Plus de 63% de la population de l’Afrique subsaharienne vit dans les milieux ruraux dont la majorité vit dans la pauvreté. L’économie rurale, ce pilier de création d’emplois qui devrait les secourir, est en panne. Que faire pour la réhabiliter ?
Issa SIKITI DA SILVA
L’économie rurale reste largement associée à la production agricole primaire. L’amélioration de la qualité des emplois agricoles – généralement parmi les moins protégés, les moins rémunérés, les plus dangereux et les moins favorisés – est essentielle pour attirer les jeunes des zones rurales, indique l’Organisation internationale du travail (OIT).
Au Bénin, 53% de la population vit dans les zones rurales, selon la Banque mondiale. Le pays, qui tire la plupart de ses richesses de l’agriculture, comptait 42,03 % des travailleurs employés dans le secteur agricole en 2018, selon les données de l’Université de Sherbrooke au Québec (Canada). Mais bon nombre de ces travailleurs agricoles ne cessent de se plaindre à propos de conditions précaires dans lesquelles ils évoluent et demandent plus de justice sociale et de dignité de la part de leurs employeurs.
« On travaille dur mais nos efforts ne sont pas récompensés comme il faut car les patrons se taillent la part du lion et nous jettent des miettes. C’est pourquoi j’ai décidé d’arrêter et de venir à Cotonou pour chercher un travail décent qui me paiera mieux. Toutefois, je peux retourner si on pourrait ajuster les salaires et assouplir les conditions de travail. C’est trop dur », a déclaré Jean-Philippe Koffi Bagnon.
« Il est essentiel de placer le travail décent dans l’économie rurale en bonne place dans les agendas politiques nationaux et internationaux pour trouver des solutions durables à long terme aux énormes problèmes auxquels sont confrontés des centaines de millions de personnes dans le monde », martèle l’OIT.
Défis et réalités du terrain
« Les défis auxquels les économies rurales sont confrontées sont multiformes et interdépendants et leur traitement nécessite des interventions intégrées, intersectorielles, impliquant de multiples parties prenantes et spécifiques au contexte. Une coopération et une coordination étroites entre tous les ministères sont essentielles pour garantir que les interventions donnent les résultats escomptés », révèle l’OIT.
« Des solutions efficaces sont également nécessaires pour faire face aux défis émergents tels que l’évolution des relations de travail découlant de la sous-traitance, y compris dans les plantations. Des emplois décents facilitent la croissance agricole, ce qui peut augmenter les revenus ruraux, favoriser une consommation plus élevée et avoir des effets multiplicateurs significatifs sur l’ensemble de l’économie. Compte tenu de la hausse de la demande mondiale de produits alimentaires, le secteur agricole offre des possibilités d’emploi inexploitées », ajoute l’OIT.
« Le secteur productif agricole béninois est caractérisé par la prédominance des exploitations agricoles de type familial et sa vulnérabilité à la variabilité climatique. Les revenus et la productivité sont faibles et la force de travail n’est que partiellement valorisée, ce qui rend très peu compétitifs les produits agricoles. La plupart des exploitants agricoles ont très peu recours aux intrants améliorés et s’adonnent à des pratiques d’exploitation minière qui accentuent la dégradation des ressources naturelles », reconnait le gouvernement dans son document intitulé ‘’Plan Stratégique de Développement du Secteur Agricole (PSDSA) 2025 et Plan National d’Investissements Agricoles et de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle PNIASAN 2017 -2021’’.
Meilleures pratiques agricoles
Selon Useful Community Development, un site de développement communautaire basé aux Etats-Unis, un programme de développement économique rural devrait comporter trois volets. Primo, il faudra renforcer la solidité de la base agricole grâce à la promotion des meilleures pratiques agricoles, à l’octroi de prêts appropriés, à l’aide d’adaptation aux nouvelles cultures et au nouvel élevage et à la promotion de nouveaux débouchés sur les marchés locaux.
Secundo, il faudra attirer des emplois non agricoles bien rémunérés dans la communauté pour permettre une diversification et des opportunités de revenus supplémentaires. Tercio, il faudra renforcer l’interaction entre les éléments agricoles et non agricoles de la base économique afin de découvrir de nouvelles opportunités.
L’économie rurale, comme toute économie normale, nécessite d’infrastructures pour se développer. Il faudra donc, entre autres, électrifier les zones rurales, les doter de l’eau potable, construire des routes et préserver son environnement. Cela s’appelle la justice économique.