La fracture numérique encore prégnante en Afrique ne favorise guère le commerce intra-africain via les canaux digitaux, malgré le brin d’essor suite à la pandémie de Covid-19. L’émergence d’un marché numérique unique sur le continent devrait aider à combler les lacunes.
Aké MIDA
Le commerce intra-africain des services fournis par voie numérique a chuté à 3,3 % en 2021 ; cependant, la part des exportations africaines de services fournis numériquement vers l’Asie est passée de 20,3 % en 2019 à 22,0 % en 2021, d’après de récentes données publiées par l’Organisation mondiale du commerce (Omc) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde). Pendant ce temps, les services fournis par voie numérique échangés en Asie, par exemple, ont atteint 43,2 % du commerce total de ces services dans la région en 2021, contre 39,2% en 2019. L’Omc explique cette croissance rapide par le développement des télécommunications, des services informatiques et d’information ainsi que des services aux entreprises, professionnels et techniques.
En Amérique du Nord, la part du commerce intra-régional des services fournis numériquement est passée à 18,2 %, contre 15,8 % en 2019, tandis qu’il est resté stable en Amérique du Sud et centrale et dans les Caraïbes, selon les mêmes sources.
La pandémie de Covid-19 a dopé le commerce électronique, atteignant déjà plus de 26 000 milliards de dollars dépensés en ligne en 2020, selon la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced). En Afrique, environ deux tiers des populations, soit 900 millions de personnes, n’ont toujours pas accès à internet. En Afrique de l’Ouest et centrale, seulement 34 % de la population disposait d’une connexion haut débit en 2022, selon l’étude Faits et chiffres sur les Pays les moins avancés de l’Union internationale des télécommunications (Uit). Dans le monde, près des deux tiers de la population mondiale (63 %) ont déjà accès à l’internet.
Timide essor
La fracture numérique est remarquable et varie selon les milieux, 76 % des personnes étant connectées dans les zones urbaines, contre 39 % dans les zones rurales. Dans les pays les moins avancés (Pma), notamment en Afrique, les citadins ont près de quatre fois plus de chance d’utiliser l’Internet que les personnes vivant en zone rurale : 47 % des personnes connectées dans les zones urbaines contre 13 % dans les zones rurales.
Environ 407 millions de personnes dans les Pma ont utilisé l’Internet en 2022. Les 720 millions de personnes encore hors ligne dans ces pays représentent 27 % de la population mondiale hors ligne, alors que la population des Pma ne représente que 14 % de la population mondiale. Toutefois, l’Afrique présente des signes encourageants, avec des initiatives telles que l’Alliance africaine pour les Tic (Afitca) regroupant des organisations et entreprises internationales et nationales du secteur privé et différents acteurs des technologies de l’information et de la communication, dont le nombre d’Etats membres est passé de 6 à sa création à 40 pays aujourd’hui. De même, les programmes de formation, les cours en ligne et l’enseignement des compétences numériques se développent, augurant d’un essor du numérique sur le continent.
Moyens de connexion
Examinant la question de la réduction de la fracture numérique entre les pays riches et les pays pauvres, la Conférence des Nations Unies sur les Pma tenue début mars à Doha a préconisé comme solution de trouver des moyens non seulement de connecter les personnes laissées-pour-compte, mais aussi de combler durablement le fossé et de favoriser les conditions d’un accès numérique plus inclusif. En fait, l’accessibilité financière des dispositifs et des services reste un obstacle de taille sur le continent tout comme le manque de compétences numériques et de compréhension des avantages de l’accès à l’Internet du fait, entre autres, du fort taux d’analphabétisme. Des solutions numériques s’avèrent donc nécessaires pour imprimer un nouvel élan au développement durable et aider les pays africains à développer le commerce via le numérique. Pour ce faire, l’établissement d’un marché numérique unique sécurisé en Afrique d’ici 2030 devrait contribuer à diminuer les obstacles au commerce, comme l’a voulu l’Union africaine. Cette ambition est soutenue par l’Initiative de la Banque mondiale pour l’Economie numérique en Afrique (DE4A). Sa concrétisation passe par le déploiement d’importants investissements pour la connectivité à haut débit, pour les infrastructures de données sécurisées et par des réformes politiques et juridiques susceptibles de stimuler la concurrence. Ainsi, les personnes physiques et les entreprises pourront atteindre des marchés plus importants et créer de la richesse et de l’emploi.