Déroulées au Ghana du 23 au 27 mai 2022, les Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) ne se sont pas seulement consacrées aux questions purement économiques mais aussi au changement climatique. Occasion pour l’institution de financement du développement de l’Afrique de réitérer son engagement à offrir de meilleures opportunités aux jeunes et aux femmes du continent.
Sylvestre TCHOMAKOU
L’Afrique, principale victime des changements climatiques alors qu’elle n’émet que 3% des gaz à effet de serre, devrait transformer ses défis climatiques en opportunités pour créer des emplois verts pour les jeunes et les femmes. C’est dans cette perspective que le troisième événement de partage du savoir, tenu le dernier jour des Assemblées annuelles du Groupe de la Banque africaine de développement (23-27 mai) a réuni les participants autour du thème : « Des emplois verts pour les jeunes et les femmes en Afrique après le Covid-19 ». Ces derniers ont partagé leurs expériences sur les solutions d’adaptation au changement climatique, développées en Afrique et aux États-Unis par le secteur privé. Le ministre des Finances du Ghana, Kenneth Ofori-Atta, président du Conseil des gouverneurs de la Banque africaine de développement a développé la stratégie du Ghana pour créer des emplois verts pour les jeunes et les femmes. « Nous avons mis en place le « Program Youth Start », doté d’un million de dollars et qui doit nous permettre de créer un million d’emplois pour les jeunes et les femmes », a souligné le ministre. Les secteurs concernés sont : l’agriculture, l’énergie solaire, le reboisement, la transformation agricole. Selon lui, les jeunes représentent plus de 70% de la population et doivent être une opportunité si les gouvernements africains exploitent leur potentiel en leur offrant une meilleure éducation, la formation et la prise en charge. Son homologue du Rwanda, Dr Uzziel Ndagijimana, ministre des Finances et de la Planification économique, a souligné que son pays s’est engagé dans l’adaptation au changement climatique et a interdit l’utilisation de sacs en plastique et de matériaux d’emballage non biodégradables en 2008 et a créé son propre Fonds vert, un fonds d’investissement révolutionnaire et le plus important du genre en Afrique. « Il faut développer le capital humain – formation technique et professionnelle, formation en sciences et technologies, ingénierie – et mettre en place des fonds de garantie pour les PME et les entreprises détenues par les jeunes et les femmes », a-t-il indiqué. Il a souligné que 70% de PME bénéficiaient de garantie publique pour favoriser leur éclosion. « Plus d’emplois pour les jeunes signifie plus d’argent pour le trésor public », a-t-il indiqué.
Rappelant que l’économie verte génère 13 milliards de dollars de revenus pour les États-Unis et crée 9,5 millions d’emplois à temps plein, le sous-secrétaire adjoint américain au Trésor pour le Moyen-Orient et l’Afrique, Eric Meyer, a déclaré que les États-Unis ont incroyablement réussi à créer des emplois verts, de quoi partager cette expérience avec les pays africains pour soutenir les investissements visant à créer des emplois verts pour les jeunes femmes et hommes en Afrique. « Les emplois verts rapportent 70% de plus que les emplois polluants », a affirmé M. Meyer. Il a dit que le gouvernement américain encourage le secteur privé à investir massivement dans l’économie verte. « Le gouvernement donne les bons signaux à travers une réglementation favorable aux investissements verts. Le président Biden a mis les États-Unis sur la voie d’une économie verte notamment les véhicules électriques, l’énergie verte, etc. »
Engagement du secteur privé pour l’adaptation climatique
Yewande Adebowale, fondateur de Salubata Technological Innovations Limited, une entreprise de production de chaussures personnalisables à partir de déchets plastiques sous la marque « Salubata », (chaussures qui ne s’usent jamais, en langue Yoruba), », a rappelé la nécessité d’investir davantage dans le secteur privé pour faire face au défi du changement climatique. Chaque chaussure « Salubata » achetée contribue à l’élimination de plus de 12,66 kilogrammes de CO2 de l’environnement, a-t-elle dit. Elle a cependant déploré les obstacles pour les jeunes entrepreneurs à l’accès aux financements : lourdeurs administratives, la réglementation, et autres difficultés. « Les jeunes ont des talents. Il faudrait ouvrir les financements aux PME et développer les partenariats stratégiques, renforcer les capacités des jeunes entrepreneurs, appuyer les marques africaines ».
Le directeur général d’Ecobank Ghana, Daniel Nii Kwei-Kumah Sackey a déclaré que le secteur privé est résolument engagé dans l’adaptation au changement climatique et finance les projets d’adaptation. Ecobank Ghana est la seule institution financière accréditée par le Fonds vert pour le climat au Ghana. Elle a reçu 20 millions de dollars pour financer des projets verts ainsi qu’un appui de la Banque africaine de développement dans le cadre de son Initiative pour favoriser l’accès des femmes au financement en Afrique (AFAWA) à travers laquelle la Banque a débloqué en 2021, 420 millions de dollars et entend débloquer 500 millions de dollars en 2022 pour appuyer les entreprises détenues par les femmes en Afrique.
Patrick Verkooijen, président-directeur général du Centre mondial sur l’adaptation, a fait le lien entre croissance verte et création d’emplois verts. Il a souligné que 15 milliards d’investissements sur l’adaptation en Afrique rapportera 200 milliards de dollars par an. Appelant à la mobilisation de financement pour l’adaptation à une grande échelle, il a déclaré que la banque et le Centre ont mobilisé trois milliards de dollars pour le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique depuis la COP 26 à Glasgow. Faisant écho à cette déclaration, Dr Beth Dunford, vice-présidente du Groupe de la Banque africaine de développement chargée de l’Agriculture, du Développement humain et social, dans ses remarques à la clôture de l’événement, a rappelé qu’un dollar investi pour l’adaptation permettait d’éviter plus tard, 30 à 40% de dépenses face à ses effets. Selon elle, il faut mettre ensemble, une structure durable pour partir de l’incubation à la création de vraies entreprises pour les jeunes et les femmes.