(Les recettes de fonctionnement baissent de 26,8 % en 2024)
Les communes béninoises ont traversé une année 2024 marquée par un recul historique des recettes de fonctionnement, une pression croissante sur les dépenses et une épargne en berne. Dans ce contexte tendu, seul la relance des investissements offre une lueur d’espoir.
Aké MIDA
En 2024, les communes du Bénin n’ont mobilisé que 52,70 milliards de francs Cfa sur les 101,55 milliards attendus en recettes de fonctionnement. Le taux de réalisation s’établit ainsi à 51,9 %, selon la dernière Note de conjoncture des finances locales publiée par la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique (Dgtcp). Ce niveau représente une baisse de 26,8 % par rapport à 2023, où 72,03 milliards avaient été recouvrés. Le principal facteur de cette contre-performance est le retard accusé dans les transferts de recettes fiscales.
Les communes à statut particulier sont les plus affectées, avec un taux de mobilisation de seulement 35,6 %, contre 56,6 % pour les communes à statut intermédiaire et 64,8 % pour les communes ordinaires. Sur le plan géographique, les régions Centre et Nord s’en sortent mieux, affichant un taux d’exécution de 60,2 %, tandis que le Sud enregistre un score de 46,6 %, grevé notamment par les faibles performances de Cotonou, dont le taux s’effondre à 20,7 %.
En conséquence, l’épargne brute, indicateur clé de la santé financière des collectivités locales, chute à 18 % des recettes de fonctionnement. Il s’agit de son plus bas niveau depuis cinq ans, selon la Dgtcp. Ce recul illustre l’incapacité croissante des communes à financer leurs investissements sur fonds propres.
En chute libre
La part des recettes fiscales dans les recettes de fonctionnement s’effondre, passant de 43,9 % en 2023 à seulement 25,5 % en 2024. Le montant recouvré chute à 14,49 milliards de francs Cfa, contre 31,63 milliards l’année précédente. Toutes les composantes de la fiscalité sont en baisse. Les patentes et licences, qui représentaient 43,8 % des recettes fiscales en 2023, ne contribuent plus qu’à 16,1 %, avec une chute vertigineuse de 85,1 %.
Le cas des communes à statut particulier est particulièrement préoccupant, avec une baisse de 91,7 %, passant de 10,81 milliards à seulement 0,89 milliard de francs Cfa. La taxe professionnelle synthétique, les produits fonciers et la contribution au développement local accusent des reculs respectifs de 46,8 %, 44,8 % et 20,4 %.
Seuls les impôts indirects, notamment les taxes sur les affiches publicitaires, résistent relativement bien avec un taux de réalisation de 87,7 %, pour un montant de 3,56 milliards, en légère baisse de 2 % par rapport à 2023.
Les recettes non fiscales suivent également une tendance baissière, atteignant 11,43 milliards contre 15,34 milliards en 2023, soit une diminution de 25 %. Le produit du patrimoine recule de 33,4 %, s’établissant à 1,36 milliard, tandis que les prestations de service chutent de 31,5 %, pour atteindre 5,98 milliards. Toutes les catégories de communes sont touchées, avec des baisses comprises entre 15 % et 30 % selon les groupes.
Dépenses de fonctionnement en hausse
En dépit de la contraction des recettes, les dépenses de fonctionnement continuent d’augmenter. Elles s’élèvent à 43,45 milliards F Cfa en 2024, soit une hausse de 5,9 % par rapport à l’année précédente. La masse salariale atteint 19,05 milliards, en hausse de 22,7 %, en raison notamment des rappels de salaires, des sursalaires, des cotisations patronales et des recrutements dans le secteur de la santé communautaire.
Les achats de biens et services progressent légèrement pour atteindre 12,89 milliards. Dans les communes à statut particulier, seuls 3,90 milliards ont été effectivement engagés sur une prévision de 12,42 milliards. Les dépenses d’entretien, quant à elles, représentent désormais 26,7 % des achats de biens et services, contre 22,7 % en 2023.
Face à la baisse des recettes fiscales, à l’augmentation des charges de fonctionnement et à la faible capacité d’autofinancement, la stabilité financière des collectivités locales est sérieusement mise à mal.
Une reprise timide des investissements
Dans le tableau peu reluisant des finances locales, la relance des dépenses d’investissement constitue le seul signal positif. Elles atteignent 42,3 milliards de francs Cfa en 2024, contre 20,9 milliards en 2023, indique la Note. Cette dynamique s’explique en partie par une amélioration du taux de transfert des subventions d’investissement, dont 10,89 milliards ont été effectivement décaissés.
Toutefois, cette relance reste inégalement répartie. Les communes à statut particulier ne mobilisent que 350 millions sur 37,8 milliards prévus. Les communes intermédiaires n’exécutent que 2,59 % de leurs prévisions et les communes ordinaires atteignent à peine 6,3 %.
L’analyse de la gestion des ressources d’investissement en 2024 révèle une inefficacité persistante de la trésorerie. En début d’exercice, l’ensemble des communes disposait de 84,62 milliards comme ressources mobilisées mais non utilisées, pour diverses raisons, et reportées. A la fin de l’année, le solde de trésorerie reste élevé, à 80,32 milliards, dont 43,70 milliards pour les communes ordinaires (soit 54,4 % du total) et 32,09 milliards pour les communes à statut intermédiaire.
Le redémarrage des investissements laisse entrevoir un possible rééquilibrage, à condition que les mécanismes de transfert et de recouvrement retrouvent leur efficacité.
M.
