Alors que le changement climatique fait mobiliser les pays du monde et rappelle l’importance de la décarbonisation, les conséquences pour l’économie africaine ne restent pas effacées. Dans une nouvelle étude, la principale institution de l’ONU chargée du commerce et du développement, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a appelé à plus d’efforts en faveur des économies des pays en développement dont l’économie repose essentiellement sur les produits primaires.
Sylvestre TCHOMAKOU
Malgré leur responsabilité négligeable dans la production de gaz à effet de serre dans le monde (-4% des émissions globales), les pays les moins avancés sont, de part et d’autre, appelés à consentir l’ultime sacrifice avec une économie sobre en carbone. Ce, nonobstant que ces pays subissent déjà de manière disproportionnée les conséquences des changements climatiques au moment où les principaux pollueurs rivalisent d’ardeur et d’ingéniosité dans les domaines dégradant la planète terre. Face à une telle dynamique qui se révèle être contre-productive pour l’économie des 46 Pays les moins avancés (PMA), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), dans son « Rapport 2022 sur les pays les moins avancés » publié le 3 novembre, appelle à des actions pour que les efforts mondiaux en faveur d’un avenir sobre en carbone ne laissent pas les pays les moins avancés (PMA) pour compte. Selon le rapport, les économies des PMA dépendent en grande partie des exportations de produits de base tels que les minéraux, les métaux et les combustibles, qui entraînent des émissions élevées de CO2 et constituent souvent des intrants dans les chaînes de valeur mondiales à forte intensité de carbone, tels les produits métalliques, le ciment, les engrais ou l’électricité. Entre 2018 et 2020, rappelle la Cnuced, quelque 80 % des PMA ont été classés comme dépendants des produits de base, ce qui signifie que plus de 60 % de leurs exportations de marchandises étaient constituées de produits primaires. Par conséquent, l’élan vers la réduction des émissions de carbone pourrait avoir un impact négatif sur les secteurs des exportations des PMA, prévient le rapport. Les plus de deux tiers des PMA dont l’économie dépend de l’exportation de produits de base à fortes émissions de carbone pourraient être confrontés à de graves contraintes budgétaires et à une perte de production économique si l’extraction de ces produits devait être fortement réduite.
Prioriser la production durable
La vulnérabilité causée par l’étroitesse des bases d’exportation des PMA et leur forte dépendance à l’égard des importations de denrées alimentaires a été aggravée par les répercussions de la guerre en Ukraine sur les marchés mondiaux et par la pandémie de COVID-19, qui a fait basculer 32 millions de personnes supplémentaires dans les PMA dans l’extrême pauvreté (vivant avec moins de 1,90 dollar par jour) rien qu’en 2020. Si le renforcement des capacités d’exportation des PMA reste essentiel, la CNUCED exhorte ces pays à utiliser des méthodes de production durable et à investir davantage dans la création de nouvelles capacités productives et dans l’expansion de celles qui existent déjà, en particulier dans les activités sobres en carbone. Les PMA devraient également, souligne la CNUCED, promouvoir la création de valeur ajoutée au niveau national et le renforcement des liens de production intersectoriels, faute de quoi la poursuite de l’extraction des ressources continuera de dégrader l’environnement mais ne permettra pas de remédier au sous-développement résultant du piège de la dépendance à l’égard des produits de base.
Nécessité de renforcer la résilience aux risques climatiques
Le rapport appelle à une « transformation structurelle verte » pour réduire la pauvreté dans les PMA et renforcer leur résilience afin de mieux gérer les risques climatiques, s’y adapter et y répondre. Par transformation structurelle, on entend le passage d’une production à faible productivité et à forte intensité de main-d’œuvre à des activités économiques à plus forte valeur ajoutée et à plus forte productivité.
Une transformation structurelle verte combine une croissance économiquement, socialement et écologiquement responsable et une transformation économique structurelle. Elle consiste en une transition des secteurs « en déclin » à forte intensité de carbone vers des activités économiques « en plein essor » sobres en carbone, en favorisant l’utilisation efficace des ressources (matériaux, énergie, terre, eau) tout au long du parcours de développement. Selon la CNUCED, une transformation structurelle verte est un objectif politique primordial pour les PMA – et de nombreux autres pays en développement (non PMA) – car elle combine leurs impératifs de développement avec des considérations climatiques.
La vulnérabilité causée par l’étroitesse des bases d’exportation des PMA et leur forte dépendance à l’égard des importations de denrées alimentaires a été aggravée par les répercussions de la guerre en Ukraine sur les marchés mondiaux et par la pandémie de COVID-19, qui a fait basculer 32 millions de personnes supplémentaires dans les PMA dans l’extrême pauvreté (vivant avec moins de 1,90 dollar par jour) rien qu’en 2020.
Appel à « relancer » le soutien international et le financement du climat
Le rapport indique que le défi mondial de la décarbonisation appelle un « redémarrage des systèmes » dans le soutien international aux PMA, qui représentent environ 22 % des pays dont les appels de fonds sont les plus récurrents en réaction aux crises climatiques extrêmes.
Malgré l’appel urgent des pays vulnérables au climat, il n’existe toujours pas d’accord international sur le financement des coûts liés aux pertes et aux dommages causés par des événements à déclenchement rapide liés aux changements climatiques. Les PMA sont également très exposés aux risques, qui sont aggravés par l’incapacité des pays développés à atteindre l’objectif annuel de 100 milliards de dollars de financement climatique qu’ils avaient initialement promis d’atteindre d’ici 2020 pour aider les nations en développement à s’adapter à la crise climatique.
L’adaptation au climat a reçu beaucoup moins de soutien international que l’atténuation, non seulement en termes de financement, mais aussi en termes de développement et de transfert de technologies, de renforcement des capacités et d’assistance technique.
La CNUCED exhorte les partenaires de développement à accorder un traitement spécial et différencié aux PMA en leur fournissant un financement ciblé, suffisamment souple et à long terme. Cela implique qu’ils respectent leurs engagements en matière de financement climatique et qu’ils relèvent leur niveau d’ambition en matière d’objectifs de financement. Ces financements devraient idéalement s’ajouter aux fonds provenant des pays donateurs qui respectent leur engagement de fournir une aide publique au développement aux PMA correspondant à 0,15 % à 0,20 % du revenu national brut des donateurs.
En outre, des mesures urgentes sont nécessaires pour améliorer le transfert de technologies vers les PMA et renforcer leurs capacités institutionnelles en augmentant considérablement l’assistance technique et le soutien au renforcement des capacités dans tous les domaines de la transition vers une économie sobre en carbone, y compris les capacités en matière de données et de statistiques.
Réduction des émissions de carbone : L’Afrique exposée à une perte de production économique
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