mais nous allons rattraper notre retard de sorte que l’enseignement général puisse développer des classes pour la prise en charge spécifique des personnes ayant notamment un handicap sensoriel, les mal-voyants, non-voyants, malentendants comme vous, pour qu’elles puissent suivre un cursus normal sans retard ainsi que les autres handicaps, les handicaps physiques.
(S’adressant à madame GLIKOU) Je vois madame parce qu’il faut un accompagnement particulier pour que, par exemple, l’expression écrite ne soit pas pour vous quelque chose qui vous retarde par rapport aux autres. Il doit y avoir sûrement des techniques ou des équipements spécifiques qui vous permettent de vous exprimer librement dans les mêmes conditions que tous les autres enfants qui sont en situation normale. Il en est de même pour la formation technique et professionnelle.
L’Etat, dans le cadre de son programme de développement de l’enseignement technique et la formation professionnelle va ouvrir des écoles spécifiques, des classes spécifiques pour l’insertion, la formation des personnes qui ont des handicaps quel que soit le handicap pour autant que le niveau de handicap soit compatible avec la formation qu’on veut leur donner. Je vais évoquer un autre cas qui, parfois, interpelle notre conscience. Ce sont les enfants autistes qui, parfois, ont un degré d’autisme léger ; et pour peu qu’ils soient bien suivis, ils sont capables de s’intégrer, de travailler et de vivre pleinement leur vie. Parfois, ce sont de génies cachés.
Notre rôle est de pouvoir mettre en place ce plan d’action au niveau éducatif pour que toutes ces personnes puissent exister, s’exprimer, faire profiter la communauté globale de leur talent et de leurs compétences, parfois même de leur génie. C’est pour cela que, mademoiselle, il faut être rassuré, nous allons vous faire un suivi tout particulier pour que vous deveniez effectivement infirmière afin que vous soyez capable de soulager les autres personnes qui ont du mal à s’exprimer, ou se faire comprendre du commun des Béninois. Je voudrais en faire un challenge personnel mais notre ambition, ce n’est pas d’avoir un challenge individuel à votre égard. C’est un challenge global à l’égard de personnes en situation de tel ou tel handicap.
Je peux aussi dire que c’est l’occasion de vous confier, j’ai un éducateur en face de moi, que les structures privées qui sont dans l’éducation et la formation des personnes en situation de handicap seront subventionnées parce que l’Etat n’a pas à lui seul les moyens humains, techniques, de faire face à tout le besoin éducatif du Bénin y compris le besoin éducatif des personnes en situation de handicap. Donc, les privés qui ont la volonté, qui ont une passion et qui y sont, seront accompagnés par l’Etat pour donner la meilleure formation possible à ces personnes. C’est vrai, ce ne serait pas à tout venant. Nous allons agréer les établissements qui vont présenter les standards requis ; ceux-là vont être subventionnés et suivis afin que ce ne soit pas simplement les structures publiques qui soient les seules en situation de formation et d’éducation des personnes porteuses de handicap.
Voilà, de façon un peu ramassée tout ce que nous avons décidé de mettre en place à partir de maintenant. Vous savez très bien que même la mise en place prendra du temps pour se parfaire et être accessible à tout le monde mais vous constaterez qu’il y aura un démarrage assez rapide de tout cela et au fil du temps, le Bénin sera en mesure de prendre en charge entièrement les obligations qui incombent normalement à la communauté à votre profit.
Je me nomme Raymond SEKPON, je suis fondateur d’école inclusive pour sourds et entendants que j’ai créée depuis près de 30 ans. Je suis moi-même père d’un enfant sourd. J’ai créé cette école car j’ai remarqué que particulièrement les enfants handicapés ont beaucoup de potentiels. Ils peuvent réussir si on leur donne l’occasion, on les place dans les conditions spécifiques pour réussir. D’ailleurs, les résultats de l’école de Louho le prouvent depuis quelques années. Nous avons de très bons résultats. Malheureusement, nous constatons que ces enfants ont beaucoup de difficultés parce que les spécialistes manquent, parce que des équipements manquent, parce que les infrastructures adaptées manquent. C’est ça qui fait notre difficulté. Aujourd’hui, je remercie particulièrement la Fondation Claudine Talon qui a pris en charge, la formation, les frais d’internat, tous les besoins de certains enfants. La Fondation Claudine Talon et quelques partenaires également. C’est le lieu de les remercier du fond de mon cœur.
Monsieur le Président, le travail que vous faites aujourd’hui est énorme et votre action est visible. Nous avons constaté particulièrement que votre façon de travailler est remarquée par tous les Béninois même les personnes handicapées, les enfants sourds l’ont remarquée parce que devant leur école, ils ont vu le goudron (voie bitumée) qui avait manqué parce que pour se rendre à leur école, c’est difficile en saison de pluie. Aujourd’hui, cela est réglé. Merci, monsieur le Président. A vous entendre tout à l’heure, j’ai été ému parce que vous avez déjà tout dit. Vous avez décidé, le gouvernement béninois a décidé d’appuyer les établissements privés qui apportent déjà un soutien à ces élèves, ces enfants handicapés, d’accompagner ces enfants qui ont du mérite, qui veulent réussir. Nous vous disons merci et vous demandons de recevoir les remerciements de tous ces enfants.
Patrice TALON : C’est à nous de vous féliciter, de vous remercier pour ce que vous faites pour nos enfants et pour leur insertion.
