Le mardi 4 février 2025, à Abuja, au Nigeria, le Président de la Commission de la CEDEAO, Dr Omar Alieu Touray, a officiellement reçu la première édition des Perspectives Économiques Régionales de la CEDEAO (PERC). Placée sous le thème « Revue Prospective des Dynamiques Économiques Régionales face aux risques d’Instabilité Politique et aux Menaces Sécuritaires », cette publication offre une analyse détaillée des défis et opportunités économiques auxquels font face les États membres de la Communauté.
Falco VIGNON
Le rapport met en lumière l’importance cruciale de la paix et de la stabilité comme moteurs du développement régional, en ligne avec la Vision 2050 de la CEDEAO, qui ambitionne de bâtir une région prospère et pacifique. Toutefois, une analyse des progrès réalisés vers l’atteinte de l’Objectif de Développement Durable 16 (Paix, Justice et Institutions fortes) d’ici 2030 révèle des avancées inégales et un retard préoccupant. Une analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces) a suggéré plusieurs réformes, notamment une révision du Protocole additionnel sur la Démocratie et la Gouvernance, une coopération renforcée avec l’Union Africaine et l’ONU, ainsi que la mobilisation de ressources pour soutenir la Force en Attente de la CEDEAO. Ces réformes visent à consolider la stabilité dans la région tout en accélérant les progrès vers un développement durable. Le rapport souligne également que l’environnement mondial continue d’impacter les perspectives économiques de la région, notamment à travers les pressions inflationnistes mondiales et la guerre en Ukraine. Parmi les recommandations stratégiques, on note l’importance d’une coordination plus étroite des politiques macroéconomiques entre les États membres, la promotion de l’intégration financière régionale et une réforme de l’architecture sécuritaire. Ces mesures visent à soutenir la croissance tout en garantissant la stabilité régionale.
Impact économique mondial et performance de la CEDEAO
Le premier chapitre du rapport se penche sur les conséquences de la pandémie de COVID-19 et du conflit Russie-Ukraine, qui ont causé une forte inflation et une contraction de la croissance mondiale à 1,7 % en 2023. En revanche, la CEDEAO a enregistré une croissance modeste de 3,9 % la même année. Cependant, cette dynamique a été entachée par des pressions inflationnistes, particulièrement dans les pays à faible revenu, où les prix des denrées alimentaires et de l’énergie ont fortement augmenté. Le rapport s’intéresse aussi aux performances économiques de la région entre 2010 et 2022. Il met en lumière les fluctuations de la croissance, influencées par des crises sanitaires telles que l’épidémie d’Ebola et la pandémie de COVID-19, ainsi que des chocs économiques comme la chute des prix du pétrole. La croissance régionale, qui avait chuté à -0,6 % en 2016, a rebondi à 3,9 % en 2022, marquant une reprise après la pandémie. Les prévisions pour 2024 restent optimistes, avec un PIB régional attendu en hausse de 4,1 %, soutenu par des pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Toutefois, des risques persistent en raison de l’instabilité politique, des coups d’État et des sanctions, susceptibles d’affecter cette croissance. L’inflation devrait progressivement diminuer, passant de 18,8 % en 2023 à 11,9 % en 2025, bien que des pays comme le Ghana continuent de faire face à des niveaux d’inflation élevés.
De de la paix et de la sécurité
Le troisième chapitre du rapport aborde les défis de paix et de sécurité, éléments essentiels au développement socio-économique de la région. Bien que la CEDEAO ait fait de la paix un objectif stratégique, la région est confrontée à une montée des tensions politiques et sécuritaires. Depuis 2021, plusieurs pays, dont le Mali, la Guinée, le Burkina Faso et le Niger, ont été secoués par des coups d’État et des crises politiques, exacerbant les menaces sécuritaires. Les tensions se manifestent également dans le Golfe de Guinée, où la piraterie coûte annuellement près de 1,94 milliard de dollars aux États affectés. En 2022, l’indice moyen de paix dans la région a dégradé, signalant une hausse des tensions. Des pays comme le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Nigéria restent particulièrement vulnérables face aux menaces du terrorisme et aux violences civiles, tandis que des États comme la Gambie, la Côte d’Ivoire et le Ghana bénéficient d’une stabilité relative. L’insécurité a conduit à des déplacements massifs, affectant plus de six millions de personnes en 2022, dont une majorité de déplacés internes. Les conséquences de cette instabilité se répercutent sur des secteurs vitaux tels que l’éducation et la santé, avec des fermetures massives d’écoles et de centres de santé dans des pays comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Le rapport appelle ainsi à une coopération accrue et à des réformes sécuritaires pour assurer une paix durable et soutenir les aspirations de développement économique de la CEDEAO.