Les prix des denrées alimentaires ont pris de la valeur ces derniers mois. Si déjà au début du mois de décembre 2021, les populations du Bénin criaient leur ras-le-bol, à la date du 17 janvier 2022, elles appellent au secours. Le Bénin est durement affecté par l’inflation galopante qui dicte sa loi dans le monde.
Félicienne HOUESSOU
La moyenne de l’indice de référence sur les prix des produits alimentaires est nettement plus élevée en 2021 qu’en 2020. Cette augmentation des prix des produits alimentaires est la plus importante depuis 2011, année record. Alors que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) parlait d’une légère baisse des prix en décembre dernier, le niveau des prix ne cesse de monter au marché béninois. De décembre 2021 à janvier 2022, les prix des produits alimentaires ont drastiquement progressé. L’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation du mois de décembre 2021 publié par l’Institut National de la Statistique et de la Démographie (INStaD) indique que la hausse des prix observée est imputable essentiellement à l’augmentation des prix des biens de la fonction « Produits alimentaires et boissons non alcoolisées » (+1,9%). Selon l’INStaD, les groupes de biens essentiellement touchés par cette hausse sont : légumes frais en fruits ou racine » (+16,0%), en raison d’une forte spéculation sur les prix des denrées telles que la tomate fraîche locale, le poivron frais, le concombre et l’aubergine en période des fêtes de fin d’année ;Poissons et autres produits séchés ou fumés » (+4,0%), à cause d’une forte demande des produits halieutiques en période des fêtes de fin d’année ;Céréales non transformées » (+3,5%), à la suite du repli des stocks du maïs en grains séchés sur les marchés ; Sel et condiments » (+2,1%), en lien avec la rareté du piment sur le marché.Le taux d’inflation au Bénin est ressorti à 1,7%, soit une hausse de 0,3 point de pourcentage par rapport à celui du mois de novembre 2021. Dans les marchés, vendeurs et acheteurs se plaignent de cette hausse régulière des prix. Pour le Béninois moyen, il devient de plus en plus difficile de joindre les deux bouts.
Analyse de la situation des années 2000 à ce jour
La rétrospective de deux décenniesen arrière montre que lecoût de la vie au Bénin a carrément doublé voire triplé. Il y a plus de 20ans en arrière, le kilogramme de poisson chinchard encore appelé Silivi se vendait à 500 Fcfa. Aujourd’hui, le prix de ce poisson tant consommé par la population béninoise est passé à 1200 Fcfa, soit une hausse de 58%. Le kilogramme de maïs qui se vendait à 100 Fcfa est passé à 250 en 2022, soit une hausse de 60%. L’huile d’arachide est passée de 350 le litre à 1200 Fcfa ; soit une augmentation de l’ordre de71%. L’huile rouge qui se vendait à 250 Fcfa le litre, il y a 20ans, est vendue à 1000Fcfa le litre, soit une hausse de 75%. Le haricot rouge de son côté est passé de 250Fcfa le kilogramme à 600Fcfa alors que le haricot blanc est monté de 300 Fcfa à 750 Fcfa en 10 ans. Lesmorceaux de sucre qui se vendaient3 à 5 Fcfa, coûtent aujourd’hui 10 Fcfa l’unité.« Nous avons connu ces hausses drastiques au cours de la décennie 2000-10. Dans le temps, nous pensions que la situation allait s’arranger au fil des années. La vie coûte de plus en plus chère aujourd’hui et on se demande si nous allons nous en sortir », déplore Albertine Affama, mère de famille. Selon l’Unité mixte de recherche MOISA, les prix internationaux de produits alimentaires ont flambé entre janvier 2006 et mars 2008, allant au double ou au triple de leurs valeurs initiales avec une chronologie variable selon les produits. Cette hausse concernait pratiquement tous les produits. Mais les plus touchés étaient les denrées alimentaires de base (céréales et oléagineux) et les produits laitiers. La hausse des prix au cours de cette décennie était moins importante pour la viande et les produits tropicaux (cacao, café) tandis que le sucre était épargné sur cette période. Aujourd’hui, tous les produits sont touchés : denrée alimentaire, matériaux de construction, appareil électroménager etc. Face à cette situation, dame Albertine Affama se questionne : « A quoi ressemblera la vie de nos enfants si la cherté de la vie va à une telle vitesse tandis que le salaire de base ne suit pas le même mouvement ? ».
Déséquilibre énorme entre le coût de la vie et ce que gagne le travailleur moyen
Des mesures immédiates et fortes doivent être prises pour satisfaire les Béninois qui disent ne plus pouvoir tenir longtemps. En effet, fixé à 20.300 f Cfa en janvier 1994, le Smig (Salaire minimum interprofessionnel garanti) est passé de 21.501 f Cfa en 1997 à 25.000 f Cfa en 2000. Ensuite, il a été relevé à 27.500 f Cfa en 2003. En 2009, le gouvernement a décidé en Conseil des ministres de la nécessité de revoir à la hausse le Smig à travers le projet de décret portant relèvement du Smig de 27.500 f à 31.625 f, soit un taux d’augmentation de 15 %, ceci après de longues luttes des travailleurs.Le 7 mars 2014, le gouvernement du Bénin a opéré le relèvement du Smig (Salaire minimum interprofessionnel garanti). Le Smig est porté de 31.625 f à 40.000f Cfa. Noël Chadaré, Secrétaire général de la Confédération des organisations syndicales indépendantes (Cosi-Bénin) reconnaît les nombreux acquis de ces dernières années, mais fait savoir qu’il y a encore du pain sur la planche. Dans son nouveau Programme d’action, le gouvernement du Bénin a annoncé une revalorisation des salaires des travailleurs. Cette mesure tant attendue devrait être bien analysée pour une réelle satisfaction des populations.« En plus de la cherté de la vie, le Parlement a voté une batterie de mesures fiscales nous étreignant. Il faut augmenter les salaires et le Smig qui depuis 2014, n’ont pas connu d’augmentation. On ne peut pas vivre aujourd’hui au Bénin avec un salaire de 40.000 Fcfa, c’est totalement dérisoire », a confié Noël Chadaré. C’est dire que la société civile et les associations de consommateurs s’attendent à un relèvement conséquent du SMIG. Selon le SG de la Cosi-Bénin, la revalorisation n’est pas une simple augmentation des salaires : « on peut augmenter de 5% ou de 10% mais revaloriser c’est donner vraiment de la valeur donc cela signifie qu’il ne sera pas question d’ajouter des miettes. Nous nous attendons aussi à ce que cette mesure s’étende de façon effective aux agents du secteur privé ». Les travailleurs attendent vivement cette mesure, qui espèrent-ils, devrait permettre d’améliorer leur niveau de vie. Car, l’inflation pousse la population à consommer des aliments de substitution à faiblevaleur nutritive, à réduire le nombre de prises de repaspar jour, àabandonner certaines dépenses de santé et d’éducation.