C’est à nouveau l’occasion pour moi de rappeler que ceux qui sont en auto-emploi comme vous et qui vous débrouillez, vous forcez les portes pour créer vos entreprises et exister, le gouvernement mettra en place des mesures pour vous faciliter la vie. Par exemple, nous mettrons en place un fonds d’appui à l’auto-emploi des personnes en situation de handicap. Un peu plus que ce qui est prévu pour les PME, il y aura un guichet spécifique pour les entrepreneurs en situation de handicap, pour bonifier les taux de crédit, pour vous donner des garanties en vue de lever des ressources auprès des administrations financières, pour vous apporter des formations complémentaires nécessaires à votre épanouissement.
Il y aura tout un programme important, sérieux, pour accompagner tous les entrepreneurs qui, par leur engagement, leur volonté, leur rage d’exister, de se développer, d’avoir l’appui de l’Etat, de la communauté béninoise pour le développement de leurs affaires. Et ça, ce sera un bon exemple pour tous les autres. Il faut qu’on voie des personnes en situation de handicap réussir dans la vie, avoir une belle vie, du succès, pour montrer à tous les autres qu’on peut naître avec un handicap, on peut devenir handicapé et continuer d’aspirer à un bien-être, au bonheur, à son insertion et être distingué dans la communauté.
Ce sera un programme fort de la part du gouvernement pour faire de vous des modèles pour inciter les autres à ne pas mendier juste parce qu’ils ont un handicap. C’est aussi notre rôle. C’est parce que nous ne faisons rien que certains se retrouvent à vivre de la charité mais si la communauté béninoise fait ce qu’il faut, la plupart (sinon un grand nombre des personnes ayant un handicap) seront en mesure de se prendre en charge pour ne pas vivre de la charité, pour ne pas vivre de la générosité des autres. C’est notre nouveau défi. Le Bénin a envie désormais de mettre en œuvre son programme vous concernant pour inverser cette tendance ; et vous que j’ai l’occasion d’avoir en face, je pense que vous serez pour nous des partenaires pour la mise en œuvre, la divulgation et la communication nécessaire pour que ceux qui sont dans leur coin se montrent et comprennent que, désormais, on peut les accompagner pour sortir de leur situation difficile.
Je voudrais finir en exprimant à nouveau toute ma reconnaissance au secteur privé qui accompagne le Bénin dans cette dynamique depuis longtemps. Ses acteurs ont fait mieux que l’Etat en la matière. C’est formidable !
Alors chers amis, je voudrais que ce jour soit un jour d’un nouveau départ puisque jusque-là, nous n’avons jamais communiqué sur notre stratégie, nous n’avons jamais parlé de ce que nous voulons faire. Le moment est arrivé ! vous savez que le gouvernement du Bénin n’annonce plus rien qu’il ne soit en mesure de faire. Je sais que vous partirez d’ici déjà confiants. Les choses vont démarrer et nous serons témoins de ce que le Bénin fera désormais à l’endroit des personnes qui sont en situation de handicap.
M. YEKINI : On ne peut que vous dire merci, monsieur le Président, pour votre engagement, votre pragmatisme que nous avons remarqué suffisamment dans le cadre de la mise en œuvre de vos programmes. Avec vous, ce qui est dit sera fait et nous espérons vraiment que des actions seront mises en œuvre à notre profit.
Patrice TALON : Vous savez aussi, je n’ai pas tout dit. Par exemple que nous allons promouvoir les sports des personnes qui ont un handicap et qui ont besoin d’avoir des dispositifs particuliers, un accompagnement particulier pour exprimer tout leur talent. Vous êtes un précurseur, nous ferons ce qu’il faut pour que d’autres personnes s’engagent dans ce domaine sportif pour participer aux compétitions aussi bien nationales qu’internationales tout en ayant un certain handicap.
M. TAWEMA : Monsieur le Président, nous tenons à vous dire infiniment merci. Permettez-moi de vous dire que ce que je viens d’entendre est franchement inédit.
Je veux ajouter quelque chose qui m’avait échappé. Cela concerne les allocations universitaires, bourses et secours. Monsieur le Président, nous, handicapés, parfois, on découvre tardivement l’école à l’âge de 12, 13 voire 15 ans alors que pour ces allocations il y a un critère de limite d’âge, 21 ans. Ce qui nous exclut. Je fais ce plaidoyer envers vous. Si vous pouvez faire quelque chose, ça va beaucoup nous soulager.
Merci encore une fois, monsieur le Président et que Dieu vous donne surtout la force et la santé. Le meilleur va venir. Je n’en doute pas.
Il vient de dire quelque chose qui constitue une aberration et qui n’aurait jamais dû persister jusqu’à maintenant où les conditions d’âge sont les mêmes pour tout le monde y compris pour des hommes qui, c’est au hasard de la vie qu’ils ont pu être scolarisés parce qu’un parent ou un ami, une ONG a pu dire : cet enfant est mal-voyant mais il peut aller à l’école où le dispositif spécifique n’existe pas pour lui. Et après, on les met dans les mêmes conditions d’âge avec tous les autres pour avoir accès à une bourse. Ce n’est pas normal ! ce sont des aberrations que nous avons déjà décidé de corriger. Les mesures d’accompagnement qui seront indiquées pour tout le monde auront des spécificités en ce qui concerne ces personnes que vous êtes. On ne va plus confondre ceux que la société a abandonnés parce qu’ils sont un peu différents des autres. Soyez rassurés, vous avez été victime mais il n’y aura plus d’autres victimes au Bénin pour ce genre de chose. Ça va être corrigé et c’est prévu dans les textes qui seront publiés bientôt. D’ailleurs, en matière d’éducation, les accompagnements de l’Etat béninois en votre faveur se feront plus abondants. Nous prendrons en charge les personnes qui ont démontré par leur volonté, leur engagement qu’elles veulent réussir. Elles seront davantage accompagnées pour constituer des modèles pour tous les autres. C’est pour cela que nous avons mis tant de temps avant de révéler notre plan d’action mais ça y est !
Merci
La rédaction