Pour l’instant, la situation épidémiologique liée à la pandémie du Covid-19 subit encore l’étonnante résilience des pays du Sud. Mais pour autant, les réflexions, elles sont assez bouillonnantes et les approches de prévoyance sont différenciées. Ainsi, une coopération à grande échelle n’aura jamais été aussi nécessaire qu’aujourd’hui. En raison de son expertise et de la fébrilité pour la promotion des idées, l’Institut Amadeus a choisi de poser le débat et d’ouvrir la réflexion sur les pistes de réponses communes des pays du Sud face à cette urgence de santé publique et cette crise humanitaire et socio-économique. En partenariat avec la Fondation Dr. Louis G. Lamothe (FLGL), un cycle de webinaires s’est tenu sous le thème « Les Suds face au Covid-19 : De la gestion de crise à l’indispensable disruption ». Pour ce deuxième numéro, Reckya Madougou était l’une des nombreux intervenants : Mankeur Ndiaye, Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour la République Centrafricaine, Bocchit Edmond, Conseiller diplomatique du Président d’Haïti, Moussa Mara, ancien premier ministre du Mali, Laurent Lamothe, ancien Premier ministre d’Haïti et Brahim Fassi Fihri, Président de l’Institut Amadeus.
Tous les pays sont en état d’alerte : Le Maroc lance une opération de distribution alimentaire pendant le ramadan. Le Madagascar guérit ses malades à l’artemisia. Le Sénégal traite à l’hydroxychloroquine mais, développe un test de dépistage. En Tunisie, l’état d’urgence est prolongé. Des entrepreneurs togolais fabriquent sur place des respirateurs artificiels. Le Tchad déplore ses premiers décès. La Côte d’Ivoire vient de lancer une émission de « bons sociaux ». La riposte contre l’infection à Covid-19 en Afrique est diversifiée. « Les initiatives africaines existent et les discussions méritent d’être élargies », a indiqué Brahim Fassi Fihri, Président de l’Institut Amadeus. Tout au long donc de cette rencontre virtuelle ayant duré presque deux heures, les invités ont tenté d’évoquer les champs possibles de coopération entre les pays du Sud notamment vis-à-vis des pays du Nord. Mais d’entrée et sans détour, la Conseillère Spéciale du Président togolais estime que cette crise est une opportunité pour réorienter le positionnement des pays du Sud dans le concert des nations. Et cela à partir d’un plan d’actions communautaires à court, moyen et long terme. Mais quels sont les mécanismes concrets et la probabilité de succès pour un partage d’expertise et une réponse unifiée ?
Pour Moussa Mara, ancien premier ministre du Mali, il faut s’appuyer sur le cadre institutionnel existant. « Les enjeux de long terme (le financement du redémarrage des économies, les modèles de restructuration de la dette…) peuvent être confiés à l’Union africaine. Les questions sanitaires en terme de moyens dépassant un pays, comme la recherche, les vaccins, seront laissées aux communautés économiques régionales. Mais, au niveau de chaque État, il faut rester concret : aucun pays ne renoncera à son plan de rispote au profit d’une quelconque mutualisation », a-t-il proposé. En agissant unis et solidaires, les pays africains renforceront à coup sûr sa résilience face à cette crise. Et cette solidarité s’étend des initiatives visant à renforcer les capacités de production de produits pharmaceutiques au partage d’expériences entre les scientifiques et responsables en passant par les solutions économiques.
Mais bien qu’étant d’avis, Reckya Madougou insiste sur un bémol et estime que d’autres approches doivent être privilégiées. En tête de liste, elle recommande des solutions pour les petites et moyennes entreprises. « Le tissu économique africain et dans la plupart des pays, est détenu en large majorité, par des micro et des petites entreprises », dit-elle avant d’ajouter que l’opportunité sera de mettre à la disposition de cette branche entrepreneuriale, la grande part des financements innovants et des refinancements à explorer auprès des Systèmes Financiers Décentralisés (SFD). Il le faut pour que cette détresse pandémique ne se transforme en insécurité alimentaire. « L’occasion est plus que jamais de mettre la majorité des ressources mobilisées au profit des PME. Si on veut attaquer les effets pervers de la crise, il faudra apporter des appuis aux PME et aux institutions de microfinance », a-t-elle répété. Des idées et des pistes de solutions unanimement saluées par les autres panelistes. Surtout sur les « home grown solutions », c’est-à-dire les solutions endogènes. « Il est essentiel de ne pas regarder seulement ce que font les autres au-delà de nos frontières. Il faut puiser dans notre vécu des solutions pour la crise », conseille-t-elle. En cela, la décentralisation est un excellent mécanisme institutionnel, pour Reckya Madougou.
Dernier point abordé lors de cette rencontre virtuelle est la renégociation de la dette africaine. Actuellement toutes les recettes budgétaires sont en chute libre de même que les dépenses surtout celles liées à la gestion de la pandémie et des demandes sociales. La question est alors pour l’ancienne Ministre, comment obtenir une évaluation de risque favorable tout en dégageant une marge budgétaire pour financer la pandémie et ses effets. « Je voudrais essayer de trouver une position médiane : laisser cette question à la souveraineté des Etats », a-t-elle conclu.
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