Le changement climatique impacte négativement les économies des pays du monde. Dans cette tribune économique, Beringer GloGlo, Fondateur CJEA et Anselme Houessigbede, Directeur Général CJEA passent au scanner la réalité de la crise environnementale.
Tribune économique
Depuis quelques années, le réchauffement climatique fait l’objet d’âpres débats politiques. L’urgence environnementale n’est pourtant pas une découverte des dernières décennies. En 1827, Joseph Fourier, mathématicien et physicien décrivait déjà le phénomène de l’effet de serre. John Tyndall[1] et Svante Arrhenius[2] se sont ensuivis en postulant que les émissions de dioxyde de carbone représentent l’une des principales sources du phénomène. En 1950, dans le sillage des premières mesures de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, d’autres scientifiques ont aussi ravivé le débat sur l’urgence climatique et ont tenté de susciter l’intérêt des pouvoirs politiques à la problématique.
Aujourd’hui, face aux conséquences désastreuses observées de part et d’autre dans le monde, le sujet semble avoir un regain d’intérêt, notamment auprès des décideurs politiques. Il sert également d’instrument de la géopolitique internationale et de gestion des relations internationales inter-étatiques.
Néanmoins, il pose un diptyque : une injustice temporelle et spatiale. Les grands pollueurs et les principaux décideurs politiques ne sont pas les principales victimes du phénomène. Les générations futures sont celles qui pâtiront le plus du phénomène et les pays du sud, moins pollueurs, sont ceux qui subissent les premières et les plus fortes conséquences.
Il existe d’importantes inégalités entre les pays du Nord et ceux du Sud. Les premiers semblent avoir de meilleures capacités adaptatives et relativement moins affectés par le phénomène que les seconds. Les pays francophones du sud sont très vulnérables à la désertification, par exemple. Dit plus crûment, l’Afrique est l’une des zones géographiques les plus susceptibles de pâtir des conséquences néfastes du réchauffement climatique. Les crises environnementales qui sont déjà observables dans plusieurs pays sur le continent risquent d’exacerber des problèmes existants de sécurité alimentaire, pauvreté, gouvernance, santé publique et sécurité. La quasi-totalité des secteurs économiques du continent est sensible aux variations climatiques.
En Afrique subsaharienne, environ un ménage sur deux dépend économiquement de l’agriculture de subsistance, très vulnérable aux variations de température et de pluviométrie. Par exemple, la baisse de la pluviométrie en Afrique de l’Ouest a entraîné une baisse importante des récoltes entre 2020-2021 (ex : Bénin). La réduction de l’offre qui en résulte exerce une pression à la hausse sur les prix alimentaires. Aujourd’hui, 800 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde.[3] L’Afrique abrite 250 millions de personnes sous-alimentées. Les estimations pour la production agricole mondiale tablent sur une réduction de 50 millions de tonnes pour les deux prochaines décennies. Certaines régions en Afrique peuvent perdre jusqu’à la moitié de leurs récoltes. Ceci aura pour conséquence un renchérissement des prix agricoles de 20 % (Parry et al., 2005). Eu égard à la vulnérabilité des populations vis-à-vis du secteur agricole, la sécurité alimentaire est un canal primordial de manifestation des impacts négatifs du réchauffement climatique sur le continent.
En Afrique australe, la sécheresse engendre l’assèchement des principaux barrages hydroélectriques en Zambie et en Afrique du Sud. Cela conduit à des coupures d’électricité persistantes qui paralysent l’activité économique. Par exemple, dans certains quartiers de Lusaka, la capitale zambienne, la durée des délestages peut atteindre dix-neuf heures sur une journée de vingt-quatre heures.
Par ailleurs, le réchauffement climatique représente également une menace pour la disponibilité de l’eau potable sur le continent.
D’ici 2050, le continent pourrait connaître un triplement de sa population n’ayant pas un accès à l’eau potable, estimé à 200 millions aujourd’hui.[4] La hausse du niveau des mers peut également provoquer une intensification des inondations observées dans certains pays sur la côte Est, mettant en péril la quiétude des habitants et entraînant des mouvements migratoires subites et incontrôlables inter et intra pays.
La pullulation des espèces virales, tels les insectes, due à des modifications des rythmes saisonniers et à des changements dans l’équilibre de l’écosystème est aussi porteuse d’épidémies fréquentes. Or, la plupart des pays du continent est déjà confrontée à d’importantes insuffisances de leur système de santé.
Tableau : Manifestation des impacts du changement climatique en Afrique
Impacts attendus | Pays les plus affectés |
· Importants problèmes d’accès à l’eau potable
· Production agricole et sécurité alimentaire menacées, notamment à cause des sécheresses · D’ici 2100, l’élévation du niveau des mers affectera les régions de faible élévation et donc de larges populations · D’ici à 2080, on prévoit une augmentation de 5 à 8 % du territoire aride ou semi-aride |
· Burkina Faso, Mozambique, Niger, Rwanda, Somalie, Tanzanie, Soudan, Éthiopie
· Mozambique, Tanzanie, Nigéria, Somalie, Malawi · Niger, Soudan, Éthiopie, Somalie |
Source : Mimura et al. (2007) et Global Humanitarian Forum (2009)
La menace climatique sur le continent exige une urgence d’action sur le plan environnemental et économique. Deux points d’attention sont à noter : la résilience et les mesures d’adaptation.
La résilience impose une redéfinition des interactions humaines avec la nature. Il s’agit notamment de réviser les mécanismes de production et les modes de consommation. Les entreprises et les ménages doivent intégrer à leur processus de production et de consommation respectivement, les enjeux environnementaux.
Il urge de pondérer davantage sur le développement d’une agriculture résiliente. On parle aussi « d’agriculture intelligente face au climat ». Il s’agit d’un ensemble de techniques agricoles et de technologies agricoles qui permet de maintenir la production malgré l’évidence du changement climatique.
La FAO (2011) propose une approche en cinq (05) points pour rendre l’alimentation et l’agriculture durable dans un contexte de changement climatique :
- Développement des outils et des méthodes novateurs et participatifs pour évaluer la vulnérabilité, les impacts présents et futurs, ainsi que les coûts et avantages ;
- Assistance à l’intégration des secteurs agricoles dans les plans nationaux d’adaptation (PNA) ;
- Appui aux politiques qui encouragent les outils et incitatifs de gestion intelligente face au climat et durable des terres, de l’eau et de la biodiversité ;
- Élaboration et diffusion des outils, des lignes directrices et des cours en ligne pour renforcer les connaissances locales et les capacités d’adaptation ;
- Priorisation des actions pour la réduction et la gestion des risques de catastrophe qui vont de pair avec les activités d’adaptation au changement climatique.
Pour y arriver, il est important de définir un cadre règlementaire (ex : taxe carbone, etc.) rigoureux qui intègre les contraintes de développement et sociétales des économies africaines. Toutefois, il ne s’agit pas de procéder à une reproduction sans adaptation des mesures éprouvées dans d’autres pays du monde. Les pays africains ont une structure économique particulière dans la mesure où ils regorgent de nombreuses firmes étrangères. Cela peut générer des défaillances de la réglementation.
Par ailleurs, il est indispensable de créer des mécanismes incitatifs tels que la mise en œuvre de financements « verts », des obligations vertes au profit des secteurs productifs de l’économie afin d’assurer la continuité du financement des économies.
Auteurs : Beringer GloGlo, Fondateur CJEA et
Anselme Houessigbede, Directeur Général CJEA