Situées aux environs du marché de Dantokpa, les auberges dites informelles constituent des génératrices de revenus à la fois pour l’état, les bailleurs, les vendeurs et couturiers locaux et même pour les compagnies aériennes.
Issa SIKITI DA SILVA
Les avions d’Air Mauritania, Camair-co, Transport Aérien du Congo et Congo Airways qui atterrissent chaque semaine à l’aéroport international de Cotonou ramènent des douzaines de passagers dont la plupart sont des commerçantes qui sont souvent logées dans des auberges situées aux environs du marché Dantokpa. Le lendemain de leur arrivée, des colonnes de vendeurs et vendeuses béninois, de couturiers et couturières locaux envahissent les couloirs de ces auberges pour exhiber leurs produits.
Bonnes affaires
« Je viens tout juste de vendre de bazins et de pagnes d’un montant de 150 000 FCFA et je suis très contente. Sans ces mamans de l’Afrique centrale, nous on n’est rien dans ce pays. Ça fait cinq ans que je leur vends des produits de qualité et mon souhait est que notre gouvernement crée des conditions favorables pour qu’elles viennent encore nombreuses », a confié Cécile Amoussou, 55 ans.
Florent Sessi, un jeune vendeur de 25 ans, a admis que chaque mois il vend des habits d’enfants déjà cousus d’au moins entre 20 000 et 40 000 FCFA : «Ce n’est pas facile. Je quitte Porto-Novo pour faire la ronde de ces auberges des congolais et des camerounais dans l’espoir de vendre quelque chose. Ces femmes aiment la qualité et elles payent cash. Donc il faut amener de belles choses. Nous n’avons pas d’autres marchés à part ces auberges ».
Défilé des couturiers
Les couturiers défilants comme des militaires vantent aussi leurs prouesses dans l’espoir de se faire remarquer par le cleint.
« J’ai fait une bonne affaire en décembre. C’était la fête. J’ai été payé à peu près un demi-million FCFA par trois différentes commerçantes qui m’ont commandé de leur coudre des habits. Mais elles arrivent le mois prochain, elles m’ont déjà téléphoné.», a dit Suzanne qui a refusé de donner son nom de famille.
« L’année vient à peine de commencer, les choses sont un peu lentes. Toutefois cette semaine j’ai eu quand même une commande de 100 000 FCFA. La présence de ces commerçantes est très indispensable dans ce pays. Et ces auberges sont plus que des lieux de repos, mais de véritables marchés. Je me demande qu’est-ce qu’on allait faire si ces commerçants étaient logés dans des hôtels ou dans des auberges de luxe où on n’admet pas des gens comme nous », a souligné le couturier Gérard Adeoti.
« Chez nous, les gens préfèrent les habits déjà cousus ici au Bénin. Peut-être ils trouvent que les couturiers ouest-africains ont plus de talent et d’inspiration que ceux de l’Afrique centrale », a déclaré Geneviève Limaya, une commerçante congolaise.
Les indiens à l’assaut
Très tôt le matin, ces auberges sont aussi pris d’assaut par des commissionnaires indiens mandatés par les boutiques de vente des pagnes qui sont bien informés sur l’arrivée des commerçants dans ces endroits.
« On vient ici leur proposer des deals juteux qu’elles ne peuvent pas refuser. Elles ont toujours du cash et elles achètent bien et beaucoup. Ces sont de clients qu’on ne peut pas négliger. Oui, on est bien informé sur les vols en provenance de l’Afrique centrale qui ramène ces mamans», a indiqué un indien qui a refusé de donner son nom.
Stockage et fret
Certaines auberges jouent à la fois le rôle de lieux de repos, de marché et de stockage et d’agence de fret où les marchandises déposées par les clients sont scotchées et affrétées par le biais des compagnies aériennes comme Ethiopian Airlines, Kenya Airways, Rwandair, entre autres.
Les propriétaires à la base
Le loyer de ces auberges fait aussi une bonne affaire pour les bailleurs béninois dont la plupart se préoccupent de la réfection de ces vieux immeubles et appartements aujourd’hui en état de délabrement. Si certains payent 120 000 FCFA ou 150 000 FCFA, d’autres déboursent jusqu’à 400 000 FCFA par mois sans compter les dépenses du courant et d’eau qui peuvent aller.« Notre a facture d’eau de 4 mois est de plus de 52 000 FCFA. Si je ne paie pas demain on va couper l’eau », dit Serge Kitoko, un proche d’un administrateur qui a dit avoir peur de parler a la presse.
« Ils ne veulent que leur argent à la fin du mois. Tout ce qui est cassé ici ne les concerne pas. Regardez cette vieille toiture qui fait couler l’eau pendant la saison pluvieuse. La couleur, les robinets même n’en parlons pas. Ils ont promis de venir réparer mais ils ont disparu. Tout ça là on est obligé de le faire nous-mêmes.
D’autres on ne les voit pas même pas, tu déposes tout simplement leur argent dans un compte bancaire. Si tu ne paies pas au-delà de la date limite, ils vont commencer à crier au téléphone matin et soir », a dit un administrateur d’une auberge sous couvert de l’anonymat.
Néanmoins, bien qu’elles payent leurs taxes régulièrement à l’Etat, ces auberges continuent à faire face à des défis majeurs tels que les coupures brusques d’électricité et d’eau. « Ce mois-ci on est venu couper l’eau parce que