« Les sportifs et les artistes génèrent des recettes conséquentes pour leurs pays »
L’univers du sport et des arts est une mine d’or où circulent de grosses sommes d’argent. Régulièrement, les montants de transfert mirobolants des sportifs et les cachets hors norme des artistes défraient la chronique. Au Bénin, l’heure n’est pas encore à se conformer aux exigences internationales de l’organisation du travail dans le cadre de la gestion des carrières sportive et artistique. C’est ce qui semble ressortir des investigations menées sur le terrain, couplées avec l’interview réalisée avec la PDG de l’Agence » S.Y.Z Management « , Jasmine Cherchali, dont l’activité principale est la gestion de carrières sportive et artistique.
Nafiou OGOUCHOLA
Les opportunités qu’offrent les secteurs du sport et des arts sont peu exploitées par les professionnels béninois. Longtemps demeurée sous le joug de responsables qui étaient au four et au moulin, dès les années 80, la gestion des carrières sportive et artistique est de plus en plus perçue comme un travail d’intellectuels chevronnés. « Les artistes avaient pour habitude de gérer eux-mêmes leur organisation. Il y avait au sein des musiciens, prenant le cas d’un groupe de musique, un ou deux désignés pour tout organiser. Mais souvent, c’est les chefs d’orchestres qui s’en chargeaient », a confié un artiste musicien vivant à Cotonou, Edouard Houègbonnou. « Aujourd’hui, avec l’avènement des nouvelles technologies, nous avons très vite compris que ce n’est pas un travail de musicien. C’est des professionnels qualifiés qui travaillent avec les artistes internationaux. Cela a aussi l’avantage de permettre à l’artiste de se concentrer sur la création », a-t-il ajouté. Les habitudes n’étaient pas meilleures du côté du sport.
La gestion de carrière sportive au Bénin était sous l’emprise des dirigeants de clubs. Mécènes et férus du cuir rond, prenant l’exemple du sport roi, contribuant directement aux finances du club avaient la latitude d’adopter la gestion qu’ils voulaient. La gestion faite des mythiques clubs des Requis de l’Atlantique, des Dragons de l’Ouémé et autres était définie en fonction du desideratum des dirigeants du moment. Même si ces responsables avaient su amener le championnat local à son plus haut paroxysme, il n’en demeure pas moins évident que la situation actuelle des clubs béninois en dit long sur l’amateurisme qui a toujours été de mise dans ce secteur.
Les béninois ont commencé à comprendre dès le début des années 2000 que les carrières artistique et musicale devaient être gérées par des professionnels à part entière. Mais la mayonnaise était loin d’avoir pris. « Les gens ont commencé par confondre producteur, manager et gestionnaire de carrière. C’est des fonctions différentes. Mais quelque part, c’est commun au béninois qui veut avoir la main mise sur tout. En occident, chacun est responsable d’une activité. Ici, nous sommes producteurs et gestionnaires de carrière ou managers et gestionnaires de carrière. C’est des responsabilités très élevées. On ne peut les cumuler et donner les mêmes résultats que ceux qui ont fait la part des choses. C’est pour cela que vous voyez des maisons de disques qui ne survivent pas après 10 années d’existence et des artistes qui vendent eux-mêmes leurs productions. Il ne faut pas aussi oublier le fait que les artistes béninois n’attachent pas de l’importance à tout le travail que fait le gestionnaire de carrière. De même, il n’a pas la culture d’appliquer les recommandations du gestionnaire de sa carrière. C’est très difficile », a renseigné Emile Noukpo, promoteur d’une école de musique à Cadjèhoun, à Cotonou.
