(« Tous ceux qui produisent du pain aujourd’hui sont tous endettés « )
L’actualité ces dernières semaines au Bénin est marquée entre autres par l’augmentation ou non du prix du pain. Pendant que les consommateurs crient à l’augmentation, les boulangers réfléchissent au maintien du prix, conformément aux prescriptions d’un arrêté ministériel en date de 2008. A l’analyse, si l’Etat ne subventionne pas, il est improbable que le pain continue d’être vendu à 125F au consommateur final.
Les prix des composants entrant dans la fabrication du pain ont connu une augmentation depuis la prise de l’arrêté ministériel de 2008. Plusieurs acteurs aussi interviennent dans la chaîne de production et de commercialisation du pain qui se révèle être une denrée de première nécessité. Face aux réalités des prix sur le marché, il est probable que le prix du pain connaisse une augmentation. Des commerçants véreux n’ont d’ailleurs pas attendu une normalisation avant de se lancer dans la spéculation. C’est la raison pour laquelle, l’Association Nationale des Promoteurs et Exploitants de Boulangerie-pâtisserie du Bénin (ANAPEB-BENIN) a organisé le 11 février 2023, une réflexion sur l’avenir du pain au Bénin. Selon l’organisation, plusieurs mesures sont envisagées pour assainir le secteur et redonner vie aux unités de production du pain. Les producteurs de pain, conformément à l’arrêté ministériel en date du 06 septembre 2008, continueront de vendre au prix plafond de 112 f le pain de 160g aux bonnes dames. D’après le président de l’ANAPEB-BENIN, Anselme Aguèmon, les réflexions en cours devront permettre de maintenir le prix du pain à 125F en attendant la prise d’un nouvel arrêté ministériel. Car, justifie-t-il, le secteur des pâtissiers et boulangers est un secteur sensible. L’augmentation des prix ne peut pas se pratiquer à l’emporte-pièce. A ce propos, voici ci-dessous, les propos recueillis par votre journal auprès du président Anselme Aguèmon.
Réaction du président de l’ANAPEB-BENIN, Anselme Aguèmon
» Tous ceux qui produisent du pain aujourd’hui sont tous endettés «
» Tout ce qui entre dans la production du pain, est cher. Nous vendons le pain sous l’arrêté de 2008. Cet arrêté recommande de vendre le pain de 160 grammes à 112 francs à la boulangerie et à 125 francs aux consommateurs. Au moment où on prenait ledit arrêté, la farine de blé était entre 12.000 et 14.000 FCFA. Aujourd’hui, la farine est vendue à 28.000 ou 29.000 FCFA. Le bidon de gas-oil que nous prenions à 8000, 9000, aujourd’hui le prix du bidon de gas-oil est passé de 19000 à 20.000 de nos francs. À ce tableau salé, il faut ajouter les facteurs d’eau et d’électricité. Tout ce qui entre en ligne de compte pour que nous ayons le pain a doublé de prix. Nous, étant conscients que ce n’est pas du jour au lendemain qu’il faut changer l’arrêté de 2008, on n’est actuellement en négociation avec le gouvernement. Le gouvernement a même accepté de mettre en place un comité parce que dans le P.A.G phase 2, il y a des réformes dans le secteur de la boulangerie inscrites dans le document depuis 2021.
Maintenant, étant donné que nous sommes déjà en pourparlers avec l’État, la majorité de nos compatriotes qui sont en train de fermer pour cause d’endettement, nous nous sommes dit, actuellement nous-mêmes on cède nos pains à nos intermédiaires. Nous en avons deux, ceux qui vendent par panier et à nos mamans. Donc, avant que le pain n’atteigne le consommateur, nous avons constaté que ça prend par au moins deux intermédiaires, c’est-à-dire les vendeurs à la sauvette et les bonnes dames. Voilà que l’arrêté de 2008, nous donne la possibilité de céder le pain jusqu’à 112 francs. Là où nous sommes aujourd’hui, nous sommes tous conscients que nous roulons à perte. Et nous nous sommes tous endettés, personne parmi ne peut payer les impôts. Nous sommes allés plus loin, nous avons causé du tort à nos fournisseurs c’est-à-dire ceux qui nous livrent la farine on les a mis tous en difficulté actuellement.
Qui les met en difficultés?
