En application de ses Statuts, la BCEAO, à travers sa Direction nationale au Bénin, a, mercredi 27 mars 2024, tenu sa 1ère réunion de l’année avec l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Bénin (Apbef-Bénin). D’importants sujets concourant à la résilience de la place bancaire du Bénin ainsi qu’à la croissance de l’économie ont été passés en revue.
Sylvestre TCHOMAKOU
Au Bénin, contrairement au système bancaire qui affiche une « dynamique de croissance » avec une hausse de 17,2% des crédits à fin 2023, la situation des recettes des exportations (commerce extérieur) reste critique et contraire à l’orientation de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). C’est l’une des observations faites à la 1ère concertation entre la Direction nationale de la BCEAO et les Directeurs généraux d’établissement de crédits. En effet, alors que la norme de l’Institut d’émission en matière de rapatriement des recettes d’exportation est fixée à 100%, à fin 2023, le taux de rapatriement desdites recettes par les opérateurs économiques du Bénin est ressorti à 81,4%. Il en résulte un défaut de rapatriement des recettes d’exportations par les opérateurs économiques évalué 80,5 milliards de FCFA, soit 19% du total au titre de l’année 2023. Contraire aux dispositions en vigueur, cette rétention de devises par les opérateurs économiques, selon Emmanuel Assilamehoo, Directeur national de la BCEAO pour le Bénin, s’explique par deux raisons fondamentales : le problème de risques de change et le détournement de devises pour faire d’autres opérations. Mieux poursuit-il, « parfois, il y a des problèmes de traçabilité, d’informations à collecter et à traiter ». A en croire le DN/BCEAO, le rapatriement intégral des recettes d’exportation par les entreprises permet non seulement aux banques primaires de disposer de ressources suffisantes pour le financement de l’économie, mais également à la BCEAO d’accroître son offre de liquidité au système bancaire. Afin d’atteindre les objectifs fixés, les Directeurs Généraux des banques ont été sensibilisés sur l’importance d’inciter les entreprises exportatrices à se conformer strictement aux dispositions du Règlement relatif aux relations financières extérieures des Etats membres de l’Uemoa. Ceci vise à éviter les sanctions variées prévues par la législation bancaire et les directives de la BCEAO. Quant aux entreprises en défaut de rapatriement au titre de l’année 2022, les procédures, a appris Emmanuel Assilamehoo, sont en cours pour prononcer à leur encontre les sanctions prévues. Président de l’APBEF, le DG/Ecobank, Lazare Noulekou, a tout en partageant les risques que font courir à l’économie les entreprises en situation irrégulière, a souligné que « les banques doivent continuer de faire les reporting mensuels à la Banque Centrale pour permettre de savoir l’état des rapatriements ». Se voulant rassurant de l’engagement des banques, il a indiqué que les banques commerciales à travers l’APBEF, ont, depuis quelques mois, décidé de limiter les transferts pour les mis en cause qui « ne veulent pas rapatrier les recettes mais qui veulent utiliser les devises de la zone ».
Un système bancaire résilient
En ce qui concerne la situation économique et l’état du système bancaire du Bénin à fin décembre 2023, il est à noter une nette progression de l’activité bancaire avec le total bilan qui s’est consolidé de 8,3% en s’affichant à 6.418,9 milliards de francs CFA contre 5.924,5 milliards à fin décembre 2022. Ce, en dépit de l’environnement économique marqué par les effets de la fermeture des frontières avec le Niger et la suppression des subventions sur les produits pétroliers au Nigeria. En matière de crédits bancaires, de 2.627,4 milliards en 2022, les banques béninoises sont passées à 3.079,9 milliards à fin décembre 2023, soit une croissance de 17,2%. L’amélioration s’est également poursuivie au niveau de la qualité du portefeuille de la place. De 7,2% un an plutôt, le taux brut de dégradation du portefeuille s’affiche à 4,8% à fin décembre 2023. Un taux inférieur à la moyenne de 8,7% enregistrée dans l’Union à la même période. « La place est globalement solvable avec un ratio de solvabilité de 15,45% pour une norme minimum requise de 11,50% », a salué la BCEAO avant de souligner qu’au niveau individuel, les banques doivent continuer d’améliorer leur performance. Dans son intervention, le Président de l’APBEF s’est réjoui de cette performance en ce sens où le taux de dégradation du portefeuille est passé de plus de 20% en 2016 à 7,18 % en 2022 pour maintenant atteindre 4,8% en 2023. L’objectif, a-t-il confié, est d’aller à 3% voire en dessous.
Il convient de souligner la contribution remarquable des autorités publiques à ces progrès, grâce aux réformes entreprises. Le président de l’APBEF a notamment salué la réforme de l’Agence nationale du domaine et du foncier (ANDF), qui permet désormais d’obtenir des « titres fonciers crédibles et incontestables en un temps record ». « Aujourd’hui, en seulement quatre mois, il est possible d’obtenir un Titre Foncier à partir d’une Attestation de détention coutumière », a-t-il témoigné. Cette avancée s’ajoute à la création du Tribunal de commerce pour résoudre les litiges commerciaux, suivie par l’établissement de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), qui a contribué à instaurer une certaine discipline dans le rang des débiteurs. « De nos jours, obtenir un crédit sans en honorer les échéances n’est plus une option aisée », a ajouté Lazare Noulekou tout en indiquant que les banques ont pris conscience en interne de la nécessité de renforcer la gouvernance, la formation et la sensibilisation des acteurs. Autant d’efforts qui ont contribué à renforcer la croissance de la place bancaire du Bénin.