(Portrait-robot du prochain président)
Qui pour prendre la présidence de la Banque Africaine de Développement des mains du nigérian Akinwumi Adesina ? Bien malin qui pourra répondre à cette question. Mais, parmi les candidatures soumises, il y a deux qui sont sur le point de passer par le chas de l’aiguille. Toutefois, tous les candidats qui rempilent ont les mêmes chances de réussir.
Belmondo ATIKPO
Si les chances des 05 candidats sont intacts à l’élection de la présidence de la BAD ; il y a de forte possibilité que deux des candidats soient en position de favoris. Mieux, le candidat du Bénin connu pour son leadership légendaire et sa rigueur dans la gestion des ressources, ferait la course en tête dans les derniers sondages d’intention de votes. Romuald Wadagni, l’actuel ministre de l’Economie et des Finances serait le candidat préféré de toute l’Afrique de l’Ouest et même au-delà. Romuald Wadagni, le pressenti à la présidence de la BAD et Akinwumi Adesina le président sortant, ont en commun la même approche de la gestion de la chose publique. Tout comme le nigérian, Romuald Wadagni est un fervent adepte des réformes par des systèmes innovants de porte-monnaie électronique. Au ministère de l’Economie et des Finances, les actions de l’argentier national ont porté leurs fruits. Et, c’est cette même expérience que le ministre va faire valoir une fois élu à la tête de la Banque Africaine de Développement. Romuald Wadagni, ministre d’État et ministre de l’Économie et des Finances depuis 2016, est reconnu pour avoir transformé l’économie béninoise en l’une des plus dynamiques de la sous-région.
Sous sa direction, le Bénin a enregistré un taux de croissance en constante progression : de 3,8 % en 2020, à 7,2 % en 2021, puis 6,3 % en 2022 et 6,4 % en 2023. Ses réformes ont renforcé la résilience économique du pays et permis le remboursement anticipé des dettes, ce qui a valu au Bénin les félicitations du FMI. Wadagni a également favorisé l’essor du secteur privé, avec le Bénin reconnu par la CNUCED comme l’un des pays où la création d’entreprise est la plus facile. En avril 2024, Standard & Poor’s a rehaussé la notation de crédit du Bénin à « BB- » avec une perspective « Stable », reflétant les bonnes performances économiques du pays. Soutenu au niveau international et honoré à plusieurs reprises comme meilleur ministre africain des Finances (2018, 2020, 2023), Wadagni se présente comme le candidat d’une économie performante et se dit confiant quant à ses chances de diriger la BAD. Sa force vient donc du fait qu’il est à la manœuvre d’une économie qui fonctionne mieux que celle de ses concurrents tchadien, zambien et mauritanien.
Le tchadien dans la peau de trouble-fête
La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) est une organisation internationale regroupant plusieurs pays d’Afrique centrale et la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) font bloc derrière le tchadien Mahamat Abbas Tolli (52 ans). Le Tchad jouit du soutien des pays de l’Afrique Central. L’ancien gouverneur de la BEAC, Mahamat Abbas Tolli, bénéficie du soutien inconditionnel du Président Déby fils, qui mène un intense lobbying diplomatique en Afrique et auprès des partenaires de la Banque africaine de développement (BAD), renforçant ainsi son statut de « candidat de l’Afrique centrale ». Tolli a dirigé les douanes tchadiennes (2001-2003) et le cabinet civil de la présidence avant d’occuper des postes clés, dont le ministère des Finances et de l’Économie et il fut chef des Infrastructures. Malgré une carrière solide, sa candidature est entachée par des accusations de fraude lors de son mandat à la BEAC qui ont terni son image.