Si nous on s’est endettés logiquement ceux-là aussi ne peuvent payer les impôts. Nous nous sommes dit, quand on a fini de diagnostiquer, on s’est rendu compte que l’État est à notre écoute parce que je ne peux pas vous mentir, la ministre du commerce est ouverte, elle est en train de travailler avec nous pour qu’on puisse trouver une solution à la situation. Donc, on ne peut pas attendre, puisque les boulangers sont en train de fermer actuellement, nous nous sommes dit, nous livrons actuellement le pain à 90 francs ou 100 francs pour d’autres, pourtant on ne s’en sort pas. Nous devons pratiquement à tous nos fournisseurs. Nous nous sommes dit, s’il en est ainsi, il vaut mieux vendre le pain conformément à l’arrêté de 2008 qui fixe le prix à 112. Donc, nous devons vendre désormais le pain à 112 Franc à nos intermédiaires. Maintenant, quant à eux, ils doivent aller revendre le pain à 125. Et c’est ça qui nous a amené à dire à nos compatriotes que nous ne pourrons pas supprimer les bonnes dames. On peut suspendre d’abord les vendeurs, ceux qui portent les paniers. D’abord, ça fait partie déjà des reformes dans le secteur. Nous-mêmes, on n’a estimé que désormais, au vu de ce que nous avons constaté en matière d’hygiène et d’assainissement. Surtout l’hygiène par rapport à ceux-là. C’est des gens quand vous les voyez, ils ne sont pas bien habillés. C’est des gens qui ne se brossent pas souvent les matins. Les couvercles qu’ils utilisent pour couvrir les pains ne sont pas propres. Nous, on s’est dit, ceux-là, ils peuvent attendre.
Depuis plus de deux ans, nous on est en train de s’endetter maintenant on va donner les pains à nos mamans et elles vont gagner 15 francs. Le consommateur va acheter le pain au plus à 125. Mais qu’est-ce qu’on a fait de mal là ? En tant que producteur, on est en train de fermer et les intermédiaires c’est eux qui gagnent. Ils sont en train de gagner depuis des années. Maintenant, qu’est-ce qui nous a amenés là, c’est tout simplement le fait que les produits que nous utilisons depuis ont augmenté. Il faut qu’on trouve une solution, si nous on ferme, les bonnes dames vont faire quoi ? Nous avons estimé que le président Talon ne peut pas descendre dans tout. Il faut que nous-mêmes, nous prenions nos responsabilités avant que l’État ne nous accompagne. Et nous estimons que ceux-là qui vont prendre avec des motos et qui vont aller vendre en ville, on doit les intégrer dans nos boulangeries. C’est vrai tout le monde ne peut être pris en compte. Nous sommes dans un comité qui se réunit tous les mardis pour échanger sur tous ces points au ministère. Aujourd’hui, quand on dit que tout a pris du prix, nos responsables, nos autorités ne savent pas encore, il faut qu’ils aillent dans nos unités. Et on a déjà pris des exemples, on viendra chez moi on va préparer le pain on va calculer on va voir combien nous avons dépensé pour avoir ce pain. Le coût de l’unité, on fera les mêmes exercices avec d’autres avec le pain sucré. Quand on va finir tout ça maintenant, le dossier sera constitué pour être envoyé en conseil des ministres. Et c’est là-bas qu’il sera validé et c’est l’État qui va dire officiellement que le prix du pain a changé. Nous on est en train de travailler au respect des lois de la République. Nous, on est là pour faire le cadrage.
En réalité ce que vous voulez faire, c’est de supprimer les intermédiaires ?
On est en train de supprimer les intermédiaires. L’État est en train de nous accompagner dans ce sens. Maintenant, il y a un problème social qui se pose. Est-ce que nous allons fermer nos unités en attendant que les reformes ne soient faites ? Puisque nous ne produisons pas la farine, le pétrole, tout ça vient de l’extérieur et tout le monde connait le prix ici. Maintenant, moi je dois à des gens qui me dérangent tous les jours. Je ne suis pas seul. Faites vos enquêtes, tous ceux qui produisent du pain aujourd’hui sont tous endettés. Beaucoup ont déjà fermé. Nous avons pris notre responsabilité, on s’est dit qu’on ne va pas attendre le Président de la République. Avant nos mamans gagnaient 35 francs sur un seul pain. C’est parce qu’il y avait de marges qu’on les laissait gagner autant d’argent. Mais aujourd’hui, elles ne gagnent que 15 francs sur un pain. Et elles veulent contester. Elles veulent contester quoi ? Qu’elles aillent alors ouvrir leur propre boulangerie pour voir ce que c’est. Nous on s’est dit, aujourd’hui les consommateurs n’ont qu’à se déplacer pour aller dans les boulangeries payer le pain au lieu d’attendre les intermédiaires. Nous allons garantir à l’État que nous avons des véhicules, nous avons des compatriotes qui ont des véhicules, nous avons négocié avec des gens qui sont prêts à nous remettre les véhicules pour leur payer peu à peu pour distribuer les pains et régler aussi le problème d’hygiène’’.
Jean-Claude KOUAGOU