Le sous-secteur des pêches du ministère en charge de la production végétale et animale, comprend trois domaines d’activités de grande importance : la pêche maritime, la pêche continentale et l’aquaculture. Les trois domaines d’activités contribuent substantiellement au produit intérieur brut agricole. En dépit de ses forces, la pêche artisanale est confrontée à l’utilisation d’engins inappropriés.
La pêche artisanale contribue à hauteur de 2,2% du PIB national et 8,5% du PIB agricole. Au titre de l’année 2022, « la production nationale de pêche et d’aquaculture s’établit à 74.622T. Mais, la production de la pêche artisanale seule est de 71.981T », renseignent les cadres du Ministère en charge de l’agriculture et de la pêche. « En termes de valeur, les activités liées à la commercialisation des produits halieutiques, s’élèvent à plus de 107 milliards de francs en 2022 », précise Cyrille Aholoukpè, Chef du service suivi évaluation de la Direction des pêches. Il rappelle qu’au Bénin la pêche est essentiellement artisanale. Cette notion recouvre les types de pêche qui font intervenir peu de moyens sophistiqués à l’opposé des grands navires, des bateaux qui font de la pêche industrielle. La pêche artisanale est donc l’ensemble « des activités qui consistent à capturer les poissons avec des méthodes et équipements rudimentaires. Elle se pratique avec des pirogues motorisées ou non et des filets », rapporte Herman Gangbazo, chef du service aménagement et gestion des pêcheries. Le Bénin dispose d’une façade maritime longue d’environ 121 km qui s’étend de la frontière nigériane à la frontière togolaise. Dans sa zone économique exclusive de près de 27.750 km², le plateau continental où se produisent de rares et faibles upwellings, possède un fond sablonneux et couvre une superficie d’environ 2 800km², mais atteint 3.100km² dans les profondeurs de 200 m. Le développement des pêches maritimes au Bénin est confronté à de multiples problèmes et l’exploitation halieutique est faite dans des conditions quelque peu confuses. Cette situation se traduit par une évolution anarchique de la production due à un suivi peu rigoureux voire inefficace de la pêche ; une méconnaissance des fonds de pêche et une mauvaise organisation socioprofessionnelle dans le domaine. Les insuffisances qui caractérisent la pêche maritime béninoise sont liées, non seulement à la mauvaise gestion des ressources mais aussi à leur connaissance scientifique qui demeure encore fragmentaire. En 2007, la pêche artisanale maritime est pratiquée à partir de 80 campements de pêcheurs disséminés dans les quatre départements côtiers du Bénin. On dénombre 4.345 artisans pêcheurs opérant en mer dont 2.234 Béninois (51,4%), et des étrangers de nationalités ghanéenne, togolaise et nigériane. Les engins couramment utilisés sont les filets maillants, la senne tournante, la senne de plage, la ligne à main. Le parc piroguier de la pêche artisanale maritime comporte 816 pirogues opérationnelles dont environ 46% sont motorisées, selon les résultats de l’enquête socioéconomique de 1999.
Pêche artisanale lagunaire
La pêche lagunaire au Bénin est considérée comme une forme de pêche continentale. La pêche continentale produit annuellement une quantité de poissons importante. Le grand nombre de cours d’eau, réservoirs, retenues d’eau, fleuves, ruisseaux, etc. forment la base d’une pêcherie dont la production est estimée à plus de 30.000 tonnes par an. La pêche continentale est peu connue. Un recensement partiel a été effectué en 2006 pour couvrir les trois districts au sud du pays. La pêche continentale est une activité très importante pour les communautés riveraines par son caractère générateur d’emplois et surtout d’une source de protéines pour l’ensemble de la population. Elle occupe environ 57.500 pêcheurs et une centaine de femmes qui rivalisent avec les hommes sur le lac Ahémé et la lagune côtière en faisant la pêche aux crabes et aux huîtres. Environ 40.000 femmes sont impliquées dans la filière pêche. Par ailleurs, la pêche continentale fait vivre en amont et en aval plus de 300.000 personnes représentées par les vendeurs de matériel de pêche, les fabricants de pirogues, les transformatrices et vendeuses de poissons, les écailleuses de poissons, etc.
Pêche industrielle et ressources maritimes
La pêche maritime industrielle est, quant à elle, peu développée. L’effort de pêche ne dépasse guère 40 marées en moyenne pour les dix (10) dernières années et le débarquement annuel se situe autour de 600 tonnes de poisson, ne représentant que 8% du total de la pêche maritime. L’engin utilisé est le chalut de fonds. Une douzaine de chalutiers à pêche arrière exploitent les zones maritimes sous juridiction béninoise.
Pêche thonière
Il n’existe pas de pêche thonière au Bénin, bien qu’il soit possible que des bateaux étrangers capturent des thons au large du Bénin. Dans ce cas il s’agit de captures non déclarées. Les informations disponibles indiquent que les eaux sous juridiction béninoise sont relativement pauvres en ressources halieutiques. Le potentiel exploitable de poissons serait de 12.000 tonnes par an et celui de crevettes autour de 400 tonnes par an. Bien que le Bénin dispose de nombreux écosystèmes aquatiques présentant d’importantes potentialités, le sous-secteur halieutique reste globalement déficitaire en matière de production au point que les importations de produits halieutiques deviennent de jour en jour plus importantes. Dans la région des embouchures des fleuves, se trouvent des crevettes qui sont pêchées surtout par les bateaux étrangers. Les langoustes ont été observées dans les captures des chalutiers (poissonniers), mais pas en grandes quantités. Les poulpes sont rares dans les captures; les autres espèces ne sont pas ciblées. Lorsque des céphalopodes sont débarqués, il s’agit de prises accessoires.
