Alors que la Guinée-Bissau célébrait mardi 10 septembre ses 50 ans d’indépendance, bon nombre d’observateurs réfléchissaient sur ce demi-siècle d’instabilité politique qui a caractérisé ce pays de l’Afrique de l’Ouest et freiné l’essor de son développement socio-économique.
Issa DA SILVA SIKITI
Et pourtant, l’élection du président Umaro Sissoco Embaló en décembre 2019 avait suscité l’espoir d’un renouveau politique qui mènerait à la fin de la corruption au sommet de l’État et relancerait une économie en berne qui a engendré une pauvreté sans précédent. Mais, peine perdue car le 2 février 2022, une tentative de coup d’État a échoué au palais du gouvernement à Bissau et le pays reste sans parlement pour le moment, tandis que l’ombre plane sur les élections prévues en novembre 2024. Pendant ce temps, l’économie souffre et la misère des populations s’accentue.
« Depuis l’indépendance proclamée unilatéralement après onze ans de lutte armée, l’histoire politique de la Guinée-Bissau a été marquée par de profonds bouleversements. La classe dirigeante a contribué à l’apparition de profondes fractures internes qui ont plongé ce pays dans une précarité institutionnelle chronique », soulignent Miguel de Barros, Patrícia Godinho Gomes et Domingo Correia, dans un document de recherche publié chez Alternatives Sud.
Et c’est cette fragilité chronique qui a fait que les perspectives de croissance économique et de réduction de la pauvreté fassent l’objet de grandes incertitudes, soutient l’IFAD, le Fonds international de développement agricole.
Par ailleurs, le rapport des Perspectives économiques de 2024 de la Guinée-Bissau, compilé par la Banque africaine de développement (BAD), indique que le taux de pauvreté est passé de 59,9% en 2022 à 60,4% en 2023, reflétant ainsi les faibles rendements de la production de noix de cajou, principale source de revenus des ménages pauvres.
Bien que l’agriculture soit le pilier de l’économie (67% du produit intérieur brut), et que les pluies y soient abondantes et avec des terres de qualité arable (1,410 million d’hectares), le pays a toujours enregistré un déficit de production vivrière. Le secteur est caractérisé par la domination de deux cultures, à savoir le riz, pour la consommation nationale, et la noix de cajou, qui génère 95% des exportations.
« La culture de riz peine à se développer, en raison du manque de main d´œuvre pour les travaux de manutention et l’entretien des digues, les inondations par manque d’ouvrages de drainage, des variétés utilisées, souvent peu productives et de cycle long, aggravé parfois par une mauvaise distribution pluviométrique. Dans ces conditions, les productions céréalières, notamment le riz, sont insuffisantes pour couvrir les besoins », explique un rapport de l’Union africaine intitulé « Compact Guinée-Bissau pour l’alimentation et l’agriculture ».
Le rapport renchérit que l´agriculture reste traditionnelle et de subsistance et peu compétitive à cause des contraintes organisationnelles, techniques et financières.
État narcotrafiquant
La faiblesse de ses institutions, son instabilité politique chronique et la pauvreté galopante ont fait de la Guinée-Bissau un terrain favorable au développement du narcotrafic. Ce dernier gangrène désormais l’armée et l’État, selon Miguel de Barros, Patrícia Godinho Gomes et Domingo Correia.
Samedi dernier, 7 septembre 2024, la police bissau-guinéenne a saisi près de 2,6 tonnes de cocaïne à la descente d’un jet privé en provenance du Venezuela avec à bord, cinq citoyens latino-américains.