Le développement de toute nation passe par l’édification d’un secteur privé productif et performant. A l’instar des autres pays sous-développés ou dits émergents, le Bénin a engagé sa jeunesse sur le sentier de la création de richesses par le biais des réformes et autres. Toutefois, c’est bien peu pour servir de piédestal solide pour que la couche juvénile prenne son destin en main.
La définition de l’entrepreneuriat, à l’origine, donnée pour la première fois à la ‘’Harvard Business School’’ par le professeur Howard Stevenson renseigne : « l’entreprenariat est la poursuite d’une opportunité au-delà des ressources que vous contrôlez. La poursuite implique une certaine détermination et concentration dans l’effort, cela signifie que l’entrepreneur perçoit des opportunités mais il a besoin de ressources telles que des compétences techniques spécifiques ou un réseau (la famille dans laquelle il est né ou ses collègues ou d’autres…) ».
En Afrique et au Bénin, le concept de l’entrepreneuriat subit un glissement d’interprétation. Il cesse d’être simplement la ‘’poursuite d’une opportunité’’ par un individu ou un groupuscule pour devenir une solution miracle. Une alternative à un autre problème. La seule. A la lueur de l’expérience du porteur du projet ‘’Initiative pour l’entrepreneuriat et l’employabilité en Afrique’’, Raymond Orou, le regard porté par l’Afrique sur ce concept se révèle. « … l’entrepreneuriat comme solution au problème de chômage, du sous-emploi, de l’état de consommateur permanent des produits importés d’ailleurs n’est pas spécifique au Bénin. Mais à tous les pays en voie de développement notamment les pays africains », a-t-il confié. Plus loin, celui-ci renseigne :« … parce-que le chômage, l’absence d’entreprises de production ou de transformation de matières première disponibles jusqu’à l’obtention de produits finis qui seront écoulés ici et exportés est un frein au développement, à la prospérité. Et vu sous cet aspect, l’entrepreneuriat est au cœur du développement du Bénin ».
L’Etat central n’est pas un pourvoyeur d’emplois
La promotion de l’entrepreneuriat des jeunes est un élément majeur du projet de société des hommes et femmes qui aspirent à gouverner dans les pays africains. Mais contrairement aux idées développées en Afrique, au Bénin en particulier, le pouvoir public ne peut créer et donner du travail à tout le monde. Loin de là. A en croire Raymond Orou, le plus difficile revient au citoyen qui se décide à entreprendre. « Les gouvernants ont pour rôle majeur de faciliter l’environnement pour un épanouissement socio-économique en créant des emplois directement ou indirectement certes mais surtout en créant des conditions économiques et infrastructurelles, en instaurant un climat favorable pour les affaires, à la création des entreprises, pour que chacun puisse participer à la vie économique du pays », a-t-il soutenu. Ainsi donc, l’entrepreneur doit jouer sa partition et profiter des conditions offertes par l’Etat central pour amorcer son essor.« … il ne faudra pas attendre que la solution vienne d’en haut encore moins des dirigeants qui font déjà de leur mieux, même si on attend davantage d’eux, mais c’est à la jeunesse pensante de se mettre à l’œuvre pour trouver des solutions aux problèmes quotidiens que nous rencontrons, créer des entreprises en s’associant par exemple », a insisté Raymond Orou.
Des aptitudes et potentialités pour réussir
Le sort de l’entrepreneur dépend, pour une grande partie, des capacités qu’il développe. En effet, beaucoup d’individus échouent dans leurs affaires parce qu’ils ne savent pas quelles compétences développés pour faire face aux exigences de l’entrepreneuriat. « … il faut être soi-même, authentique quand on se lance dans l’entrepreneuriat… L’entrepreneur doit être patient, endurant, ouvert aux bonnes opportunités d’affaires, savoir écouter ses collaborateurs, promouvoir le management participatif. Il doit éviter ceux qui parlent négativement car il y a des amis qui ne vous parlent que pour décourager, pour critiquer tel employé ou parler mal de tel fournisseur ou prestataire. D’autres amis ou membres de famille par jalousie inavouée de voir réussir feront semblant de soutenir des initiatives, de conseiller mais il faut faire attention pour ne pas tomber dans ces pièges », conseille Raymond Orou.
De même, les relations qui unissent le chef d’entreprise à ses collaborateurs participent du sort qui sera celui de l’entreprise. « Il faut apprendre à discerner, à observer, à faire confiance à ses collaborateurs et leur permettre d’exprimer leur esprit créatif, d’innover et d’évoluer dans l’entreprise. Il faut avoir des valeurs et des principes et de la conviction », renseigne le porteur de l’initiative entrepreneuriat et employabilité en Afrique. Pour finir, Raymond Orou conseille aux entrepreneurs de cultiver la spiritualité. « La foi en Dieu, voilà une grande force et un chemin sûr car qui craint Dieu réussit dans ce qu’il entreprend », a-t-il soutenu.