Engins inappropriés et intoxication des eaux
La pêche artisanale au Bénin est confrontée à des pratiques empiriques qui ne favorisent toujours pas l’accroissement des populations halieutiques. Ainsi, la prolifération des techniques et méthodes de pêches prohibées notamment au niveau de la pêche artisanale maritime constitue un goulot d’étranglement dans le sous-secteur. C’est ce qui a conduit le gouvernement à se prononcer en 2019 en Conseil des ministres sur le sujet. Depuis lors, des opérations d’assainissement des plans et cours d’eau du Bénin sont en cours d’exécution pour la protection des milieux. Cela s’est traduit notamment par la mise en place d’une brigade de surveillance des plans et cours d’eau afin de contenir les velléités des utilisateurs des engins prohibés. Les pratiques qui résultent de l’utilisation des engins inappropriés ont pour conséquence « de vider les plans d’eau de tous les produits halieutiques y compris les larves », renseigne Cyrille Aholoukpè, Chef du service suivi évaluation de la Direction des pêches. Ce qui entrave le pouvoir de régénération des écosystèmes. Au niveau de la pêche continentale, les pêcheurs se livrent au déboisement des berges et des bassins versants. Or, ces végétations protègent le lit des plans d’eau contre les comblements et le déversement des produits. En somme, cela joue un rôle de filtre. L’absence de ces filtres, laisse le champ libre aux intempéries de charrier beaucoup d’alluvions et beaucoup de sable qui vont combler le lit. Ce faisant, les conséquences de ces pratiques réduisent la profondeur des écosystèmes. Mais, il existe d’autres problèmes. En effet, selon le chef du service suivi évaluation, il y a aussi l’utilisation des pesticides dans l’agriculture. Il justifie comment l’utilisation de ces produits chimiques dans l’agriculture a des effets négatifs sur la santé humaine. « Les pesticides utilisés dans les bassins versants, sont drainés dans les plans d’eau et, à une certaine dose, on commence par remarquer ce qu’on appelle la bioaccumulation au niveau des poissons. En consommant ces poissons, ça commence par rendre l’homme malade ». Il en est de même de la commercialisation des produits pétroliers par les trafiquants et du déversement des teintures dans les berges par les utilisateurs. Ces pratiques polluent et intoxiquent les eaux. Ce qui amène la direction des pêches à engager une lutte sans merci contre ces pratiques avec le concours des laboratoires des universités.
Problèmes de santé publique
La pêche artisanale représente plus de 75% de la production halieutique nationale. Au regard de l’intoxication des eaux à travers l’utilisation des pesticides et des teintures, la direction des pêches travaille à un changement d’habitude pour réduire et endiguer totalement les problèmes de santé qui en résultent. Et pour cause ! « Ce qui entre dans les plans d’eau nous revient par la consommation des produits halieutiques. Lorsque vous mangez du poisson qui a bio-accumulé les produits chimiques, ça va perturber votre système hormonal. Et vous pouvez développer des phénomènes anormaux. Un homme peut pousser des seins exagérément, une femme va pousser des barbes ». Or argumente le technicien, ces caractères sont des caractères de dimorphisme sexuel chez les humains. Les seins sont caractéristiques des femmes et les barbes sont des traits caractéristiques des hommes. Plus grave, la stérilité dans les couples est parfois due au phénomène d’ovotestis où les gonades sont sans vie, parce que détruites par des substances chimiques déversées dans les plans d’eau et transmises à l’homme par la consommation des organismes aquatiques : poissons, huîtres, crevettes… C’est par ailleurs probable que ce soit une des causes des cas de mortalité massive des poissons dans les lacs.
Interdiction de pêcher dans les chenaux
Il n’est pas autorisé de pêcher partout dans les plans d’eau. Entre la mer et le lac Nokoué, il y a un chenal de 4km de long et 300m de large qui relie la mer aux plans d’eau continentaux. C’est un couloir de migration pour les espèces migratrices qui passent par là pour assouvir leurs besoins physiologiques. Soit pour aller se reproduire, soit pour aller s’alimenter. La règlementation protège les ressources halieutiques lorsqu’elles sont dans ces chenaux. Mais les pêcheurs, constatant qu’il y a beaucoup de poissons dans cette zone, passent par-là. Certains ont fait de cette zone leur lieu de pêcherie avec le risque d’éteindre dans le futur les ressources halieutiques. La pêche est interdite dans les zones de reproduction. L’utilisation des engins à mailles réduites comme les moustiquaires est interdite. La politique de protection engagée par l’Etat au profit de ces zones a donné des résultats probants. « Les statistiques de la pêche continentale en 2002 ont augmenté comparées à 2021. A titre illustratif, 36.000 tonnes en 2021 contre plus de 38.000 tonnes en 2022 soit un gain de plus de 2000 tonnes qui relève du mérite des opérations de la brigade ». Le gouvernement fait aussi la promotion des outils de repeuplement des plans d’eau. Cette politique vise à protéger les réserves biologiques qui sont interdites de pêche.
Jean-Claude KOUAGOU