L’Ecole Régionale Supérieure de Magistrature (ERSUMA) créée il y a vingt (20) ans, reste encore très peu connue du grand public. Et pour vous permettre de mieux la découvrir, votre journal est allé à la rencontre du directeur général de cette école. Dans cet entretien, Mayatta Mbaye, agrégé de droit privé, nous dévoile le parcours de l’ERSUMA et évoque ses particularités.
L’Economiste : Quel est le rôle et la mission de l’ERSUMA au sein de l’OHADA ?
Mayatta Mbaye : Merci beaucoup, l’Ecole régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA) que je dirige est l’une des institutions de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique des Droits des Affaires (OHADA) aux côtés du secrétariat permanent qui se trouve à Yaoundé, et de la Cour Commune de justice et d’arbitrage qui est à Abidjan. La mission première de l’ERSUMA est de travailler sur le terrain avec les acteurs de droit et les justiciables en droit des affaires. Elle est chargée de tout ce qui est lié à la sensibilisation, à la vulgarisation, à l’accompagnement, à l’assistance, mais surtout au renforcement des capacités. C’est pour cela que c’est une institution appréciée du point de vue de sa capacité à renforcer les acteurs. De manière générale, du point de vue de la sensibilisation et de la vulgarisation, nous réalisons beaucoup d’activités notamment des manifestations scientifiques, colloques, séminaires, ateliers et, nous procédons à la publication de ces évènements à travers la revue de l’ERSUMA, mais également le bulletin ERSUMA de pratique professionnelle. D’un autre côté, nous sommes également dans le système d’évaluation, de l’application des normes. Nous disposons à cet effet d’un centre de recherche.
Comment l’ERSUMA travaille à l’appropriation du droit des affaires dans l’espace ?
Je dirai d’abord que la règle de droit que nous avons n’est qu’un moyen. Le Traité de l’OHADA a analysé cette règle de droit dérivée comme étant un moyen de développement économique. Et qui dit moyen dit maîtrise de moyen et usage de moyen. Si celui qui est normalement le destinataire de la règle de droit ne s’approprie pas la règle, ne l’utilise pas, le moyen que nous estimons être un moyen de développement que constitue le droit des affaires ne serait en aucun cas un moyen. Donc la règle de droit que nous avons dans le cadre du droit OHADA constitue un moyen de développement économique. C’est parce que c’est un moyen de développement économique que la mission première de l’ERSUMA, c’est de faire de telle sorte que les justiciables et ceux qui les accompagnent qui sont les acteurs de droit s’approprient et utilisent effectivement ces moyens. D’un autre côté, l’ERSUMA travaille également pour la sécurité judiciaire. Puisque c’est pour la sécurité judiciaire et non pour seulement la performance, parce que la performance sans la sécurité ne vaut presque rien du tout. Il lui a été demandé d’accomplir la même mission pour ceux qui sont chargés du contentieux qui serait issu du milieu des affaires. De l’autre côté, on assure la pertinence de l’usage des moyens juridiques qui sont disponibles pour la sécurité juridique et en outre, on renforce, les acteurs de la justice pour la sécurité judiciaire. C’est une combinaison des deux qui fait que nous pouvons dire que la dénomination ne prend pas en charge la totalité des personnes, mais que dans les services que nous offrons nous faisons tout pour que l’on puisse savoir qu’il y a un public beaucoup plus grand, beaucoup plus étoffé qui est concerné par les services que nous offrons.
Comment l’Ecole Régionale Supérieure de Magistrature contribue-t-elle au règlement des conflits entre les hommes d’affaires et certains pays membres ?
Non, comprenez ceci. Dans la mission qui lui est assignée, l’ERSUMA travaille à la bonne interprétation de la règle de droit. Et pour cela nous associons des universités et des centres de formation judiciaire. L’objectif, c’est d’être sûr que nous formons bien et que nous appliquons les règles de la même manière. C’est très difficile, mais ça fait partie de notre mission. Et d’un autre côté quand on regarde dans chacun des Etats, si nous avons une formation que nous réalisons, et nous terminons la formation, nous réglons combien de problèmes ? C’est vrai quand nous effectuons une formation, nous avons 20, 30, 40, 50 personnes selon le cas. Le nombre de personnes que nous avons ne nous permet pas de nous dire qu’on a le maximum d’ambassadeurs sur la compréhension qu’il faut avoir de la règle et sur la maîtrise de l’application de cette règle. Mais une chose est claire, au fur et à mesure nous réduisons considérablement les risques de confusion et de contradiction. Ainsi, nous favorisons l’uniformité dans l’interprétation et dans l’application des règles. Lorsqu’on regarde de façon générale toutes les actions que nous avons menées depuis 1998 jusqu’en 2017, elles étaient essentiellement fondées sur la sécurité judiciaire : former au grand maxima les acteurs de la justice pour qu’ils maîtrisent les règles afin qu’ils soient de véritables arbitres aux contentieux liés aux affaires. Aujourd’hui, l’on y ajoute véritablement la partie sécurité juridique avec tout ce qui est négociation des contrats, la rédaction des contrats. Ce qui réduit au maximum les risques.
