L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a publié le rapport mondial sur les drogues le 26 juin 2020, à l’occasion de la Journée internationale contre l’abus des drogues et le trafic illicite célébrée sous le thème ‘’De meilleures connaissances pour de meilleurs soins’’.
Falco VIGNON
La consommation mondiale de drogues est en augmentation, passant de 4,8% de la population mondiale âgée de 15 à 64 ans en 2009 à 5,3% de la population en 2018. Bien que des données fiables sur la consommation de drogues manquent pour un grand nombre de pays, en Afrique, certaines tendances ont été identifiées. Pour preuve, au niveau mondial, l’augmentation de la consommation de cannabis entre 2010 et 2017 a été la plus élevée en Afrique, suivie de l’Asie. Par exemple, on estime que 1,2% de la population du Kenya et 10,8% de la population du Nigeria consomment du cannabis.
Entre 2013 et 2017, 20% de toutes les saisies mondiales d’herbe et de résine de cannabis ont été effectuées en Afrique. L’Afrique du Nord a représenté 99% de toutes les saisies de résine de cannabis et 55% de toutes les saisies d’herbe de cannabis en Afrique entre 2013 et 2017. En 2017, la quantité d’héroïne saisie en Afrique a triplé par rapport à 2013 et augmenté de 31% par rapport à 2016 ; un taux de croissance supérieur à la moyenne mondiale ; principalement en raison du trafic d’héroïne en provenance du Sud-Ouest asiatique vers ou via l’Afrique de l’Est.
Les saisies de tramadol sur le continent africain représentent 88% des saisies mondiales en 2017
En outre, le rapport estime le nombre d’utilisateurs d’opioïdes en Afrique à 6 millions en 2017, contre 2,2 millions en 2016. L’utilisation non médicale d’opioïdes est particulièrement élevée en Afrique de l’Ouest et du Centre, où elle est estimée à 1,9% parmi les populations adultes. L’utilisation non médicale d’opioïdes pharmaceutiques, en particulier le tramadol, a été particulièrement élevée. Un nombre croissant de personnes commençant un traitement pour des troubles liés à l’utilisation du tramadol.
Le trafic de tramadol à des fins non médicales est également une menace majeure en Afrique de l’Ouest, du Centre et du Nord. Par exemple, les saisies de tramadol en Afrique sont passées de 8 tonnes en 2013 à 111 tonnes en 2017, représentant 88% de toutes les saisies de ce produit dans le monde.
Les saisies de méthamphétamine fabriquée localement (y compris en Afrique occidentale et australe) et destinée à l’exportation, en particulier vers l’Asie, ont également augmenté. Enfin, l’Afrique, en particulier l’Afrique australe, est également un marché important pour la méthaqualone, principalement produite en Asie du Sud.
« Partout dans le monde, nous constatons que les risques et les conséquences de la consommation de drogues sont aggravés par la pauvreté, les possibilités limitées d’éducation et d’emploi, la stigmatisation et l’exclusion sociale. Ce qui contribue à son tour à aggraver les inégalités, ce qui nous éloigne de la réalisation des objectifs de développement durable », a déclaré la Directrice exécutive de l’ONUDC, Ghada Waly. « Dans la reprise du COVID-19, nous avons besoin que tous les pays respectent leurs engagements et fassent preuve d’une responsabilité partagée pour lutter contre l’offre de drogues illicites et réduire la demande », a-t-elle ajouté.
Focus sur le tramadol en Afrique de l’ouest
Selon une étude réalisée entre septembre 2018 et juillet 2019 par le Bureau régional de l’ONUDC pour l’Afrique de l’Ouest sur le trafic de tramadol et d’autres opioïdes pharmaceutiques en Afrique de l’Ouest, le trafic d’opioïdes pharmaceutiques et leur utilisation non médicale ont atteint un niveau alarmant en ces dernières années.
Au Nigéria, par exemple, la prévalence de la consommation d’opioïdes pharmaceutiques en 2017 était estimée à 4,7% de la population âgée de 15 à 64 ans, principalement liée à l’utilisation non médicale du tramadol. Toujours au Nigéria, mais aussi dans certaines parties de Lomé, au Togo, les opioïdes pharmaceutiques, en particulier le tramadol, ont été identifiés comme la deuxième drogue la plus consommée après le cannabis en 2017. Les saisies récentes mettent en évidence l’ampleur du trafic de tramadol. La quantité de tramadol saisie au Nigéria a presque doublé entre 2016 et 2017, passant de 53 tonnes à plus de 92 tonnes.
En 2018, les autorités nigérianes chargées de l’application des lois ont signalé la saisie d’environ 150 tonnes de tramadol dans le pays. En Côte d’Ivoire, environ 44 tonnes de tramadol ont été saisies sur les marchés de rue en 2018, tandis que plus de 16 millions de comprimés ont été interceptés au Niger. Selon les données officielles, les saisies mondiales de tramadol en Afrique de l’Ouest équivalaient à 88% de toutes les saisies de tramadol en Afrique et à 77% de toutes les saisies de tramadol dans le monde en 2017. Le tramadol représentait également 82% de tous les opioïdes pharmaceutiques saisis en Afrique en 2016 et 91% en 2017.