A son investiture le lundi 29 mai 2023, Bola Ahmed Tinubu, le président Nigérian a annoncé la fin de la subvention sur le carburant. Cette mesure aussitôt annoncée, change la donne sur le marché avec déjà l’envolée des prix aussi bien au Nigéria que dans les pays qui viennent s’y approvisionner comme le Bénin.
Bidossessi WANOU
« La subvention aux carburants a disparu ». Tels sont les propos de Bola Ahmed Tinubu, le président du Nigéria lors de son discours d’investiture. Alors que cette mesure avait été annoncée pour la fin du mois de juin, le nouveau régime en place a voulu qu’elle soit déjà exécutoire. Ainsi, l’annonce du président était avec effet immédiat. En effet, la subvention sur le carburant, une pratique en cours au Nigéria depuis trois décennies déjà, asphyxiait les finances publiques. On apprend qu’elle reviendrait à environ 13.5 milliards de dollars par an, soit autour de 25% du budget fédéral. Pour le président Bola Tinubu, il s’agit d’une somme importante qui pourrait aider à financer de nombreuses autres infrastructures de développement en vue du renforcement de l’économie. « Nous allons plutôt réorienter les fonds vers de meilleurs investissements dans les infrastructures publiques, l’éducation, les soins de santé et les emplois qui amélioreront la vie de nos concitoyens. […] Les subventions disparaissent », a-t-il déclaré. A l’annonce de la mesure, les populations sentant venir un renchérissement des coûts, ont pris d’assaut les stations-services du pays pour faire des stocks de réserve. C’était le début d’une pression sur le marché du fait de la forte demande. La situation de hausse timide qui s’installait a ainsi pris de l’ampleur. « Les points de vente au détail de NNPC avaient déjà commencé à vendre à plus de 500 N le litre à Lagos et dans le Territoire de la capitale fédérale (FCT) avant l’annonce. Les vérifications effectuées par Peoples Gazette mercredi ont montré que les points de vente vendaient à 540 N le litre à Lagos et à 537 N le litre dans le FCT» a renseigné Peoples Gazette. Dans le même temps, Dans un communiqué de la Nigerian National Petroleum Company (NNPC), principale société distributrice, « NNPC Limited souhaite informer nos estimés clients que nous avons ajusté nos prix à la pompe de PMS dans nos points de vente en fonction des réalités actuelles du marché », lit-on.
Les effets d’une mesure protectionniste ?
A Lekki, dans la périphérie de Lagos, la capitale nigériane, le prospère homme d’affaire Aliko Dangoté a mis en service le 22 mai 2023, une giga-raffinerie. Une première, il est attendu de la méga unité de production, journellement, 650 000 barils de produits raffinés : essence, diesel, kérosène. Cela devrait permettre en revanche de couvrir entièrement les besoins en carburant du Nigeria et d’exporter le surplus, la demande du marché interne étant estimée à seulement 465 000 barils par jour. La mise en service de cette raffinerie vient suppléer un important vide, dû à la défaillance des raffineries publiques qui a induit l’importation depuis peu, de la quasi-totalité du carburant distribué sur le marché nigérian. Mais c’est sans compter sur l’impact de la mesure sur la bourse des citoyens qui affrontaient depuis le mois de mars, une inflation à deux chiffres, 22.04%.
Le Bénin déjà dans la tourmente
Entre le Bénin et le Nigéria, s’est développé un réseau de commerce illicite ou coule à flots du carburant de contrebande. Le produit subventionné est subtilement détourné vers les périphériques où des réseaux illicites en provenance du Bénin et du Cameroun viennent s’approvisionner. Cela affecte l’économie des pays de destination avec d’importants manques à gagner mais les nombreux efforts des dirigeants pour en venir à bout de ce trafic n’ont pas eu d’effets. A propos, « les insurgés siphonnent le pétrole des installations pétrolières avant de l’acheminer illégalement dans la sous-région, notamment vers le marché béninois », renseigne une source médiatique. De nombreux Béninois sont abonnés à ce marché « illicite » et en font les frais depuis hier. Le carburant cédé jusqu’en début de semaine à 500 FCFA voire 475 est passé dans la journée d’hier mercredi à 600 FCFA, 650 voire 700 FCFA par endroit dans toutes les communes du pays. A Sèmè-Kpodji, localité frontalière au Nigéria où on avait le plus souvent les tarifs les plus bas (450F) au litre, le carburant atteint 600 FCFA. Comme à l’accoutumée, on note un regain d’intérêt dans les stations-service, certaines stations n’avaient plus de stock en fin d’après-midi. Pendant ce temps, le nombre d’acteurs au marché de la contrebande s’est amenuisé. C’est visiblement le début d’une crise qui à coup sûr profitera aux stations-services malheureusement peu habituées aux affluences et qui ont souvent de la peine à saisir tout le profit lié à cette envolée de prix sur le marché Nigérian. La répercussion sur le marché est certain, car, la majorité des secteurs dépendant de la mobilité et donc d’un besoin indispensable de carburant réajustent progressivement leur prix pour faire face à la nouvelle réalité du marché afin de rentabiliser. Dans un contexte où doit se poursuivre la maîtrise de l’inflation, c’est un nouveau challenge qui s’impose à l’Etat et aux gouvernants.