L’ère digitale n’est pas l’ennemi des humains et ne constitue pas une menace pour la sécurité des emplois, martèle Tsedal Neeley, spécialiste du secteur digital, auteure et professeur de l’administration des affaires à l’Harvard Business School.
Issa SIKITI DA SILVA
Les gens s’inquiètent depuis longtemps d’être remplacés par des machines, mais la véritable menace pour la sécurité de l’emploi à l’ère numérique, ce sont les autres humains, à savoir ceux qui savent utiliser les outils numériques, a déclaré Tsedal Neeley lors d’une interview accordée la semaine dernière à « Author Talks » (l’auteur parle), une série des podcasts de McKinsey & Company.
La menace que poserait l’ère digitale pour la sécurité des emplois semble devenue un débat houleux à travers le monde au fur et à mesure que les mystères de l’intelligence artificielle et des robots font une fracassante entrée sur les lieux de travail. En Afrique, un continent déjà dévasté par le chômage chronique et l’extrême pauvreté, la panique semble gagner du terrain dans certaines professions.
Cependant, cette experte primée plusieurs fois pour son travail intellectuel exhorte l’humanité à ne pas traiter les machines comme les humains car elles sont très différentes. Par contre, souligne-t-elle, les humains doivent participer au processus d’apprentissage des machines sans être frustrés, perdre confiance ou les abandonner.
Reconnaissant que le changement a toujours été difficile, Tsedal Neeley appelle les organisations à adopter une approche d’apprentissage continu, où les gens apprennent quelque chose de nouveau d’une manière régulière.
« Lorsque vous discutez avec les chefs d’entreprises dont les organisations sont à la pointe du travail numérique et de la transformation numérique, elles vous disent : « Nous devrions apprendre quelque chose de nouveau chaque jour ». Devenez curieux, assistez à un séminaire ou à un cours, quel qu’il soit », insiste-t-elle.
Changement de culture
Elle poursuit : « Lorsque nous parlons de transformation numérique, il ne fait aucun doute que nous parlons de personnes qui vont développer de nouvelles connaissances et compétences, et qui vont changer de cultures pour bien utiliser les données et la technologie de manière à mieux servir les parties prenantes. On parle aussi de l’utilisation d’outils numériques qui peuvent nous être étrangers ».
A en croire cette professeure d’université, l’humanité a besoin d’un état d’esprit numérique, lequel est une combinaison de voir les possibilités pour l’avenir en changeant les attitudes et les comportements, en comprenant ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas, et en développant les compétences.
« Ces choses demandent du temps et des efforts, mais elles ne sont pas aussi difficiles que nous le pensons. Pour maîtriser le numérique, si quelqu’un investit entre neuf mois et un an pour vraiment s’immerger dans certains domaines clés, il sera prêt à véritablement contribuer à un environnement numérique », indique-t-elle, répondant aux questions d’Eleni Kostopoulos de McKinsey Global Publishing.
Tsedal Neeley est l’auteure du nouveau livre intitulé en anglais « Digital Mindset: What It Really Takes to Thrive in the Age of Data, Algorithms, and AI » (L’état d’esprit numérique : ce qu’il faut vraiment pour prospérer à l’ère des données, des algorithmes et de l’Intelligence artificielle). L’ouvrage a été co-rédigé avec Paul Leonardi et a été publié en mai 2022 aux éditions Harvard Business Review Press.