Le sous-secteur artisanal de la couture-broderie est au top de sa forme économique dans la ville capitale béninoise. Les ouvriers couturiers-brodeurs drainent une multitude de clients et ce, non plus uniquement de l’intérieur de la ville mais aussi de l’extérieur. Ils reçoivent de nombreuses commandes en provenance d’autres villes proches et profitent également du contexte de l’ambiance festive reconnue à la ville.
Bidossessi WANOU
Reconnue pour ses bouillonnements et ambiances festifs, la capitale du Bénin, Porto-Novo, favorise l’émergence d’une classe artisanale notamment, les couturiers brodeurs. En effet, de par sa proximité avec le Nigéria, une nation reconnue pour la mode africaine valorisée à la broderie, La capitale du Bénin ne résiste point à la colonisation des modèles brodés et surtout du ‘’bomba’’. Juste 2000f en moyenne et vous êtes servis. Cette forme de couture semble même devenir une marque déposée des habitants de cette-ville. Dossougouin Luc, jeune fonctionnaire en service à Porto-Novo explique : « coudre un pagne sans le broder à Porto-Novo, ça sort de l’ordinaire. Tous les tarifs possibles existent et quelques soit notre niveau de vie, il vous suffit d’avoir juste un minimum et vous verrez votre pagne broder suivant des motifs correspondants à votre bourse ». En tant que tel, faire de la couture sans associer la broderie est le pire malheur que rencontrerait un couturier à Porto-Novo. La situation fait même que, aujourd’hui, ceux qui aspirent à aller la couture ne se forment plus uniquement en couture mais plutôt en couture-broderie. A l’origine de cette nouvelle orientation, les réalités de la demande et surtout, le coût du service. A propos, Gabin Oussou, jeune brodeur à Djègan-kpévi, Porto-Novo, explique que, choisir d’apprendre uniquement la couture aujourd’hui dans Porto-Novo, c’est décider de s’ennuyer dans sa vie professionnelle.
Des raisons sociologiques et économiques
Du point de vue social, coudre un pagne aujourd’hui à Porto-Novo sans le broder sort de l’ordinaire. Cela ne répond presque à rien, ce qui dresse un boulevard de profits aux artisans couturiers-brodeurs. Ceci, ajouté à la caractéristique de milieu festif reconnu à cette ville où, chaque weekend qui passe, s’accompagne d’un cortège de cérémonies, de festivités, soit de mariage, de décès, funéraires, libérations ou remise de diplôme, les couturiers sont très sollicités. Dans cette sollicitation, le couturier brodeur, concède l’avantage de son double art dans la couture. Au fait, « Un couturier brodeur arrange plus un ‘’Portovien’’ aujourd’hui qu’un simple couturier parce que, le brodeur est avant tout couturier et peut tout faire à son niveau. Cela l’amène à pratiquer un coût nettement abordable contrairement au couturier simple qui lui, dans la fixation du prix, implique souvent de petits profits qu’il ferait sur le client ». C’est là la conviction de Iliassou Loukman, maître brodeur à Porto-Novo. Patron d’une entreprise de couture-broderie avec près d’une trentaine d’apprentis, le maître brodeur explique que la couture-broderie a encore de beaux jours à Porto-Novo. Pour lui, coudre un pagne sans le broder à Porto-Novo, c’est inadmissible. Le secteur est donc prometteur et c’est ce qui justifie cette forte orientation des jeunes déscolarisé vers le duo couture-broderie, parceque, le marché existe et on a de la peine à satisfaire la totalité pour le nombre de nous sommes actuellement. A côté de la raison sociologique évoquée par Illiassou Loukman, Pascal Adéloui, client, explique qu’un couturier-brodeur a toujours l’avantage sur un simple couturier. Pour soutenir sa thèse, il poursuit : « le tarif appliqué par l’artisan qui est formé couturier brodeur est nettement meilleur à celui pratiqué par un simple couturier ». Et pour cause, contrairement au brodeur qui a la capacité de tout gérer seul, le couturier va solliciter les services du brodeur, service pour lequel il vous chiffre sa part, ce qui gonfle le coût de revient de la prestation. Il aborde là une raison économique, laquelle raison amène les clients à opter directement pour un couturier brodeur pour échapper au ‘’ frais de commission du couturier’’. En tirant également profit de sa proximité avec le Nigéria, les outils pour la broderie coûtent moins chers à Porto-Novo, ce qui avantage énormément la clientèle. C’est ainsi que chaque bourse finit toujours par avoir pour son compte, notamment avec un couturier brodeur. Seulement 2000FCFA auraient suffi à un client dans cette ville pour coudre et broder sa tenue. C’est du moins, ce qu’explique Julien Avocèvou qui ajoute que cela monte graduellement en fonction de la matière qui a servi à la broderie et du modèle de broderie que commande le client. Plus précis, Gabin Oussou explique que ça peut varier de 2000F Cfa et ceci évolue graduellement selon la matière utilisée, le motif de borderie et l’espace à occuper sur l’habit, homme ou dame. Selon ce que veut le client, on peut avoir des broderies de plusieurs dizaines de mille. Avec l’animation festive que connait la ville chaque samedi, un bon couturier-brodeur sans apprenti peut coudre selon le modèle de la broderie ou quatre ‘’bomba brodé’’ par jours. Cela peur varier et graduellement en fonction du nombre d’apprentis qu’on a. Un brodeur qui est vraiment efficace peut faire donc banalement un chiffre d’affaires de 50.000 Fcfa la semaine et s’il a beaucoup d’apprentis et de machines, il peut juste en l’espace d’un weekend, encaisser plus de 80 à 100.000Cfa selon la valeur des commandes. C’est donc une réelle source de revenu pour l’ouvrier mais aussi une opportunité pour la clientèle, qui accoure désormais de partout.
La diaspora désormais impactée
Le savoir-faire des couturier-brodeurs à Porto-Novo a débordé depuis peu les limites de la ville capitale. Leurs réalisations font tâche d’huile ailleurs et déjà, sous l’emprise du charme qu’elles offrent, des commandes affluent même au-delà de la ville. A l’Université d’Abomey-Calavi par exemple, ils sont nombreux ces étudiants qui ont opté pour le convoyage chaque weekend de leurs habits à coudre et broder avec l’aide de leur amis ressortissant de cette ville béninoise. Pascal Atchodé, originaire de Tindji explique : « je vois souvent mes amis porter des pagne bien brodés. J’ai cherché à connaître le coût un jour, ce que j’ai jugé très gérable et depuis lors, j’ai décidé de convoyer mes tenues locales pour me les faire coudre par les brodeurs de Porto-Novo. Intermédiaire dans ce convoyage, Arsène Dinyévèdo estime à une dizaine de commandes la rançon de chaque semaine. Au delà du monde étudiant, Jules Zinsou, un autre convoyeur de commandes et jeune étudiant explique qu’il reçoit des commandes là où il a loué et même des voisins. On note donc un intérêt particulier pour les réalisations de la couture-broderie en provenance de Porto-Novo, ce qui constitue en retour une source d’énormes profits et de prospérité pour ces artisans.
Photo&Légende: couturier brodeur