La Facilité africaine de Soutien juridique (African Legal Support Facility – ALSF) est une organisation internationale hébergée par la Banque africaine de développement (BAD). ALSF fournit des conseils aux gouvernements africains en matière de structuration et de négociation de transactions commerciales complexes relatives aux activités extractives et aux ressources naturelles, aux infrastructures, aux partenariats public-privé, à l’électricité et aux secteurs de la dette souveraine, dans le but de s’assurer que les pays africains s’engagent dans des transactions justes et équitables qui contribuent à leur développement durable.
ALSF organise son premier forum le 26 mai 2025 à Abidjan, en marge des assemblées annuelles du Groupe de la Banque africaine de développement. C’est l’occasion pour cette institution de faire un bilan de ses acquis et de définir des perspectives en adéquation avec la nouvelle donne internationale. En prélude à cet événement, Olivier Pognon, Directeur général de l’African Legal Support Facility, a accordé une interview à nos confrères de AFRIMAG. Lire ci-dessous l’intégralité de l’interview.
AFRIMAG : Quel est le sens du forum qui va se tenir le 26 mai ?
Olivier Pognon : Ce forum a lieu chaque année depuis sa création en 2020 par la Facilité africaine de Soutien juridique. Ce sera l’occasion de faire un bilan des activités des membres ainsi que de tous les bénéficiaires. Il s’agira, d’une part, d’avoir un dialogue franc entre les différentes parties, et d’autre part, de poser la question cruciale de la viabilité financière et opérationnelle de la Facilité à long terme.
AFRIMAG : Dans quelle vision stratégique s’inscrit la Facilité africaine de Soutien juridique ?
Olivier Pognon : Il faut rappeler que la Facilité a été créée par un traité international en 2008 et a effectivement démarré ses activités en 2010. C’est le fruit de la volonté des ministres des Finances de nombreux pays africains de créer un instrument qui leur permet de sécuriser les intérêts juridiques de leurs États. La Banque africaine de développement s’est ensuite proposée d’accompagner cette initiative et de l’héberger.
Initialement, la Facilité s’est fixée pour principal objectif de protéger les États membres des activités prédatrices des fonds vautours. Mais très vite, son mandat s’est étendu à la fourniture de services de conseils et de renforcement des capacités juridiques au sein des gouvernements. Nous veillons donc à accompagner les États qui nous sollicitent dans des secteurs clés que sont l’énergie, les infrastructures à travers les PPP, le secteur des ressources naturelles et extractives, ainsi que celui de la dette souveraine afin que les contrats qui découlent de ces négociations soient plus justes et équitables. Le but à moyen et long termes est de former les cadres des ministères de nos États afin qu’ils soient rompus à ces questions. La Facilité africaine de Soutien juridique se veut un outil de souveraineté juridique. Elle ambitionne d’être autonome dans la prise de décisions juridiques au niveau des gouvernements.
AFRIMAG : Qu’est-ce qui explique ce fossé entre les juristes du secteur privé et ceux de nos ministères qui semblent nettement moins outillés ?
Olivier Pognon : Tout est une question d’expérience dans les secteurs cités. En effet, il s’agit de secteurs complexes qui font appel à des notions encore peu connues de nos États. La maîtrise de ces questions requiert justement une expérience solide sur des dossiers similaires, un avantage dont jouissent les juristes des cabinets internationaux ou des sociétés privées qui en sont le plus souvent des spécialistes rompus. Ce qui est rarement le cas des juristes dans nos ministères.
AFRIMAG : Quel est l’impact mesurable des activités de la Facilité africaine de Soutien juridique depuis sa création ?
Olivier Pognon : Depuis sa création, la Facilité africaine de Soutien juridique jouit d’un bilan assez honorable. En effet, nous avons pu à ce jour former 17 258 personnes. Aussi, le nombre de requêtes que nous recevons des pays bénéficiaires est passé d’une soixantaine par an durant les trois premières années d’activités de l’ALSF à une soixantaine de requêtes par mois aujourd’hui. Par ailleurs, nous avons permis aux États bénéficiaires de réaliser plus de 9 milliards de dollars d’économies grâce à des contrats plus équitables et qui ne sont plus au détriment de ces États. Enfin, notre portefeuille lié à la dette souveraine est passé de 5 % il y a encore trois ans à 15 % aujourd’hui.
AFRIMAG : Quels types de financements la Facilité africaine de Soutien juridique cherche-t-elle à mobiliser ?
Olivier Pognon : En premier lieu, il est important de rappeler ici que nous sommes hébergés par la Banque africaine de développement, avec laquelle nous avons un accord de services. Cet accord inclut également des liens opérationnels en ce sens que la BAD gère un certain nombre de nos décaissements. Nous sommes donc structurés du point de vue comptable comme un « fonds spécial » de la Banque africaine de développement. Entre 35 % et 40 %, suivant les années, notre budget de fonctionnement est octroyé par le Fonds africain de développement (FAD), qui est l’une des trois entités principales du Groupe de la Banque africaine de développement. Par ailleurs, d’autres bailleurs de fonds contribuent également à notre budget de fonctionnement. Parmi nos partenaires fiables de longue date, nous avons des pays tels que l’Allemagne, les Pays-Bas, la France, les États-Unis ou encore le Japon. Ceci dit, la donne internationale qui s’impose à tous nous oblige aujourd’hui à diversifier nos sources de financement. Nous insistons d’ailleurs sur la mobilisation des pays membres bénéficiaires, mais nous ciblons également d’autres sources telles que les organisations philanthropiques, par exemple. La question de la mobilisation des ressources sera au centre des discussions lors du forum du 26 mai.
Source : AFRIMAG