Le débat sur l’importance de la femme dans le processus qui mène au développement d’une nation n’est plus à faire. Mais celui relatif au rôle qu’elle a à jouer est encore d’actualité. En effet, d’une société à l’autre, les conditions faites à la femme diffèrent sur le plan professionnel. A travers une contribution parvenue à notre rédaction, Barnabé Didier Dahoui, nanti d’un master en Sciences du mariage et de la famille à l’institut pontifical Jean-Paul II, s’est proposé d’apporter son grain de sel au débat sur la contribution de la femme moderne à l’édification d’une nation développée. Lire ci-dessous, l’intégralité de sa contribution.
Contribution de Barnabé Didier Dahoui
Contribution de la femme moderne à l’édification d’une nation développée
La contribution de la femme pour le développement est de notoriété publique, malheureusement, sous influence phallocratique, elle continue d’affronter de multiples difficultés pour se positionner dans la société et mieux agir. Le contraste pour les femmes à l’heure de la modernité est de réussir à concilier efficacement leur vie en générale de plus en plus sollicitée sur le marché du travail avec leur nature intrinsèque d’ ‘’être-femme’’. Etre-femme au travail (à la maison comme en société, mais aussi en travail par moment), être femme au foyer, mère et épouse au côté de son homme et vice versa. Le désir de la femme de participer désormais plus directement à l’édification de la nation est plus que légitime et même souhaité pour que la société expérimente une autre façon de voir le monde, un monde où actuellement la femme est laissée pour compte. Les hommes ont-ils conscience de cette réalité qui peut à elle seule renverser les tendances actuelles pour amorcer véritablement le développement ou l’hypothéquer si on n’y prend pas garde?
La femme moderne
La contribution de la femme à l’édification de la nation s’exprime de plusieurs manières et est de tous les temps. Mais il faut avouer que cela devient davantage complexe dans les temps modernes où en plus des contraintes familiales, elle doit travailler en dehors du foyer pour la survie. Sa capacité naturelle à ovuler et/ou à garder en son sein un être humain pendant neuf mois est l’unique moyen naturel qui pourvoit la société en ressources humaines. Ceci advient par ce que l’on nomme ‘’le travail de l’enfantement’’ qui se prolonge dans la famille par le droit et le devoir de garde du ménage, aujourd’hui remise en cause par les tractations autour de la natalité. Ce travail n’est-il pas à l’avant-garde du développement et le ‘’rapport à l’intimité au sein du ménage’’ ne mérite-il pas d’être repensé. Henrich F. Storch le reconnait en disant : « Quant à la liaison conjugale, les frais qu’elle occasionne doivent être considérés d’autant plus comme faisant partie du capital que c’est la femme du producteur qui se charge des soins du ménage, et que, si elle lui manquait, il aurait moins de temps à donner à ses occupations productives, ou serait obligé de louer les services dont elle s’acquitte dans la maison »[1].Cette disponibilité naturelle du féminin reste un potentiel diversement apprécié selon les milieux et selon les enjeux aujourd’hui. A l’heure de la modernité où le niveau de développement se mesure par rapport à l’acquisition de biens matériels et à l’érection d’infrastructures ici et là, la femme désire elle aussi sortir de l’ornière en mettant toute sa compétence à contribution pour un développement aussi personnel qu’intégral. Si la tendance à la modernité avec toutes ces technicités à elle offerte libère la femme, son apport et son rapport d’être-femme au monde aujourd’hui ne compromettent-ils pas le développement ?
La femme émerveille le monde
Parler de la contribution de la femme… pourrait évoquer une certaine malignité à ne pas reconnaître l’action directe ou indirecte de la femme dans le processus de développement de la nation, c’est dire qu’elle était en retrait et contribuait apparemment pour peu de choses. Cela dépend aussi de qui en parle. Cette expression pourrait sous-entendre que seul l’homme masculin s’investit réellement dans le développement de la nation. Ceci pourrait être plausible s’il prend conscience du rôle effectif de protecteur qui est le sien au côté de la femme. Ceci n’est possible qu’à la condition d’entrer dans une dynamique de couple, l’institution conjugale incontournable pour la survie. L’homme selon la bible ne s’est émerveillé qu’en présence de la femme son vis-à-vis qu’il incarnait et qui lui révèle ce qu’il est, tout en se découvrant elle-même (cf Gn 2.23). Ainsi, le monde ne s’émerveillera qu’à la même condition, l’absence accentuée de la femme dans le ménage, et qu’est-ce que sa présence prononcée au sein de la société en général en tant qu’individu quelconque apportera quoi de différent que ce qu’apporte déjà l’homme ? « Qu’elle soit contrainte à abandonner ces tâches pour prendre un emploi rétribué hors de chez elle n’est pas juste du point de vue du bien de la société et de la famille si cela contredit ou rend difficiles les buts premiers de la mission maternelle »[2]. L’émerveillement commence avec la conscience du couple à construire avec ses difficultés, celle de l’acceptation du vis-à-vis, de la complémentarité et non de revendications inutiles, c’est-à-dire le déploiement de la masculinité et de la féminité modéré selon le sexe dans toutes nos relations en vue du développement. La particularité de l’apport féminin reste de taille pour induire un développement durable. Cette présence féminine dans le monde est pour son émerveillement et donc pour son développement, chercher à contourner une telle disposition serait suicidaire pour l’humanité. C’est un dilemme auquel fait face tous les humains de nos jours rien qu’à voir les luttes sexistes. Il aurait donc fallu révéler le féminin au monde pour qu’il s’éveille ; autrement, il s’ennuierait et finirait par sombrer.
