Encore sous-évalué, le secteur de l’art en Afrique est aujourd’hui en pleine croissance, aussi bien sur le continent qu’en dehors. Aux quatre coins du globe, artistes, mécènes, collectionneurs mais aussi acteurs étatiques et promoteurs culturels consentent d’importants investissements. Annoncé pour février 2023, le Festival international des Arts du Bénin (FInAB), entend jouer un rôle catalyseur en Afrique.
Falco Vignon
Bien que les experts continuent d’affirmer qu’il est sous-évalué, le marché de l’art africain attise désormais beaucoup plus les convoitises, gagne plus de terrain, et tente de conquérir de nouveaux acheteurs. En 2021, dopées par l’incertitude économique, les ventes de créateurs africains ont bondi de 44 %, pour atteindre un record de 72,4 millions $, le prix moyen des œuvres quant à lui a connu une amélioration de 20,4% tandis que le nombre de lots mis sur le marché a augmenté de 19,7%. Ces résultats du rapport sur le marché des artistes africains modernes et contemporains 2016-2021 du consultant ArtTactic montrent une chose : le marché de l’art africain est « en pleine ébullition », comme le faisait observer Giles Peppiatt, directeur de l’art africain moderne et contemporain chez les commissaires-priseurs Bonhams, un des leaders du secteur, au micro de la BBC. « Il y a des œuvres d’artistes africains qui rapportent plus d’un million de livres sterling, et d’autres œuvres d’artistes africains qui rapportent 500 000 livres sterling qui, il y a quelques années, ne rapportaient que 10 à 15 000 livres sterling », a-t-il expliqué.
Ces chiffres, quoiqu’encore “insignifiants” à l’échelle mondiale, ne concernent que l’art africain dans son sens premier du terme (moderne et contemporain). Mais, ajoutés aux recettes générées par l’art ancien, et par toutes les autres disciplines de l’industrie créative, ils confirment bien une tendance : il y a bel et bien un boom dans le secteur de l’art sur le continent, tant au niveau des investissements, des valeurs, que des volumes des objets.
L’Afrique, estiment les spécialistes, « a intégré tous les circuits du monde de l’art et son marché international », et entend bien en profiter.
Un potentiel immense
Que ce soit dans les arts plastiques, la musique, la danse, le théâtre, le cinéma, la littérature, ou encore la mode, le secteur dispose d’un impressionnant potentiel, et est porteur d’investissements. Ceci, principalement du fait de son histoire, sa diversité, et de son capital humain : “La culture et l’art africain commencent à être reconnus à leur juste valeur. Nos savoir-faire sont ancestraux, ils ont influencé le monde entier et ont été copiés par les plus grands artistes. C’est le cas aussi dans le domaine de la mode”, indiquait justement le célèbre créateur de mode nigérien Alphadi. Gisement d’emplois, en particulier pour la jeunesse et les femmes, l’impact de ce potentiel s’observe ainsi sur la croissance, le PIB des pays, et sur le développement de ces derniers. Selon Charly d’Almeida, le célèbre artiste béninois, qui participera à cette première édition du Festival International des Arts du Bénin, « l’art africain est en train de vivre une véritable renaissance, avec de nombreux artistes talentueux qui réussissent à s’imposer sur la scène internationale. Cela offre de nombreuses opportunités pour les investisseurs de tous horizons de découvrir et de soutenir ces artistes en devenir. »
Un bémol toutefois, les pays peinent encore à profiter de cette niche de potentialités. Un chiffre illustre assez bien le mal : selon les estimations, les Etats Africains n’accordent qu’entre 0,3 et 0,4% de leurs budgets à la culture ou à tout ce qui s’y rapporte. Un fait paradoxal, lorsqu’on observe la résonance internationale acquise par de nombreux pays du continent (Nigeria, Côte d’Ivoire, Sénégal, Bénin, RDC), grâce à leurs porte-étendards artistiques et culturels, dopés par la viralité des réseaux sociaux et l’accessibilité au numérique. Par exemple, en 2021, les ventes ouest-africaines ont connu une augmentation de 111,4 %, atteignant 29,2 millions $, selon ArtTactic. Si ces dernières années, plusieurs pays ont, semblent-ils, pris la mesure du phénomène, les initiatives restent limitées.
Le FInAB, pour favoriser une plus grande exposition
Au Bénin, un projet ambitionne de répondre à cette problématique : le Festival international des Arts (FInAB), une biennale. Programmé pour se tenir du 14 au 19 février 2023 sur 3 sites (Cotonou, Porto Novo, Ouidah), l’événement entend se démarquer. « Nous voulons assurer la promotion nationale et internationale des créateurs auprès des professionnels et particuliers (programmateurs, galeristes, collectionneurs…) de différents domaines, de plusieurs pays et leur exposition au grand public », explique Ulrich Adjovi, patron du Groupe Empire, promoteur du festival.
Pour y parvenir, un marché d’art dénommé « TOKP’ART » inspiré du marché « Dantokpa », (plus grand marché de l’Afrique de l’Ouest) sera ouvert, et rassemblera, les œuvres d’une centaine d’artistes ou de groupes d’artistes, béninois et internationaux, toutes disciplines confondues.
Ces derniers, précisent les organisateurs, seront “choisis parmi de nombreux dossiers d’appels à candidature provenant de plusieurs pays”. Sont également attendus à ces biennales, des collectionneurs, des propriétaires de galerie, des acheteurs de spectacles, des partenaires, des maisons de production, des designers et des touristes. L’objectif est simple : montrer un autre aspect du secteur de l’art en Afrique, valoriser davantage les acteurs et mobiliser plus d’investisseurs. Pour Aristide Agondanou, Directeur artistique du FINAB et acteur culturel béninois, « le FInAB est un excellent moyen pour les investisseurs de découvrir et de soutenir les artistes africains. Cet événement offre une plateforme unique pour les artistes de tous horizons de présenter leur travail et de se faire connaître sur la scène internationale. »