Quelles sont les autres domaines d’intervention de l’ERSUMA ?
Si je dois me résumer en plus de la formation, nous faisons l’édition et la publication. Nous avons également des activités au delà de la notion d’école. Du point de vue information, nous réalisons le plan stratégique fondé sur plusieurs axes. Le premier axe qui nous intéresse le plus est la réalisation d’une activité au moins une fois par an dans chaque Etat partie. Faire en sorte qu’il y ait au minimum une session de formation par Etat chaque année. Si nous faisons le tour des 17 Etats membres cela pourra permettre de mieux connaître l’institution et d’assurer une certaine régularité par rapport aux activités que nous réalisons même si c’est pour seulement deux semaines. Cela permet de réduire le coût de la formation pour les auditeurs. Ce qui est fondamental pour nous est donc de rapprocher les services de formation à l’auditeur.
Le deuxième axe que je peux relever, c’est au niveau du financement. Nous avions l’habitude puisque ça fait quasiment 20 ans que l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) sur la base de l’appui des Etats et des partenaires techniques et financiers arrivait à bénéficier de subventions jusqu’à l’organisation d’une session de formation ou le billet de formation de l’auditeur est pris en charge par l’ERSUMA. C’était ça qui existait avant. Aujourd’hui nous avons choisi de procéder à de la massification. Pour qu’il y ait massification, il faut qu’il y ait une ouverture libre. C’est pour ça que nous organisons des sessions payantes parce que hier, c’était les Etats qui désignaient. Aujourd’hui pour beaucoup de nos sessions de formation, les Etats ne désignent pas. Donc nous appuyons du point de vue subvention, mais tous les auditeurs contribuent à la réalisation de la session de formation. Les billets d’avion, et les séjours sont assurés par les auditeurs eux-mêmes. Ils contribuent également aux dépenses qui sont liées à la session de formation.
Un troisième axe très important, c’est la formation diplômante. Pendant longtemps, on ne réalisait pas de formation diplômante. L’ERSUMA réalise une session de formation, on termine, je donne des certificats, ou bien je donne des attestations et tout le monde s’en va. Et c’était des sessions qui ne dépassaient pas trois semaines. Depuis que nous sommes là, on n’a jamais réalisé une session de formation qui a dépassé 10 jours. Ce qui veut dire que les formations diplômantes n’existaient pas au niveau de l’école. Nous venons de les créer. Nous avons créé un diplôme de spécialité en droit OHADA qui est l’équivalent du master et qui va permettre à beaucoup d’acteurs de droit qui s’intéressent aux droits OHADA de se spécialiser. Cela va permettre également aux étudiants à la recherche d’une spécialisation pure à venir s’inscrire pour subir une session de formation d’un an pour obtenir un diplôme de spécialité en droit OHADA, l’équivalent du master en droit des affaires.
Pour finir comment évaluez-vous les formations que vous donnez aux auditeurs ?
Je vous dirai d’entrée qu’il suffit de consulter et d’exploiter les fiches d’évaluations que nous donnons à la fin de chacune de nos formations. La satisfaction des auditeurs est totale. Cette année, certains se sont inscrits pour 8 à 9 sessions de formation. Alors qu’ils étaient déjà là l’année dernière. Il y a d’autres qui participent à leur 4ème, 5ème, 6ème ou 10ème session de formation. Avec simplement ces indices, on peut dire que l’école satisfait ses usagers. Pour ce qui concerne les formations que nous donnons il y a deux catégories. Il y a celles que nous organisons sur initiative propre et qui sont contenues dans les catalogues ou dans les communiqués. Mais, nous faisons aussi des formations sur demande. Nous réalisons donc des sessions pour des entreprises qui expriment le besoin. Nous le faisons aussi pour les Etats parce qu’il y a des ministères sectoriels tel que le ministère de la Justice qui nous envoie des auditeurs ou parfois nous demande de nous déplacer pour la faire surplace. Merci pour l’intérêt que vous portez à notre institution.
Entretien réalisé par Adébayo AKIMOAN