Le commerce de vêtements d’occasion a connu un essor fulgurant au Bénin, principalement à Cotonou, dans les années 90 après la guerre du Biafra qui a contraint un certain nombre de ressortissants nigérians à s’établir dans la capitale économique du Bénin. Aujourd’hui, le quartier Missèbo à Cotonou, ne détient plus le monopole du commerce de la friperie.
Hubert DOSSOU (Stag)
Les espaces de commercialisation des produits issus de la friperie se multiplient dans les villes du Bénin. De Cotonou à Parakou en passant par Porto-Novo, il est fréquent de rencontrer des hommes et femmes qui proposent divers accessoires de mode aux populations. « Depuis quelques années, je n’ai plus besoin d’aller à Missèbo (Cotonou, ndlr) pour m’approvisionner. Les points de vente sont un peu partout à Porto-Novo », a confié Issiaka Soulé, fonctionnaire dans la capitale politique du Bénin. Pour cause, les commerçants de vêtements usagers ont senti l’intérêt de se rapprocher des clients. « Au lieu que les clients aillent jusqu’à Cotonou pour acheter des vêtements, ils peuvent trouver ce dont ils ont besoin sur place. Non seulement cela leur fait économiser les frais de déplacement, mais cela leur permet aussi d’économiser de leur temps. Pour acheter un pantalon jean et un t-shirt, le client doit dépenser environ 2000 ou 2500 FCFA. Mais avant, il fallait effectuer un déplacement aller et retour sur Cotonou à hauteur de 1000 FCFA», a renseigné Hamed Laniyan, jeune vendeur de vêtements d’occasion, à Porto-Novo.
A Cotonou, les points de vente de vêtements d’occasion se multiplient à un rythme soutenu. De Gbégamey au stade de l’amitié général Mathieu Kérékou en passant par les abords de l’échangeur de Godomey et les trottoirs des quartiers comme Mènontin et les feux tricolores de Agla, les clients ont désormais l’embarras du choix. « Missèbo est devenu trop saturé avec son lot d’insécurité. Donc, je préfère m’approvisionner auprès des vendeurs qui exposent leurs produits aux abords des rues et dans différents endroits de Cotonou. « C’est plus facile pour les clients de s’arrêter ici quand ils sont de retour du travail pour s’approvisionner en vêtements. Quand ils vont à Missèbo, ils doivent garer leurs engins et payer et surtout passer plus de temps pour trouver le produit qu’ils recherchent. Alors qu’ici, ils n’ont même pas besoin de descendre de leurs motos », a confié Herman J., vendeur de friperie sur l’esplanade du stade de l’amitié Mathieu Kérékou.
Une délocalisation aux conséquences diverses sur les prix
La proximité des produits de friperie avec les consommateurs influence de diverses manières les prix qui leur sont proposés. En effet, contrairement à Cotonou et Abomey-Calavi, les vendeurs des autres villes du Bénin doivent faire face aux frais de transport de leurs produits. Ainsi ajoutés aux prix d’achat, cela joue sur le prix de vente. « On se déplace à Cotonou pour acheter et on paye des frais supplémentaires pour déplacer nos produits jusqu’ici », a confié Hamed Laniyan. « Ce qui fait que nous sommes obligés de revoir les prix de vente à la hausse par rapport à ceux pratiqués à Cotonou pour pouvoir faire des bénéfices », a-t-il ajouté. Ce qui n’est pas forcément du goût de la clientèle. « Quand on vend à 1500 FCFA une chemise vendue à 1000 FCFA à Cotonou, cela ne nous plaît pas. C’est vrai que quand on s’approvisionne ici on économise les frais de déplacement mais je crois que certains vendeurs exagèrent », soutient Hermione Glago, étudiante à Porto-Novo.
Les ‘’prêt à porter’’, la friperie de luxe
Les boutiques de commercialisation de produits de la friperie communément appelés ‘’prêt à porter’’ sont aussi en pleine expansion. Les fripiers en boutique se distinguent des fripiers étalés dans la rue et ceux qui sont installés un peu partout dans les coins de Cotonou. Les vêtements usagés sont divisés en trois parties : ‘’1er choix’’, ‘’2ème choix’’ et ‘’recyclage’’ dont une partie est recyclée en matière première. C’est cette dernière catégorie qu’on appelle ‘’chiffons’’ et ‘’isolants’’ et les vêtements neufs et fin de série font partie de la qualité ‘’crème’’.On retrouve de grandes marques européennes et vêtements avec ou sans étiquettes comme : Levis, Nike, Adidas, Reebok, 3 suisses, Celio, Louis Vuitton…
Les grandes marques sont souvent composées des vêtements hors saison liquidés par les égéries occidentales mais aussi des vêtements d’occasion qui n’ont pas assez servis. Mais ici, les prix pratiqués sont assez élevés et sont à la bourse des citoyens de la classe moyenne. « Les boutiques de vente de friperie sont un peu plus chères que chez les vendeurs ambulants ou à Missèbo mais elles ont l’avantage de proposer des vêtements un peu plus neufs et qui durent plus que les autres », a soutenu Jean-Marc Tchibozo, assistant comptable à Cotonou.
Un secteur investi par les nationaux
Pendant plusieurs années, le secteur de la vente des produits issus de la friperie était détenu par les ressortissants étrangers dont les nigérians, camerounais, maliens et nigériens. Mais depuis quelques années, les jeunes béninois font de plus en plus une incursion au cœur du système. « C’est un secteur d’activités qui nourrit son homme, si tu connais la qualité des produits et surtout si tu connais des clients qui aiment les vêtements de qualité », a renseigné Franck D, vendeur de friperie à Cotonou.
La vente à domicile en pleine croissance
Les vendeurs de produits issus de la friperie ont développé un système de vente qui leur permet de proposer leurs produits aux clients à leurs domiciles. Plus question pour les acheteurs de se déplacer. « Les clients nous disent ce qu’ils aiment et dès que nous avons de ces produits nous les appelons pour leur fixer un rendez-vous ou nous allons les voir à la maison », a affirmé Franck D.
Encadré
Le Bénin est le premier producteur de coton en Afrique. Les acteurs du secteur envisagent une production record de plus de 800.000 tonnes pour la campagne 2019-2020. Mais malgré ces performances qui forcent l’admiration, le Bénin, depuis plusieurs décennies, est demeuré incapable de profiter de la valeur ajoutée de l’or blanc en procédant à la transformation sur place. En effet, coton produit au Bénin est exporté en occident. Après avoir subi des transformations, le coton béninois est racheté sous forme de pagne et autres accessoires en coton, pour être utilisé par les contribuables. Mais qu’est-ce qui empêche le Bénin de profiter de la transformation du coton graine sur place pour maximiser les revenus tirés de l’or blanc ? Seuls les décideurs pourront y répondre. En attendant, le Bénin continue de vendre le coton graine pour acheter les pagnes en coton, dont les wax et autres, à la Chine et aux pays occidentaux. Un comportement anti-développement.