Licencié ès lettres option Lettres modernes, Anicet Adanglénon est promoteur d’une start-up de maroquinerie, art où il s’est fait former depuis cinq ans. Ce talent qu’il porte en lui a été déclenché au détour d’une conférence sur l’entrepreneuriat. Dans ce numéro de votre rubrique, il s’ouvre à votre journal sur son expérience dans l’entrepreneuriat, sa vie d’entrepreneur et ses expériences.
Présentation
Je suis Anicet Sèzonmon Adanglénon, maroquinier de profession, je suis dans la maroquinerie, il y a cinq ans. Titulaire d’une licence en Lettres modernes, je suis aussi enseignant de français dans les lycées et collèges.
Titulaire d’une Licence en Lettres modernes, maroquinier, dites-nous, qu’est-ce qui vous a amené dans ce secteur ?
Mes reconnaissances vont d’abord au professeur Euloge Ogouwalé qui a organisé en 2015, une conférence dirigée par Grégory Vendus, un canadien. Dans sa présentation, le conférencier faisait savoir que chacun est né avec un talent et que nous avons la possibilité de développer ce talent-là. Il nous a donné un exercice et, c’est au terme de cet exercice que j’ai songé que ce talent qui sommeillait en moi est digne d’être réveillé. C’est comme ça j’ai commencé la maroquinerie où j’ai fait une auto formation, avant d’aller me faire évaluer pour avoir le diplôme professionnel. Il faut dire que j’ai commencé par appliquer certaines choses moi-même et après, pour pourvoir me professionnaliser, j’ai été voir un patron, Pierre Adjaï. C’est lui qui m’a suivi, et, à la fin, m’a évalué et m’a jugé digne d’obtenir le diplôme et l’attestation pour me permettre de faire valoir mes compétences aujourd’hui.
Aujourd’hui, vous avez votre start-up, « Sèzonmon Shoes », comment en êtes-vous arrivé là ?
Je fais toujours recours à cette conférence de Grégory Vendus où il nous disait qu’on n’a pas besoin de gros moyens avant de commencer une entreprise si nous voulons évoluer. Au fait, faut naître, grandir et évoluer; gravir tous les échelons. Donc, j’ai commencé avec 1350 FCFA que j’ai prélevé de mes petits déjeunés. C’est çà mon capital.
Vous avez choisi de vous installer derrière le campus, pas au cœur de la ville. Cela vous donne-il vraiment de visibilité ?
Plus ou moins! Certes, pas comme je l’aurais souhaité mais, ce n’est pas moins. Ma première cible, ce sont les étudiants d’abord et les résidents de la zone. Tous ceux qui empruntent ce tronçon et il faut le dire, certains clients qui m’ont expérimenté conduisent vers moi d’autres. C’est peut-être le lieu de leur dire aussi merci pour la confiance. Je confectionne de chaussures pour hommes et femmes mais, je reçois beaucoup plus de commandes des hommes car, les femmes, c’est beaucoup plus pour des réparations.
Vous êtes donc concepteur mais, à quoi vous identifier sur le marché ? Avez-vous une marque ?
Oui, j’ai une marque ; GAL ; entendez, Ghislaine-Anicet-Loutie. C’était un groupe au départ. Je fais ici un clin d’œil au professeur Brice Sinsin qui a mis sur pied la Fondation UAC start-up Vallet où j’ai concouru à un appel à idée de projet pour lequel j’ai été sélectionné. J’ai fait 12 mois de formation. J’ai été coaché et, c’est là on avait formé un groupe de Start up. Mais en même temps, il fallait créer sa marque pour se faire identifier sur le marché de consommation. C’est de là qu’avec les initiales de nous trois qui formions la start-up, on a eu « GAL ». Donc sur tous mes produits, chaussures, ceintures, vous verrez griffés « GAL-Made in Bénin ». C’est dire que je fais la promotion de la production locale et je valorise mon pays.
Votre marque est-elle enregistrée ? Sinon avez-vous entrepris des démarches dans ce sens ?
Malheureusement, je ne l’ai pas enregistrée officiellement. Pour l’heure, c’est seulement la Fondation UAC Start-up Valley qui me reconnait comme propriétaire de cette marque-là. Du côté des structures étatiques ou de propriété intellectuelle, je ne l’ai pas encore fait mais, j’ai entrepris des démarches ; et les coûts pour le faire, ne sont pas moins surtout pour une start-up qui n’est pas encore bien assise. Je suis en retrait d’abord mais, ce qui est sûr, je compte bien le faire.
Avez-vous eu à participer à des foires ou salons des artisans et autres activités similaires ?
Oui, mais une seule fois. J’ai pris part à la foire de l’indépendance à Parakou en symbiose avec un collègue qui est dans un domaine similaire ; la fabrication de sacs et autres. Moi je l’ai accompagné avec mes produits. Mais pris individuellement, pas encore.
Avez-vous de partenaires ou des grossistes que ce soit à l’interne comme à l’externe que vous ravitaillez ?
Actuellement non. J’avais eu un partenaire mais entre-temps, il a changé de produit. Il ne commercialise plus des chaussures mais plutôt d’autres produits qu’il importe du Ghana. Donc pour le moment, je ne me contente que des consommateurs locaux, des détaillants qui viennent s’approvisionner chez moi.
Est-ce que ce n’est pas lié aux coûts pratiqués sachant que ces produits localement fabriqué coûtent souvent plus cher que ceux importés ? D’ailleurs, comment expliquez-vous cette cherté des produits locaux ?
