« Notre objectif est de faire passer l’Afrique à 10% » des émissions vertes, dixit Jules Ngankam, CEO AGF
Face à l’urgence mondiale que constitue le changement climatique, la finance verte est une solution fiable. C’est ce à quoi appelle la 6ème édition de la Conférence internationale sur la finance verte. Déroulée le mardi 05 juillet 2022 sous la présidence du ministre d’Etat chargé de l’économie et des finances du Bénin, Romuald Wadagni, cette rencontre de haut niveau a mobilisé plusieurs acteurs du privé comme du public.
Sylvestre TCHOMAKOU
Dans un contexte de dégradations avancées de l’environnement et du cadre de vie, le tout ajouté à un besoin croissant en énergie, le secteur privé qui couvre près de 80% des investissements nationaux dans les pays du monde, ne saurait rester sans actions dans la lutte contre le changement climatique. C’est réalisant cela que l’African Garantee Fund (AGF), avec le soutien financier de la « Nordic Development Fund » (NDF) a ouvert, mardi 5 juillet 2022 à Cotonou, la 6ème édition de la Green finance. Placée sous le thème « Contribution du secteur privé africain à la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat », cette conférence présidée par le ministre d’Etat chargé de l’économie et des finances, Romuald Wadagni, se veut de renforcer les capacités des institutions financières afin de financer les projets verts dans un environnement moins risqué. Concrètement, il s’agit pour l’AGF d’amener les banques à investir dans des projets qui visent : l’approvisionnement énergétique plus efficace à partir des ressources naturelles ; la réduction de la pollution ; la conservation et la restauration des écosystèmes ; la protection de la biodiversité ; la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la lutte contre les changements climatiques.
Le modèle de gouvernance du Bénin apprécié
Le choix du Bénin pour abriter cette rencontre, selon Jules Ngankam, CEO AGF, s’explique par le leadership du pays qui est « champion de la transparence budgétaire en Afrique francophone selon le FMI et la Banque Mondiale ». Rappelant qu’au cours des précédentes décennies, la téléphonie mobile et les systèmes de transactions ont été les grands challenges, le prochain, se convainc-t-il, est l’échange d’énergie. « D’un côté, les producteurs d’énergie qui voudront augmenter leur capacité, de l’autre côté, les consommateurs d’énergie qui voudront optimiser leur consommation d’énergie. Les PME représentent 90% du secteur privé. Ça veut dire que si on voudrait optimiser la consommation d’énergie, il faudrait commencer par les PME », a expliqué le CEO AGF qui a également souligné que l’Afrique est à peu près à 80.000 mégawatt de consommation d’énergie par an.
Une consommation qui équivaut à celle annuelle de l’Espagne. Face à de pareilles situations qui n’offrent pas de véritable chance de développement au continent, il a fait savoir qu’il est important que l’Afrique ait au-delà du 1% habituel des 180 mille milliards de FCFA des financements verts. « Chaque année, 300 milliards de dollars d’émissions vertes sont émises dans le monde. L’Afrique n’en capte que 1%. Notre objectif est de faire passer l’Afrique à 10% », indique-t-il.
Soutenir la transition énergétique
Intervenant, le ministre d’Etat chargé de l’économie et des finances, Romuald Wadagni a rappelé que le Bénin est le premier pays du continent africain à avoir finalisé depuis 2016 son document de Contributions déterminées au niveau national (CND). Plan d’action climatique visant à réduire les émissions et à s’adapter aux effets des changements climatiques, ledit document a été mis à jour en 2021, suite à la réélection du président Patrice Talon, et aligné sur le Plan National de Développement (PND). C’est, explique le ministre d’Etat, ce travail technique et institutionnel qui a abouti en juillet 2021 à l’émission par le Bénin, d’un eurobond de 328 milliards FCFA (une première pour un pays africain) dédié au financement de projets à fort impact sur l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations-Unies. L’échéance de remboursement est fixée à 2035. Insistant sur la nécessité d’accompagner l’Afrique dans la transition énergétique, le ministre n’a pas manqué de souligner que les coûts d’investissement en la matière sont élevés.
« Aujourd’hui, pour produire 1 mégawatt d’électricité à base d’une technologie qui utilise le fioul lourd, c’est à peu près 750 mille à 800 euros maximum. Pour une centrale à gaz 1 Mégawatt, c’est à un million d’euros. Le solaire avec tous les accumulateurs, tous les équipements de stockage, coûte entre 1,8 et 2 millions d’euros en termes d’investissement pour commencer. Quand on est un pays pauvre et qu’on a la pression de sa population pour fournir de l’électricité, la tentation pour avoir une centrale qui marche au fuel lourd est forte. Il y a une vrai nécessité d’accompagner les Etats à renouer avec une vraie stratégie de transition », a confié Romuald Wadagni en présence des institutions financières de développement (African Guarantee Fund, Agence Française de Développement, Banque Ouest Africaine de Développement, Société Financière Internationale). Au-delà des communications qui ont meublé les échanges notamment « CDN : rôle du gouvernement et des partenaires au développement » ; « CDN : quel rôle pour les institutions financières ? », l’AFG tient du 06 au 08 juillet 2022, un atelier de formation des Chefs de départements risque, crédit, opérations et exploitation de banques.
La finance verte, le défi des institutions de développement
Du reste, il est à noter que la plupart des institutions de développement visent à terme à se désengager de l’énergie fossile et à verdir leurs portefeuilles. Pour sa part, la BOAD compte porter à 25% son portefeuille de financement des projets verts. Quant à l’Agence Française de Développement (AFD), elle a déjà mis un terme au financement des projets fossiles. La Société Financière Internationale (SFI) compte dès 2024, consacrer 35% de son portefeuille au financement des projets verts. Elle projette d’atteindre un taux de compliance de 65% par rapport à l’accord de Paris, à l’horizon 2025.