Le piège de la modernité
La modernité bien qu’épanouissante, libératrice et facilitatrice de vie peut être un piège dans lequel tombera l’homme de façon inattendue. Elle détruit tout ce qui, chez les individus, pouvait encore faire obstacle à une totale soumission au Marché, nous vivons actuellement l’Âge d’Or de la Jeune Fille[3], elle éloigne du naturel pour la plupart du temps et projette dans un avenir certes prometteur mais malheureusement de plus en plus anxieux parce que s’éloignant davantage de l’homme ! L’homme ou la femme, l’éternel (le) emmerdeur (euse) sans qui on ne peut construire un bonheur durable. Le développement réside donc dans cette capabilité[4] à pouvoir gérer le quotidien avec ses lots de contraintes inhérentes à la vie. Les raccourcis finissent toujours par révéler leurs limites.
La conscience du pouvoir
La conquête du pouvoir est naturellement inscrite en l’homme et fait rage de plus en plus de nos jours. L’institution conjugale n’en est pas épargnée et chacun des époux cherche à étendre son hégémonie. Ceci fait place à un narcissisme qui gangrène le ‘’vivre-ensemble’’. Or ce pouvoir quelle que soit sa nature devrait ‘’pouvoir’’ se mettre au service des autres. Ainsi conçue comme une ‘’altruicité’’, la conscience du pouvoir au lieu d’écraser, élèvera l’homme quel que soit son sexe sans discrimination aucune. C’est la difficulté actuelle que gèrent les genres.
L’endurance et la veille comme pouvoir
L’endurance à notre sens est beaucoup plus une qualité féminine enrobée toutefois de masculinité puisque l’une provenant de l’autre et vice-versa. La particularité chez la femme moderne est de pouvoir réussir à concilier aujourd’hui sa vie publique avec sa vie de femme au foyer, tout en gravissant les échelons au travail en étant tout de même une bonne mère et une bonne épouse. Le jeu en vaut la chandelle, et ceci renvoi à une question de choix et d’organisations personnelles mais aussi une organisation à l’échelle communautaire et même étatique pour faciliter la survie. On pourra se programmer, travailler à temps partiel selon les différentes étapes à franchir dans la vie conjugale et familiale, jeunes mariés, parentage (maternage surtout avec un appui sérieux de l’époux), etc… . C’est ce devoir de veille stratégique, ce droit de garde que réclament les âmes innocentes que sont les enfants ou même paradoxalement l’un et/ou l’autre des époux. Cette conscience à veiller sur l’homme acteur principal du développement nous invite à développer une ‘’intelligence conjugale’’ à tous les niveaux de la vie active pour faciliter l’existence aux familles et ne pas hypothéquer l’avenir au berceau. Il s’agira pour les Etats donc de définir des politiques appropriées pour ce faire. Les chefs d’entreprises des deux sexes en tiendront compte et les époux[5] ne ménageront aucun effort pour sortir de l’ornière, il y va du bien-être de tous et de la sauvegarde même des infrastructures réalisées à grand frais. Cette disposition bien pensée amenuisera quelque peu le risque de faire des délinquants aussi bien dans la sphère du privé que dans le public.
Le travail de femme moderne, un pouvoir !
Ce travail devrait être doublement valorisé, sérieusement prise en charge par la femme elle-même pour un avenir meilleur. Il serait inutile de chercher à se masculiniser, il faut tout simplement pouvoir apporter à tout ce qui se fait une touche positive profondément féminine qui émerveille par sa particularité. La femme à une manière particulière de voir le monde que l’homme ne saurait lui ravir et vice versa, à moins que chaque personne veuille forcer les choses à son niveau. En tout cas, les mamelles de l’homme y sont simplement plaquées pour la décoration, celle de la femme ne sauraient être plaquées et servir. La modernité développe le phénomène du féminisme qui semble déclarer la guerre des sexes qui en principe n’en devrait pas être une. La provocation vient de très loin et peut être endiguée si les hommes surtout et les femmes aussi savent raison garder, même si chacun semble vouloir se donner raison.
La contribution de la femme moderne ne sera efficace que si la tâche lui est rendue facile depuis la maison. Elle reste et demeure l’artisan principal dans ce processus de développement, consciente qu’elle sera sollicitée entre le lit, la cuisine et le bureau, elle arrivera avec son génie à choisir le bon moment pour apporter chaque fois sa pierre à l’édifice, si un bon traitement l’accompagne. Elle semble d’ailleurs être la pierre angulaire que l’on (les deux sexes) tente de rejeter malheureusement. Néanmoins, ceci sera le fruit d’une franche collaboration d’abord entre époux, puis par le soutien des acteurs socio –économique à commencer par l’Etat en faisant régulièrement le suivi de l’état des lieux de la qualité et de la facilitation des services au sein des ménages et aux ménages afin de garantir une vie décente gage d’une nation développée dans tous ces compartiments.
Le prolongement du berceau biologique qu’est l’utérus ne saurait être réinventé en dehors de l’institution familiale et prétendre édifier l’homme en tant qu’agent de développement pour la performance économique et non une simple croissance. La contribution de la femme est donc incontournable à tout point de vue. Sa présence, son être, sa touche, ses paroles, son état de femme, ses émotions, ses compétences ne finiront pas de bousculer le monde. Il va donc de l’intérêt de tous d’enterrer la hache de guerre pour que se réinstalle une collaboration franche entre féminité et masculinité pour plus d’humanité que d’animosité[6]. La générosité, la douceur, la gratitude et la gratuité qu’enseigne la nature et qui caractérisent heureusement la femme ne devrait jamais échapper à l’esprit pour la prise en charge de l’édification d’une nation prospère et stable. Cette disponibilité naturelle de la gent féminine dans sa positivité restera pour l’humanité ce que la femme offre principalement et invite à offrir pour éviter de déconstruire ce qui est déjà un acquis sur le chemin du développement.
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