Ce n’est plus un secret de polichinelle. La Banque mondiale vient de révéler le « secret professionnel » que bon nombre d’économistes ont longtemps hésité à divulguer. Au Kenya, le sixième pays plus riche du continent africain, la croissance économique, cet indicateur cher aux experts qui apparemment a le pouvoir d’améliorer les vies et combattre la pauvreté, a fait plutôt l’inverse.
Les politiques économiques menées au cours des dernières années par le gouvernement du président Uhuru Kenyatta ont le plus profité aux riches Kenyans, selon une déclaration de la Banque mondiale, citée par le journal économique « Business Daily ».
Si la déclaration de la Banque mondiale n’a pas fait bouger la majorité de la population qui est déjà habituée aux discours ennuyeux et creux des économistes qui ne cessent de citer des termes comme par exemple « situation macroéconomique stable », « croissance inclusive », « croissance à double chiffre », certaines personnes ont quand même réagi, en se confiant à l’Economiste du Bénin.
« C’est une manière diplomatique de dire que depuis près de 40 ans, voire plus, les Kenyans ordinaires n’ont rien profité des grosses sommes d’argent qui entrent dans les caisses de l’Etat », a déclaré Ted, un diplômé d’université qui peine à trouver du travail.
Winnie, également diplômée au chômage, fustige la Banque mondiale pour son « hypocrisie ». « Pourquoi elle a attendu que Uhuru quitte le pouvoir pour révéler une telle chose, alors qu’elle pouvait le lui dire face-à-face pour qu’il change de politiques ? Ça n’a pas de sens ».
Aucun changement
« Franchement, selon moi je n’ai constaté aucun changement dans la société kenyane, au contraire, la situation sociale de bon nombre de gens s’est détériorée ces 20 dernières années. La seule différence c’est qu’on voit de plus en plus de voitures de luxe sur nos routes et de nouveaux immeubles et de belles maisons pousser par-ci par-là comme des champignons. Et les propriétaires de ces voitures et ces maisons sont des Kenyans », indique Joy, 50 ans, propriétaire d’un restaurant.
Dans son rapport sur la santé économique du Kenya, la Banque mondiale estime que l’écart entre les riches et les pauvres est inchangé par rapport à 2015, ajoutant qu’il s’est rétréci entre 2005 et 2015, a rapporté « Business Daily » la semaine dernière.
Le Kenya a enregistré une croissance économique moyenne de plus de 5% au cours de la dernière décennie, dixit la Banque mondiale, qualifiant cette croissance de « moins pro-pauvres ».
La structure de l’économie kenyane n’a récemment pas réussi à sortir des millions de personnes de la pauvreté, a affirmé la Banque mondiale, jetant ainsi un regard suspect sur le régime de Kenyatta.
« Bien que la croissance économique ait contribué de manière significative à la réduction de la pauvreté au Kenya, la croissance est devenue moins pro-pauvres ces dernières années », a déclaré la Banque mondiale dans le rapport.
En 2022, 17% de la population du Kenya vivait avec moins de 1,90 USD par jour. Cela signifie que plus de 8,9 millions de Kenyans se trouvaient dans l’extrême pauvreté, dont la plupart se trouvent dans les zones rurales, selon les chiffres de Statiste.