La Conférence internationale a été organisée les 2 et 3 octobre par l’Association internationale des maires francophones (AIMF) et l’Association pour la Promotion de l’Enseignement et de la Recherche en Aménagement et en Urbanisme (APERAU), dans le cadre de l’initiative Urbanisme en Francophonie. A cette rencontre de haut niveau, de fructueux débats ont eu lieu autour de la table des Maires de capitales et métropoles francophones, des architectes et urbanistes internationalement reconnus, des universitaires, mais aussi des Ministres en charge de l’urbanisme. Présent à cette occasion, lors de son intervention à l’ouverture de la Conférence internationale à Paris sur le thème : “Le réenchantement des villes : Urbanisme En Francophonie, horizon 2050”, l’ex-ministre de l’Environnement, de l’Habitat et de l’Urbanisme, Luc Gnacadja a insisté sur un point essentiel.
Lire quelques propositions de l’expert.
« L’Afrique n’a pas besoin de Villes Clonées. Créons nos propres Villes Durables.
“En matière d’urbanisme, il faut cesser de copier. La durabilité est un projet culturel qu’il faut ancrer dans les territoires.”
Chers architectes et urbanistes africains ou intervenants en Afrique,
Il est temps de réexaminer nos pratiques. Nous ne pouvons plus réduire la Conception Assistée par Ordinateur (CAO) et aujourd’hui l’intelligence artificielle (IA) à un simple “Copier-Coller Assisté par Ordinateur ou par IA”.
La richesse de nos cultures et la diversité de nos territoires appellent une approche créative, audacieuse et enracinée dans notre réalité locale. La durabilité ne se copie pas. Elle est le fruit d’une réflexion qui émerge de nos racines, notre histoire et notre vision pour l’avenir. Les outils comme l’IA doivent être utilisés pour innover, et non pour reproduire des solutions standardisées. Forgeons nos propres réponses aux défis urbains africains, ancrées dans notre authenticité.
Aux universités et centres de formation en urbanisme et en architecture,
Votre rôle est crucial. Il est impératif de former une nouvelle génération d’experts capables de contextualiser et de co-concevoir des solutions urbaines en phase avec les besoins de nos territoires. Notre avenir repose sur des compétences capables de s’approprier les défis locaux et de les transformer en opportunités pour un urbanisme authentiquement africain.
Chers maires et décideurs politiques au sujet de l’urbain en Afrique,
Je vous exhorte à abandonner le mirage de Dubaï (ou la ‘’Dubaïsation”) comme horizon de la durabilité urbaine pour l’Afrique.
Ce rêve de répliquer des cités artificielles n’est ni réaliste ni pertinent pour nos territoires; il pourrait devenir un cauchemar à l’horizon de quelques décennies.
L’Afrique mérite mieux : des villes façonnées par et pour ses habitants, qui respectent l’équité, la résilience et l’harmonie avec notre environnement. Cessons de chercher des modèles importés ; faisons de la durabilité une réalité façonnée par nos ressources, notre savoir-faire et une vision partagée.
Le moment est venu d’innover, pas de copier.
Cette réflexion a suscité beaucoup de réactions parmi les participants, et il a souhaité l’amplifier en lançant un appel à mes confrères architectes, urbanistes africains ou intervenants en Afrique, ainsi qu’aux maires et décideurs politiques. Les internautes ont réagi également après son intervention.
Lires les réactions
Yannick Lechevallier : Internationalisons l’action territoriale ! Pour agir au niveau local et à l’international -Conférencier et conseil en stratégie d’internationalisation des politiques locales.
Intéressant de constater que les administrations locales, et au premier rang les DGS, les secrétaires généraux sont absents, masqués sans doute derrière les experts et les maires… dommage car ils et elles participent activement à cette construction.
Gérard S. General manager/Gestionnaire WebPresent: Communications & Analytics platforms provider.
Je m’interroge sur la tendance de certains intellectuels africains à blâmer systématiquement la technologie pour nos difficultés. Par le passé, c’était le fax, puis l’ordinateur, et maintenant l’IA qui sont désignés comme responsables, comme s’il fallait toujours trouver un bouc émissaire externe. Il est intéressant de noter que personne ne remet en question l’utilisation de machines à coudre Singer par nos tailleurs locaux, qui produisent souvent des vêtements basés sur des modèles occidentaux avec du wax, un tissu qui n’est pas originaire de notre continent. Si nos architectes reproduisent des infrastructures occidentales, ce n’est pas à cause des logiciels comme AutoCAD ou des outils d’IA, mais plutôt en raison d’un manque d’éducation à la pensée critique et à la créativité adaptée à notre contexte local. Comme le disait Bob Marley, nous risquons de créer des ‘concrete jungles’ inadaptées à notre environnement. Les véritables défis se situent donc au niveau de l’éducation familiale et du système scolaire, qui devraient encourager davantage la réflexion indépendante et l’innovation contextualisée. La technologie en elle-même est un outil neutre ; c’est la façon dont nous l’utilisons qui détermine son impact culturel.
Dian BALDE: Water-Energy-Food Nexus Advisor, Tony Blair Institute for Global Change (TBI)
Luc M. C. Gnacadja Excellente réflexion ! La durabilité urbaine ne peut être un concept importé ni une simple imitation de modèles externes (de même que toutes les politiques de développement). Pour créer des villes véritablement résilientes et inclusives, il est indispensable de partir du contexte local, de ses contraintes et de ses opportunités. Plutôt que de chercher à reproduire des solutions toutes faites, nous devons encourager l’innovation et l’expérimentation sur le terrain, en prenant le temps de comprendre les dynamiques locales et d’ajuster nos approches au fur et à mesure. Cela signifie travailler étroitement avec les communautés pour co-construire des réponses adaptées à leurs besoins spécifiques, tester de nouvelles idées, apprendre des échecs et itérer continuellement. Ce processus ancré dans le contexte est le seul moyen de concevoir des villes africaines qui répondent aux défis actuels tout en étant portées par une vision proprement réaliste du développement urbain.
Aurelle Christelle GNIDEHOUE Présidente Fondation GNIDEHOUE | Urbaniste | GreentechLover | Entrepreneuriat vert |Cheffe de la division Communication et Marketing/Spécialiste Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE).
À juste titre, vous avez jeté le pavé dans la marre afin d’attirer l’attention des acteurs de la ville sur l’importance de construire durable tout en s’adaptant à la spécificité de chaque territoire : son histoire, sa culture, les matériaux locaux, l’environnement etc., car chaque territoire est unique.