Les Outsiders moins résignés
Candidat le moins connu, Ousmane Kane, ancien gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie, a annoncé sa candidature le 26 août 2024. Fort de plus de 15 ans au sein de la BAD, il a occupé plusieurs postes clés, dont Vice-président chargé des Services institutionnels. Diplômé de Polytechnique Paris et des Mines de Saint-Étienne, sa candidature bénéficie d’un large soutien. Kane a également dirigé la SNIM (Société nationale industrielle et minière de Mauritanie) et occupé des fonctions ministérielles en Mauritanie, renforçant sa crédibilité pour ce poste. Cependant, son bilan apparait contrasté : la SNIM est réputée pour sa gestion anarchique et l’économie mauritanienne est parmi les moins diversifiées au monde. À la lumière des profils des candidats, l’issue de cette élection reste incertaine. Le choix du successeur d’Akinwumi Adesina dépendra principalement des actionnaires non régionaux de la BAD, qui détiennent 40 % du capital, parmi lesquels les États-Unis (6,3 %), le Japon (5,2 %), l’Allemagne (3,9 %), et la France (3,6 %).
Le Dr Samuel Munzele Maimbo, économiste zambien avec près de 30 ans d’expérience dans le développement, les marchés financiers et la planification stratégique, est le candidat de la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC) pour la présidence de la BAD. Sa candidature a été validée lors du 44e Sommet de la SADC en août 2024. Actuellement vice-président de la Banque mondiale en charge du budget et de la planification stratégique, il a également dirigé des départements clés à l’IDA et à la BIRD. Il aura deux défis à relever, la tendance qui voudrait qu’un francophone remplace Adesina, et son éloignement du terrain, au contraire de ses opposants.
Le président, Bassirou Diomaye Faye a investi officiellement Amadou Hott, ancien ministre sous Macky Sall. Hott bénéficie aussi du soutien du président sortant de la BAD, Akinwumi Adesina pour avoir été son envoyé spécial avant d’être nommé en avril 2019 ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération internationale du Sénégal. L’économiste et banquier d’affaires est même retourné à la BAD, en 2022, après avoir perdu son portefeuille ministériel.
Les défis qui attendent le prochain président
Le nouveau président devra relever plusieurs défis majeurs. Par exemple, il devra assurer la continuité du modèle de capital hybride, qui combine fonds propres et ressources externes pour financer des projets ambitieux. Ce modèle a permis des investissements significatifs, comme le financement de la construction de l’autoroute Abidjan-Lagos et le développement de parcs solaires en Afrique de l’Est. En plus de gérer ce mécanisme financier innovant, le futur président devra s’attaquer aux enjeux urgents tels que la lutte contre le changement climatique. La BAD a récemment soutenu des initiatives comme le projet de reforestation dans le bassin du Congo, et le prochain leader devra poursuivre ces efforts pour renforcer la résilience écologique du continent. Le successeur devra aussi naviguer dans un environnement économique complexe, avec des enjeux liés à la diversification économique et à la réduction de la pauvreté. Les candidats devront prouver leur capacité à maintenir l’élan de réformes initié par Adesina, tout en renforçant le rôle de la BAD dans la promotion d’une croissance durable et inclusive en Afrique.
Bilan du Dr Akinwumi Adesina
Avec le Dr Adesina, le Groupe de la Banque africaine de développement a réalisé la plus forte augmentation de capital depuis sa création en 1964 lorsque, le 31 octobre 2019, les actionnaires de 80 pays membres ont porté le capital général de 93 milliards de dollars à un montant historique de 208 milliards de dollars. Le Groupe de la Banque africaine de développement a réagi avec audace et rapidité à la pandémie de Covid-19. Le 3 avril 2020, la principale institution de financement du développement a lancé une obligation sociale Covid-19 de 3 milliards de dollars, suivie d’une facilité de réponse à la crise de 10 milliards de dollars. Le Dr Adesina a été récompensé par de nombreux prix. Le 19 octobre 2017, il s’est vu décerner le prix mondial de l’alimentation, également connu sous le nom de « prix Nobel de l’agriculture ». Le 29 février 2020, il a été nommé Africain de l’année 2019 par un million de lecteurs de l’African Leadership Magazine. Le 14 décembre 2020, l’Académie de la santé publique, l’organe phare de l’Institut ouest-africain de santé publique, a annoncé que le Dr Adesina était l’un des lauréats de son Distinguished Fellowship Award 2020 pour les efforts fructueux qu’il a déployés pour aider l’Afrique à limiter l’impact de la pandémie de Coronavirus.