Autrefois incontournable dans les échanges commerciaux, le transport ferroviaire, au cours des dernières années, a été rangé aux oubliettes par la plupart des Etats africains, malgré ses avantages comparatifs liés à l’efficacité et la rapidité. A l’heure de la promotion de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), restaurer ce moyen de transport dont les avantages sont attractifs doit être une priorité.
Sylvestre TCHOMAKOU
Bien que ne s’adaptant pas à tous les besoins, le transport ferroviaire, moyen de transport apparu au XIXème siècle, s’est révélé dans la moitié du XXème siècle, avant l’essor de la 4ème révolution, être incontournable pour acheminer et transporter aussi bien les voyageurs que les marchandises. En matière de biens et services, l’unanimité est acquise sur le fait que ce mode de transport (train de fret), pour la plupart avec l’équivalent de 10 camions, facilite non seulement l’expédition en masse des produits, d’une ville à une autre, mais aussi, s’avère bien de fois moins cher que le transport aérien. Cependant, au cours des dernières années, on assiste à une relégation de ce mode d’échanges en raison de la non-adaptation des chemins ferroviaires existants aux nouveaux modèles de trains. Un gâchis est-on tenté de dire au vu de l’opportunité d’intégration qu’offre la Zlecaf. La plupart des Etats optant pour une reconstruction complète de leur système ferroviaire, se voient ralentis par les investissements lourds que nécessiterait un tel projet. Mais, a-t-on besoin de consentir ces investissements à l’heure où le système éducatif, dans la plupart des pays agonise, ou l’accès à l’eau potable, au soin de santé de qualité est, pour la majorité des populations, est un luxe ?
Au lieu de se projeter dans une refonte de leur système, les Etats, avec l’appui des ingénieurs ferroviaires, gagneraient bien plus à procéder à une conversion des chemins de fer sur la base de modèles permettant une quasi-uniformisation des largeurs pour favoriser le passage des trains d’un Etat à l’autre. C’est, d’ailleurs, ce que recommande l’organisation sud-africaine « Tralac » aux Etats dans son Rapport 2023 intitulé : «Initiatives de transport ferroviaire en Afrique: implications pour l’amélioration des liaisons de transport intermodal sur le continent ». D’après ledit rapport, dans le paysage actuel, près de 9 écartements différents (distance séparant le flanc interne des deux files de rails d’une voie ferrée) sont adoptés sur le continent. Pendant que certains pays ont opté pour l’écartement de Cape de 1,067 m, plus couramment utilisé et représentant 61,3 % du réseau continental, d’autres utilisent la jauge métrique de 1,000 m (19,2 % du réseau) ou l’écartement standard de 1,435 m (estimé à 14,5 % du réseau).
Interconnecté les axes ferroviaires
L’autre problème à résoudre est relatif à l’interconnexion, qui se traduit par la discontinuité et le défaut de maillage de plusieurs lignes sur le continent. La plupart des chemins de fer à l’exception de quelques pays d’Afrique Australe et du Nord, « sont constitués de simples liaisons pénétrant à l’intérieur des terres à partir des ports maritimes côtiers avec une interconnexion très faible ». De plus, 16 pays sur le continent ne disposent pas encore de voies ferrées selon un autre rapport de l’Union internationale des chemins de fer (publié en 2018). A cette difficulté, la solution, comme le recommande le rapport de « Tralac » serait d’amener les pays ne disposant d’axes ferroviaires à en construire afin de parvenir à un meilleur maillage et d’obtenir un système ferroviaire de type continental.
Pourquoi opter pour ces solutions ?
A l’heure d’un marché commun porté par la Zlecaf et soutenu par nombre d’Etats, ces solutions pourraient amoindrir pour les Etats la facture d’une reconstruction complète qui, selon les estimations d’AGL citées par la Banque africaine de développement dans le rapport « Rail Infrastructure in Africa Financing Policy Options », nécessitera plus de 100 milliards $ d’investissement. A l’évidence de ce que les besoins financiers et technologiques des PME/PMI restent d’actualité, les Etats, en économisant ces investissements, pourraient mieux renforcer leur compétitivité afin de faciliter leur intégration dans le marché commun. Aussi, ce mode de transport qui émet moins de CO2 contrairement au transport maritime, routier et aérien, permettrait-il au continent de mieux se porter écologiquement. Tout ceci, sans oublier que le transport ferroviaire non seulement s’adapte aux marchandises, offre une grande modularité avec la possibilité d’ajouter des wagons, mais aussi, possède une plus grande vitesse de déplacement que le transport routier et maritime. La renaissance du transport ferroviaire sur le continent, au vu de ces multiples avantages évoqués, garantirait plus de durabilité pour les infrastructures routières en ce sens que moins de pression s’exercerait sur les voies déjà contraintes par de nombreux goulots d’étranglement telles la surcharge, les cas d’accident et les embouteillages réguliers. En peu, avec la ZLECAf censée entraîner une augmentation générale de la demande de fret intra-africain d’environ 28 %, d’après la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), le transport ferroviaire se présente comme un moyen d’expédition sûr du point de vu sécuritaire, et capable de parcourir de grandes distances d’une région à l’autre du monde.