Ah oui ! C’est un paradoxe que le produit soit fabriqué chez nous et en vienne à coûter encore plus cher que les produits importés. Mais le fait est que les matières premières utilisées viennent toutes d’ailleurs. Notre pays ne produit rien. Nous sommes des consommateurs avérés donc, toutes les matières premières qui concourent par exemple à la fabrication d’une ceinture, d’une chaussure, sont importées soit du Nigéria, de la Chine ou encore de l’Italie. Du coup, ces matières après les taxes et impôts sur importations, reviennent généralement plus chères aux fabricants qui s’en procurent pour son art. Lui aussi une fois fini, doit rentabiliser car c’est aussi ça une entreprise et tout ça élève le coût de vente. L’autre aspect de la chose est qu’ailleurs, d’où nous importons, c’est la production industrielle qui se fait mais nous, nous continuons par produire manuellement, un à un. Si tu veux produire mille chaussures au Bénin aujourd’hui, on les produit l’une après l’autre. Celui qui a la capacité de produire mille chaussures en une heure et nous ne pouvons pas avoir le même prix sur le marché. C’est ce qui justifie l’écart dans les coûts pratiqués entre les produits importés et ceux fabriqués localement.
Avez-vous un registre de commerce, un numéro IFU ?
Si j’ai un numéro IFU. Mais le registre du commerce, pas encore. J’étais entre temps au Guichet unique de formalisation des entreprises (GUFE) pour me faire enregistrer en tant que SARL. Cependant, les conditions ne me permettent pas de le faire pour l’instant, parce que même si je ne fais pas encore grande chose pour le moment, annuellement, je dois verser une somme supérieure ou égale à 100.000 Fcfa. Mais quand je vois la bourse de ma clientèle, mes charges, et si je dois vivre de mon art, je ne suis pas encore prêt pour m’engager. C’est pourquoi je suis encore plus ou moins dans l’informel.
Si vous devez lancer un appel aux autorités dans ce sens ?
Vous m’amenez à évoquer une situation que je n’avais pas soulignée. J’ai pu bénéficier par exemple d’une subvention du FNPEEJ qui devrait passer par la Fondation UAC Sart-up Valley. Mais, il y a eu tellement de faux frais qui ont accompagné et qui ne permettent pas à une start-up d’évoluer et de réussir. Pour le cas dont je suis en train de parler, j’ai fait les calculs, le fonds qui m’était alloué était 2 millions 700 cent mille FCFA. Or, j’ai un projet de fabrication de chaussures démontable. Avec ce fonds, je ne peux même pas acquérir les machines adéquates pour la production. Du coup, j’ai refusé l’accord de financement de peur de prendre les sous et de ne pas pouvoir atteindre l’objectif prévu et décrit dans le document projet et, d’être traité de faux. De là, Je vais demander aux autorités de revoir leur budget pour les start-up qui ont des projets d’entreprise et qui peinent à décoller en raison de difficultés socio-économiques. Aussi, elles peuvent planifier des activités de suivi pour les start-up. S’il n’y avait pas de faux frais au niveau de la Fondation UAC Start-up Valley, j’allais m’engager. Or il y a eu trop de créations, des choses qui n’ont pas été décrites par la Fondation et dont on n’a pas besoin dans un secteur comme le mien. Peut-être pour un autre domaine, ça irait bien mais, les secteurs ne sont pas les mêmes et on ne peut transposer ce qui se fait ailleurs partout et réussir.
Après l’expérience de UAC Start-up Valley. Avez-vous eu ou solliciter autres financements ?
Actuellement, je n’ai plus sollicité d’autres crédits ou financements Car, mon idée de projet est très grande. Pour le moment, je ne suis pas que dans la maroquinerie. Je fais aussi l’enseignement comme je vous l’ai dit et donc, je mobilise progressivement les outils dont j’ai besoin pour l’instant et, je compte atteindre mes objectifs. Donc, je n’ai plus sollicité d’autres accords de financements.
Quels sont vos projets dans la maroquinerie?
Ce n’est pas pour rien que j’ai associé l’enseignement à ce que je fais. Je vois que les autorités ne font pas confiance aux start-up. Donc avec des activités parallèles, je suis en train d’épargner progressivement pour pourvoir atteindre mon objectif. Je serai visible et très en vue dans le secteur comme de grands stylistes béninois qui habillent aujourd’hui des sommités. Je compte bien chausser de très grandes personnalités bientôt.
Vie des Start up au Bénin, qu’en pensez-vous ?
C’est misérable car, malgré qu’elles ont les idées, elles ne sont pas accompagnées, il y a manque de confiance. La confiance a déserté le forum compte tenue de certains délits sociaux notamment, la cybercriminalité, quand bien même des promoteurs de Start up nourrissent de très bonnes idées pour accompagner l’Etat, créer d’autres emplois et par là, contribuer à la réduction du taux de chômage.
Vous êtes parti de 1350 FCFA, mais aujourd’hui, beaucoup de jeunes ont des ambitions qu’ils reportent, faute de moyens financiers. Quels conseils avez-vous à partager avec ces jeunes?
Je leur dirai que chaque jour que Dieu fait, ils ont la capacité de créer et de faire évoluer une entreprise s’ils ont la volonté et surtout la détermination. Car, le tout ne suffit pas d’avoir la volonté mais surtout la détermination. J’ai démarré avec 1350 FCFA, mais j’ai des machines et des équipements qui dépassent mille fois déjà cette solde aujourd’hui. C’est ma détermination malgré les critiques, les découragements. Quand vous avez un objectif, une ambition, ayez vos regards rivés dessus. Donnez-vous chaque jour les moyens de l’atteindre et n’attendez pas nécessairement de gros moyens. On peut même créer une entreprise avec 0 F si on a les moyens de communication et la détermination.
Votre mot de fin
Nous sommes jeunes, nous avons de l’avenir, nous sommes l’avenir. Si la jeunesse en est consciente, rien ne nous bloquera. Entretien réalisé par Bidossessi WANOU