La monnaie de la plus importante économie africaine est à son plus bas niveau historique. La chute libre des cours de naira est la principale cause de la traversée de désert de l’économie du Nigéria. Cette situation appauvrit les populations et crée des tensions sociales entre les communautés.
Belmondo ATIKPO
Ce lundi 19 février 2024, le naira s’est même effondré à 1 528 unités pour un dollar américain, plombant davantage le pouvoir d’achat des Nigérians. À court d’argent, le gouvernement cherche tous azimuts des pistes, actuellement, il tente de mettre en place une taxe de 5 % sur les services mobiles. Le budget de l’État nigérian est largement grevé à cause des subventions massives sur le prix de l’essence. Car il y a urgence, depuis le mois d’avril, le plus grand producteur de brut d’Afrique dépense plus pour le service de la dette qu’il n’enregistre de revenus. La ministre des Finances, Zainab Ahmed, a annoncé la mise en œuvre de la taxe, retardée depuis l’année dernière. Cette proposition fait l’objet d’un bras de fer avec le ministre des Communications, Isa Pantami, qui a demandé au gouvernement de reconsidérer la taxe au motif qu’elle pourrait ralentir l’expansion de l’un des secteurs à la croissance la plus rapide du pays. Face à la situation, la valeur de la monnaie nationale, le naira, ne cesse de dégringoler face au dollar depuis plusieurs semaines. Une dépréciation d’environ 9 % (depuis janvier) entraînée par la chute brutale des cours du pétrole, de plus de 30 % en trois mois, jusqu’à 76 dollars le baril (60,90 euros) le 27 novembre. Le taux de change officiel de la banque centrale est ainsi passé de 155 à 168 unités de la monnaie locale pour un dollar, se rapprochant de celui pratiqué sur le marché noir, où le billet vert s’échange contre plus de 180 nairas. Et la nouvelle parité de la banque centrale peut fluctuer de +/- 5 % (une variation plus large qu’auparavant, avec +/- 3 %). Dans le même temps, le taux d’emprunt des banques privées auprès de la banque centrale a été porté de 12 % à 13 % (la première augmentation depuis trois ans) dans le cadre de mesures destinées à contenir l’inflation (environ 8 %) avant les élections. « Les défis actuels exigent des mesures politiques audacieuses ». Bien qu’elle ait été jugée « difficile mais nécessaire » par les analystes et applaudie par le Fonds monétaire international (FMI), cette nouvelle politique monétaire suffira-t-elle pour enrayer les difficultés auxquelles est confrontée la première économie du continent ? Pour les analystes d’Ecobank, « cette décision [la dévaluation] crée une plus grande flexibilité pour la banque centrale, qui sera en mesure de soutenir le naira dans les limites des ressources disponibles tout en respectant ses obligations à court terme ». Plusieurs institutions financières estiment que le Nigeria doit envisager des mesures supplémentaires pour être prêt à gérer de nouvelles baisses et fonder ses choix sur des scénarios crédibles.
Manifestations contre la vie chère
Avec leurs conséquences sociales désastreuses, les réformes économiques de Bola Tinubu provoquent la colère des Nigérians, de plus en plus acculés par l’augmentation du coût de la vie. Soumis à un taux d’inflation de 29,9 % en janvier de cette année, contre 25% en mai 2023, soit son niveau le plus élevé depuis 1996, les ménages subissent de plein fouet la hausse des prix. Depuis plusieurs semaines, hommes et femmes marchent dans les rues des villes du centre et du nord du pays comme à Suleja, près de la capitale Abuja, à Minna, dans l’État du Niger, et à Kano, la deuxième ville du pays, pour dire leur « ras-le-bol » et interpeller les autorités fédérales. Les Nigérians sont confrontés à l’une des pires crises économiques qu’ait connues le pays. Cette dernière frappe directement dans les assiettes avec l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Ainsi, la viande, les œufs et le lait sont désormais considérés comme des produits de luxe. S’ajoutant aux protestations populaires, d’influents leaders communautaires comme l’émir traditionnel de Kano, Aminu Ado Bayero, dénoncent également la détérioration du niveau de vie des populations. Début février, ce dernier a estimé que les Nigérians doivent faire face à des « difficultés économiques, à la faim et à la famine » et a appelé le président Bola Tinubu à prendre des mesures d’urgence