Non, rétorquent certains experts. Conséquemment, les responsables financiers feraient mieux non seulement de dissiper ces mythes, mais aussi de soutenir les femmes entrepreneures en vue de rétrécir l’écart de financement entre les sexes. En Afrique, 70% des femmes sont exclues financièrement et il existe un écart de financement de 42 milliards de dollars entre les hommes et les femmes, selon les statistiques.
Issa SIKITI DA SILVA
La réalité est que les femmes remboursent et elles dirigent d’excellentes entreprises – et pourtant elles ne sont pas financées suffisamment. C’est le cri d’alarme du Dr Jennifer Blanke, un haut cadre de la Banque africaine de développement (BAD), qui lance un appel urgent aux institutions multilatérales de développement de mettre vite des garanties de crédit à la disposition des banques commerciales.
Ces crédits serviraient aux banques commerciales à investir dans les femmes entrepreneures, a-t-elle indiqué.
An en croire Diariétou Gaye, un haut cadre sénégalais de la Banque mondiale, si les entrepreneurs de tous les sexes font face à des contraintes telles que le manque de capital, certains obstacles, comme l’absence de collatéral et la discrimination, touchent spécifiquement les femmes. « Ainsi, les entreprises appartenant aux femmes enregistrent en moyenne des bénéfices mensuels inférieurs de 38% aux bénéfices des entreprises appartenant aux hommes. Trois facteurs expliquent en partie cette sous-performance : le manque de capital, le choix du secteur d’activité et les pratiques commerciales », a expliqué Diariétou Gaye, Directrice de la stratégie et des opérations, Afrique, dans une analyse publiée sur le site de la Banque mondiale.
Cependant, il serait injuste de ne pas reconnaitre les progrès accomplis ces dernières années sur le financement des femmes entrepreneures en Afrique. Mais, selon les données du World Economic Forum (WEF), au rythme actuel des progrès, il faudra au moins 200 ans pour combler l’écart de rémunération mondiale entre les hommes et les femmes.
En outre, certains experts estiment que les femmes sont confrontées à des contraintes uniques telles qu’un accès plus limité aux garanties et à la terre, à la gestion de petites entreprises par rapport aux hommes entrepreneurs et à la distinction floue entre les dépenses financières personnelles et professionnelles des femmes.
Qui ne risque rien n’a rien
Certains experts préfèrent aborder ce sujet dans une autre perspective, celle qui semble épingle la faiblesse de la femme entrepreneure africaine : ne pas prendre des risques malgré l’adage ‘’qui ne risque rien n’a rien’’.
« Les femmes elles-mêmes veulent être limitées dans le secteur tertiaire. Elles veulent rester dans la microfinance. Elles doivent oser et prendre le risque. L’autre contrainte est qu’elles ne tiennent pas des états financiers fiables. Il y a aussi la problématique du côté informel de leur activité : elles préfèrent rester dans l’informel pour éviter de payer les taxes », a martelée Patience Barandenge, une experte congolaise (RDC) citée par Rfi.fr. Quoiqu’il en soit, plusieurs observateurs estiment qu’un peu partout en Afrique les femmes entrepreneures restent marginalisées et désavantagées sur l’échiquier des affaires. Et c’est sur tous plans. C’est ainsi qu’un haut responsable de la Banque européenne d’investissement (BEI) avait annoncé en novembre 2019 un programme de prêts de 1,1 milliard de dollars pour aider les femmes entrepreneures africaines.
« Cette initiative vise à promouvoir l’entreprenariat féminin et aideront ces femmes a acquérir également des compétences commerciales. Ce financement encouragera l’investissement de genre lié au changement climatique et fait partie d’un engagement européen plus large pour fournir un soutien ciblé à de nouveaux investissements qui soutiennent une participation économique accrue des femmes en Afrique », avait souligné Ambroise Fayolle Le vice-président de la BEI.