Les préambules pour un bon départ
Les premiers pas des jeunes sont déterminants dans l’entrepreneuriat. En effet, les événements qui marquent le début de la carrière d’entrepreneur sont déterminants et peuvent conduire à adopter des attitudes peu recommandables ou à abandonner. « … il faut avoir le désir de régler un problème ou besoin, ou de faire du bien à sa communauté pour améliorer sa qualité de vie et c’est en donnant une réponse satisfaisante au besoin de sa communauté qu’on peut avoir le succès. C’est une suite logique, qui pense au bien et fait le bien récolte toujours le bien. ça peut prendre du temps mais un bon entrepreneur sait attendre les fruits de ce qu’il a semé comme le paysan qui sait attendre la saison des récoltes. Alors, il doit avoir à l’esprit la vision de son projet, définir les étapes de réalisation du projet en ne cherchant pas forcément à voir le dernier escalier de l’étage. Il doit penser à l’amélioration continue du produit ou service ou encore la solution qu’il apporte pour lui donner de la valeur, pour rendre son produit utile pour sa communauté et éviter de se laisser obnubiler par l’appât du gain car il faut se rappeler qu’en matière de business, ce n’est pas l’argent qui attire la valeur mais le contraire », confie Raymond Orou. Pour finir, le jeune consultant a affirmé : « … il ne faut pas oublier de se former au besoin, de participer à des conférences, sur l’entrepreneuriat comme ceux qu’organise l’Initiative pour l’entrepreneuriat et l’employabilité en Afrique, de rencontrer d’autres entrepreneurs ou d’échanger avec des spécialistes du secteur dans lequel on veut entreprendre ou on entreprend déjà ».
Partition des structures et organismes d’accompagnement
Le gouvernement a fait des efforts considérables depuis quelques années pour accompagner les entrepreneurs sur le chemin de la réussite. Du Fonds national pour la promotion et l’emploi des jeunes (Fnpeej) au Centre de promotion et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (Cepepe) en passant par les différentes agences de ‘’Business center’’ et l’Agence de promotion des investissements et des exportations (Apiex), l’Etat central fait de son mieux pour accompagner les entrepreneurs vers la réussite. Toutefois, le gros lot revient aux promoteurs d’entreprises. C’est ce qu’a fait comprendre Raymond Orou dans son intervention. « Effectivement, il y’a des structures et je recommanderais aux jeunes de commencer d’abord avec leur propres moyens, après ils pourront envisager se rendre dans ces structures. Ils peuvent s’y rendre pour suivre les formations qui se font par moment, pour échanger…mais pour le financement, les jeunes doivent commencer par envisager créer avec le peu qui est disponible. En réalité, je pense qu’on a pas besoin de courir par mille portes pour demander de financement, je suis convaincu que lorsque tu commences et que les investisseurs, ceux-là qui sont toujours à la quête des opportunités, voient que ton idée est créatrice de valeur ajoutée, ils viendront vers toi, et même à la banque tu as plus de chance d’avoir un financement que celui qui vient les mains vides », a-t-il soutenu.
Les causes de l’échec massif des jeunes
Malgré les conditions, de plus en plus souples, faites par le gouvernement du Bénin, la plupart des jeunes qui se lancent dans l’entrepreneuriat ne réussissent pas à rentabiliser leurs investissements. Mieux, ils sont nombreux à crouler sous des dettes. Les raisons qui justifient cet état de choses sont nombreuses. Comme l’explique Raymond Orou : « … beaucoup viennent dans l’entrepreneuriat sans avoir pris soins de mûrir leur idée d’entreprise, de connaître réellement leur secteur, de se connaître eux-mêmes quant à leur capacité à prendre des risques. La formation aussi est importante même si elle n’est pas indispensable puisque nous voyons nos braves mamans réussir dans leur commerce bien que beaucoup ne sont pas des intellectuelles. Cependant, j’encourage vivement ceux qui le peuvent de se former, de s’informer, de se faire coacher et accompagner ».L’expert en entrepreneuriat continue : « les causes qui expliquent les échecs de certains entrepreneurs, c’est qu’il y en a qui viennent en n’ayant que l’argent en tête et comment devenir riche très vite. Alors quand l’argent ne vient pas vite, ils se découragent, changent d’activité et quand l’argent tarde à venir eh bien finalement ils laissent tout tomber… Beaucoup de jeunes ne pensent à entreprendre que lorsque toutes les autres portes leur sont fermées. Ainsi, ils viennent sans avoir non seulement pris le bagage intellectuel nécessaire mais aussi sans aucune vocation et alors à la première difficulté rencontrée, ils jettent l’éponge. On les appelle souvent, les entrepreneurs de subsistance et les entrepreneurs de titres car ils s’illustrent plus sur les réseaux sociaux, sur les cartes de visite… ».