Ainsi, malgré une certaine envie de réussir dans la gestion des carrières sportive et artistique, les jeunes béninois se font-ils vite désillusionnés par les réalités de la vie quotidienne au Bénin. « Vous faites tout pour sortir un artiste ou un sportif du néant et il rompt les liens avec vous dès qu’il a du succès. C’est décourageant. Nous ne leur prenons rien. Nous les aidons à progresser, atteindre un niveau donné et nous investissons dans tout le processus. Mais dès que l’heure sonne pour qu’on jouisse de nos efforts, une structure plus importante vous dépouille de votre produit. Si vous avez un peu de chance, l’artiste ou le sportif que vous avez contribué à fabriquer viendra vous faire comprendre qu’il n’a pas le choix. Il dira que c’est son avenir qui est en jeu. Mais c’est nous qui lui avons donné un avenir. Et notre avenir à nous ? Sombrer ? », a confié le responsable d’une entreprise spécialisée en gestion de carrières sportive et artistique à Cotonou, Edgard Lokossou. Aux interrogations de celui-ci, un collègue apporte des contributions. « Notre pays est dans un processus de développement. Tout ne peut être rose. Si c’était le cas, nous serions déjà développés. Donc c’est à nous de savoir que la lutte sera âpre avant de nous lancer dans le secteur de la gestion de carrières. Après, c’est aux dirigeants, en l’occurrence l’Assemblée nationale, d’organiser le secteur en votant des lois pour protéger les entreprises spécialisées dans la gestion de carrières afin que leurs investissements ne puissent partir en fumée. Mais comme ce n’est pas pour demain, nous devons retrousser nos manches et aller au charbon », a expliqué Issiaka Olamidé, promoteur de ‘’Houénou media group’’, à Cotonou.
Photo : Homeky et Abimbola
Légende : Le ministre des Sports, Oswald Homeky et son homologue de la Culture, Jean-Michel Abimbola
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Jasmine Cherchali, PDG de l’Agence » S.Y.Z Management «
« Les sportifs et les artistes génèrent des recettes conséquentes pour leurs pays »
Le Bénin doit s’inspirer de l’occident pour réformer le secteur de la gestion de carrières pour en jouir pleinement. A travers une interview, nous nous plongeons au cœur de ce métier avec la PDG de l’Agence » S.Y.Z Management « , Jasmine Cherchali, basée à Bordeaux, en France.
L’économiste du Bénin : En quoi consiste la gestion de carrières artistique et sportive ?
Mon rôle est d’accompagner des artistes ou des sportifs sur du long terme, afin de les faire évoluer sur un plan de carrière et de les mener au plus haut.
Pourquoi avoir choisi ce secteur ?
Ma passion pour l’art et le sport, mais surtout, ma passion pour l’être l’humain…
Quels sont les critères de sélection des artistes et sportifs que vous managez ?
Pour décider de travailler avec un sportif ou un artiste, je regarde bien évidemment le talent, mais surtout le mental et la confiance que je peux mettre en eux.
Quel regard portez-vous sur la gestion des carrières sportive et artistique en Afrique ?
Le continent africain regorge de talents incroyables ! L’Afrique est en phase de développement sur ces axes, et je crois fortement qu’avec notre savoir faire et la transmission de nos compétences européennes, l’Afrique c’est l’avenir !
Quelle est la contribution de la gestion des carrières sportives et artistiques à l’économie de France ?
Le sport en France, notamment le football, est une source d’économie inépuisable. Parfois, les montants de transferts sont incroyables ! D’où l’importance de savoir gérer au mieux les sportifs, mais aussi les artistes, qui génèrent eux aussi une économie conséquente pour le pays.
Si le système fonctionne bien, quelle peut être la contribution de la gestion des carrières sportive et artistique à l’économie africaine ?
La contribution à l’économie africaine doit devenir et correspondre sur les grandes lignes à celles utilisées en Europe. Voilà ce qu’il nous manque pour développer sur du long terme notre économie en Afrique.
Quelles sont les difficultés que rencontrent les acteurs de la gestion des carrières sportive et artistique en France ?
De mon expérience, Il y a peu de difficultés que j’ai rencontré, car c’est un secteur d’activité où seul le travail est payant, et je suis une acharnée du travail ! Il faut être régulier et organisé. Le plus difficile étant de tenir sur la longévité.
Quelles sont les solutions que vous proposez pour dynamiser le secteur en Afrique ?
Je pense qu’il est important de transmettre notre savoir faire européen en Afrique, justement pour dynamiser ces secteurs ! La transmission de nos compétences, alliée à nos cultures et talents africains, vont nous propulser en avant.
Une préoccupation particulière à aborder ?
Ma seule est unique préoccupation, et celle de valoriser nos talents africains !
Photo : Jasmine Cherchali
Légende : La PDG de l’Agence » S.Y.Z Management « , Jasmine Cherchali.