Avec 701,4 milliards de dollars de revenus et 621 millions de comptes en 2021, le secteur du mobile money en Afrique devient de plus en plus rentable. Les criminels en sont conscients et ont fait de ce business l’une de leurs principales cibles. Les utilisateurs sont inquiets et lancent un appel aux opérateurs afin de protéger leurs épargnes.
Issa SIKITI DA SILVA
Du fait du rôle important que joue le mobile money dans les sociétés et les économies africaines, et de la rapidité avec laquelle l’infrastructure correspondante a été mise en place, les malfaiteurs ont pu exploiter les faiblesses des réglementations et des systèmes d’identification et commettre des infractions liées à l’utilisation frauduleuse de ces services, indique Interpol.
A en croire la Police internationale, les groupes criminels organisés ont infiltré le mobile money à travers différentes formes de criminalité, notamment le blanchiment d’argent, l’extorsion, la traite d’êtres humains, le trafic de migrants, le commerce illégal d’espèces sauvages et le terrorisme. C’est une tendance qui ne fera que s’accentuer avec le déploiement de ces services sur l’ensemble du continent.
Au Kenya, un récent rapport du FinAccess a révélé que le nombre d’utilisateurs de mobile money qui ont perdu de l’argent à cause de la criminalité a connu une hausse spectaculaire, passant de 47,4% en 2021 contre 8,4% deux ans passés.
Interpol attribue le problème à l’absence de contrôles rigoureux de l’identité des utilisateurs, ce qui s’ajoute au manque de ressources et de formation des services de police dans le domaine des infractions liées à l’argent mobile. Ceci, poursuit-il, a donné naissance à un système financier particulièrement vulnérable à l’infiltration par les milieux criminels.
Assumer la responsabilité
Selon Martha, une étudiante dont les petites économies ont disparu mystérieusement de son compte mobile money, les opérateurs de mobile money devraient assumer la responsabilité de ces pertes en remboursant l’argent volé aux victimes.
Mais il semble qu’en Afrique, aucun opérateur n’est disposé à le faire. « Au lieu de nous reprocher d’avoir fait montre d’imprudence, les opérateurs feraient mieux d’introduire des mécanismes solides en place pour protéger les consommateurs », a déclaré Martha.
Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment lancé un appel aux régulateurs et superviseurs de réfléchir à la meilleure façon de protéger les clients contre la défaillance (potentiellement systémique) des opérateurs, notamment en empêchant la perte de leur argent.
« Avec l’importance croissante des opérateurs de mobile money, un cadre complet et solide de réglementation et de protection des fonds des clients est essentiel. Les opérateurs devraient être soumis à des exigences réglementaires prudentielles proportionnées. Par exemple, ils doivent mettre en place des systèmes de gouvernance et de gestion des risques opérationnels pour identifier et limiter les risques », ont souligné José Garrido et Jan Nolte, deux experts du FMI.
Et, afin de protéger les consommateurs qui peuvent être moins avertis que les clients des banques, des règles devraient être mises en place pour régir la manière dont les émetteurs divulguent les frais, protègent les données des consommateurs et traitent les plaintes. Pour les régulateurs et les superviseurs, le moment est venu d’agir, dixit le FMI.