Photo : Raymond Orou
Légende : Le porteur de l’initiative entrepreneuriat et employabilité des jeunes, Raymon Orou
……………………..
Ibrahim Theo Lam
« Nous devons aider les jeunes à être opérationnels »
Ecrivain, entrepreneur et chargé d’enseignement dans le supérieur, le sénégalais Ibrahim Théo Lam se bat pour le développement de l’Afrique à travers l’accompagnement des jeunes entrepreneurs. Auteur de plusieurs livres dont ‘’Lettres à la jeunesse africaine’’, ‘’Comment entreprendre en Afrique’’ et autres, il réside en Espagne.
Pourquoi avoir choisir de vous investir dans l’accompagnement des entrepreneurs africains ?
J’estime que lorsqu’on arrive à un niveau, il faut aider les autres à vous dépasser. Pour que l’Afrique puisse trouver une pérennité dans toutes nos actions. Je suis arrivé à un niveau deux, je veux que les jeunes arrivent à un niveau plus deux. Pour qu’ils prennent en charge ce que nous n’avons pas pu faire.
Pour ma part c’est un engagement personnel et je resterai sur cette voie pour apporter ma contribution au développement de l’Afrique.
Comment l’Etat central doit-il procéder pour promouvoir l’entrepreneuriat ?
Si j’ai un appel à lancer aux autorités africaines, je leur dirai d’arrêter de se focaliser sur le financement. Parce que beaucoup de jeunes ont entendu l’Etat dire qu’il existe des dispositifs de financement, ils ont créé des projets, ont déposé et ont attendu le financement qui n’est pas arrivé. Parce que nos Etats n’ont pas la possibilité de financer toutes les demandes de financement.
Il faut demander aux jeunes de commencer avec leurs moyens propres. Dès qu’il aura commencé, il put se faire accompagner via un fonds d’amorçage.
Le deuxième point. En général les non-entrepreneurs adressent des messages pour encourager les jeunes à entreprendre. Celui qui n’a pas entrepris ne peut convaincre quelqu’un d’entreprendre. Les structures d’entrepreneuriat sont dirigées par de grands fonctionnaires qui n’ont jamais entrepris. Un entrepreneur connaît des risques mais un salarié ne connaît aucun risque.
Pour finir, les entrepreneurs ne sont pas associés à la mise en œuvre du modèle entrepreneurial. Il y n’y a pas une cohérence globale dans tout ce que nous faisons pour apporter un leadership avéré dans le modèle entrepreneurial africain. Donc si j’ai un message à envoyer aux autorités africaines, c’est de nous aider à assainir le cadre pour qu’on puisse exceller et développer au mieux nos talents créatifs.
Que faut-il faire pour réussir la politique de l’entrepreneuriat en Afrique ?
Il faut qu’on fasse attention sur la ligne de conduite que nous avons prise pour faire émerger nos pays. Il est important d’élaborer des politiques sur le plan conceptuel mais il est essentiel qu’on puisse s’appuyer sur les dynamiques qui ont marchées. Le premier élément de cette dynamique c’est que les femmes vont jouer un rôle fondamental dans le développement économique de notre positionnement. Quand je parle de positionnement, je parle de tous les pays. Aujourd’hui, il faut revoir la situation des femmes en diagnostiquant la problématique en leur adressant la parole, en leur demandant comment elles souhaiteraient qu’on les accompagne dans la formulation de leurs besoins. Et si nous prenons le temps de donner à la femme la place qu’elle mérite nous pouvons construire une Afrique avec des ressources mieux exploitées au service de toutes les populations.
Le second point c’est au niveau des jeunes. Il faut qu’on les aide dans les milieux éducatif, universitaire en leur expliquant le cadre qui peut leur donner la possibilité d’exercer leurs passions. Partout, on doit permettre aux jeunes de se regrouper pour réfléchir et apporter des solutions aux problèmes que nous avons. Qu’on leur laisse la possibilité d’éclore leurs talents. Leur donner des cours à réciter pendant des années pour qu’ils finissent au chômage n’est pas la solution. Si vous n’êtes pas opérationnels, vous n’êtes pas le bienvenu au niveau de l’entreprise. Donc, cherchons à aider les jeunes à être opérationnels.
Photo : Ibrahim Théo Lam
Légende : Ibrahim Théo Lam
Dossier réalisé par Nafiou OGOUCHOLA