Au cours des 20 dernières années, les pays africains ont élargi et renforcé les mesures de contrôle qui régissent l’utilisation des communications numériques, y compris l’internet, selon un nouveau rapport publié ce mardi par la CIPESA (Collaboration pour une politique internationale des technologies de l’information et de communication pour l’Afrique de l’Est et Australe).
ISSA SIKITI DA SILVA
Ces contrôles, considérés collectivement, continuent de saper la démocratie et de renforcer le pouvoir politique des autorités, déplore le rapport titré en anglais “State of Internet Freedom in Africa 2019”.
« Au fil des ans, les perturbations de réseau sont devenues une technique majeure utilisée par divers gouvernements africains pour étouffer les droits numériques. Les perturbations ont principalement été déclenchées aux heures des élections, lors des manifestations publiques et lors des examens nationaux », martèle le rapport.
« Les perturbations sont principalement ordonnées par les gouvernements désireux d’embrouiller les communications et de rendre difficile l’accès des citoyens à l’information, afin de limiter ce que les citoyens peuvent voir, faire ou communiquer », explique le rapport.
« La plupart des gouvernements des pays affectés ont transformé les coupures d’internet en un outil d’hégémonie politique et de contrôle de la stabilité politique », dixit le rapport.
Le Bénin en mode de contrôle
Le Bénin, un pays considéré jadis comme un modèle de démocratie en Afrique, avait trébuché en avril 2019, coupant l’internet et les réseaux sociaux pendant 24 heures le jour des élections.
« Je me rappelle de cette période. C’était étrange pour des gens comme nous, qui n’avions jamais vécu des choses pareilles dans ce pays. Je me suis réveillé au milieu de la nuit pour Whatssapper avec mes amis mais rien ne marchait. Alors mes parents m’ont dit que le pays allait mal », déclare un jeune homme de 17 ans.
« Les principales raisons invoquées par les gouvernements sont la nécessité de préserver la sécurité nationale, de lutter contre la cybercriminalité et de maintenir l’ordre public », indique le rapport.
Avec seulement 24,4% d’Africains utilisant l’internet, de plus en plus depuis 1999, les pays ont adopté un schéma similaire de mesures de contrôle de l’internet, révèle le rapport de la CIPESA.
« Les gouvernements africains feraient mieux de travailler dur pour augmenter la pénétration d’internet, par exemple en investissant massivement dans le domaine des télécommunications en vue de développer l’économie numérique, et créer les emplois », déclare Florent, un formateur des TIC à Cotonou.
« Au contraire ils sont en train de focaliser leurs efforts et dépenser de l’argent public pour développer les mesures de renforcement de contrôle. C’est une approche contreproductive et regrettable », ajoute Florent.
« Toute politique gouvernementale des TIC qui ne tient pas compte de la liberté de communication et à l’accès libre à l’information est une politique moribonde et vouée à l’échec », prévient-il. « En fait, les gouvernements utilisent plus que jamais auparavant les technologies numériques pour surveiller, censurer et supprimer les libertés fondamentales de leurs citoyens, entre autres, par la censure, le filtrage, le blocage, la limitation et les arrêts d’internet », regrette le rapport.