Face à la crise économique que traverse le Bénin et le désintéressement que subissent les produits locaux, certains métiers qui retraçaient la pensée historique du Bénin sont en train de disparaitre. C’est le cas par exemple de la sculpture au Bénin. Un métier dont les œuvres sont soumises à une mévente qui ne dit pas son nom et qui fait que les sculpteurs sont au quotidien en perte d’inspiration pour innover dans leur métier.
Avec la triste réalité de la crise économique qui secoue depuis peu le Bénin et le manque de certains matériaux, le métier de la sculpture est en train de disparaitre sur le plan national. Pire, les béninois habitués des choses importées préfèrent payer leurs objets d’art à l’étranger qu’au pays. Ce qui pèse énormément sur les sculpteurs. Ange, un jeune entrepreneur rencontré au centre de promotion de l’artisanat (Cpa), veut acheter des objets d’art pour embellir son bureau. Sa présence en ces lieux s’explique par la beauté et les prix relativement bas de ce côté. Et tout comme lui, nombre de visiteurs se comportent ainsi. Du coup, les sculpteurs locaux font juste l’objet de contemplation. Il faut noter que peu de Béninois accordent d’importance aux objets d’art, mentionne Maurice, un sculpteur au centre de promotion de l’artisanat. La soixantaine, sculpteur de formation et fort de ses nombreuses années d’expérience, il explique que s’il est encore dans le métier, c’est à cause des touristes qui viennent voir et acheter les objets, lui dire toute leur admiration et qui l’encouragent à continuer. Il s’indigne : « nous, nous sommes là pour nous soumettre aux promoteurs des boutiques puisque tout le monde se lance aujourd’hui dans la commercialisation des objets importés et cela crée une concurrence qui ne dit pas son nom ». Membre de l’association des sculpteurs « Nouwagnon », association qui avait pour but l’organisation des expositions d’art et aussi des foires pour promouvoir l’art béninois, il évoque tout de même le manque de moyens et de soutien financier. « Notre association n’a pas prospéré car ne disposant pas de moyens financiers et de sponsors », explique-t-il. Il va plus loin en confiant qu’il avait eu, par le passé, un projet dénommé Fenab, qui aidait les artisans à avoir des prêts pour poursuivre leurs activités. Mais le projet n’a pu durer. Et pour cause, la politique s’en est mêlée. Quant aux promoteurs des sites de vente des objets d’art, ils estiment que l’artisanat est oublié par les gouvernants. Les touristes achètent les objets et pour les amener dans leurs pays, ils éprouvent d’énormes difficultés, surtout au niveau de l’aéroport, car ils payent le double voire le triple du prix de l’objet avant d’aller chez eux ; ce qui empêche parfois les étrangers d’acquérir nos objets. Les artisans invitent les autorités à revoir les textes qui régissent le secteur et augmenter les moyens financiers mis à la disposition de l’artisanat et diminuer les taxes d’exportation des objets par les touristes. Œuvres d’esprit qui témoignent du potentiel culturel dont regorge le Bénin. La sculpture devenue aujourd’hui un enjeu dans l’économie du Bénin, la qualité de la production, sa promotion au plan national, régional et international doit être une préoccupation de tout un chacun de nous, afin que la culture béninoise impose son identité dans la diversité des cultures. En effet, travail d’esprit et de grande inspiration, la sculpture est une activité artistique qui consiste à concevoir et réaliser des formes en volume, en relief, soit en ronde-bosse (statuaire), en haut-relief, en bas-relief, par modelage, par taille directe, par soudure ou assemblage. « C’est un travail qui nécessite la créativité. Il faut avoir l’art dans le sang pour pouvoir réussir ça », explique Hugues, un sculpteur à Cotonou. Autrefois spécificité des familles Donviné au temps des royautés au Bénin, la sculpture sur bois est devenue aujourd’hui une activité artistique, qui s’ouvre à toute personne désireuse de s’y adonner. A cette époque l’art en général, mieux l’artisanat d’art a été une affaire royale, où des familles en sont dépositaires. Nous sommes ainsi au 17è siècle où la dynastie royale d’Abomey vivait ses heures de gloire. La technique de chaque art est l’apanage d’une caste. On distinguait la caste des orfèvres du cuivre, liées à la famille Hountondji et la caste des teinturiers spécialité de la famille Yèmadjè. La sculpture sur bois a pour dépositaire la collectivité. La transmission du savoir à cette époque s’appuie sur l’héritage familial. Loin des castes, la sculpture sur bois au Bénin s’érige facilement, au gré des passions et de la volonté, en activité artistique accessible à tous. Travailler le bois se révèle comme une œuvre artistique qui nécessite beaucoup de concentration, un esprit d’ingéniosité.
Un travail d’art et d’esprit
Le travail du sculpteur passe par plusieurs étapes à savoir l’étape de la conception qui consiste à représenter l’objet à sculpter sur le bois, celle du polissage pour rendre lisse et enfin la finition. Cet exercice d’esprit exige des outils spécifiques, agissant sur la matière première qu’est le bois. A l’aide du caténaire sous forme de hache communément appelé « hanvi » en langue Goungbé, parlée à Porto novo par les menuisiers, le sculpteur donne la forme voulue appliquée sur le bois. Ensuite des ciseaux biseautés, interviennent permettant à l’artisan de tailler la forme voulue de l’objet à sculpter. A l’étape du polissage interviennent successivement plusieurs autres instruments : la râpe, un instrument plat avec de petites dents en scie à la surface, la lime, des grattoirs, et du papier vert. Enfin, l’application de différentes couleurs de cirage (neutre, noir ou marron) vient renforcer l’éclat du bois. Un dernier coup de chiffon passe sur le produit fini ce qui lui confère toute sa clarté et sa brillance. Et vous voilà face à de belles œuvres d’esprit. Toute une gamme de bois est utilisée pour réaliser les sculptures souvent en formes humaines, animales, ou en des représentations de la vie quotidienne. Acajou, teck, abséria, iroko, kakè sont autant de variétés de bois travaillées pour séduire les consommateurs. L’ébène se révèle toutefois le bois de luxe. « Notre bois de prédilection est l’ébène qui naturellement est noir ou bigarré», explique Arnaud Nounagnon un sculpteur à Cotonou. Le prix de ce bois, selon la même source, varie entre 10.000 f CFA et 12.500 f CFA pour une dimension de 4 m sur 30 cm de large et d’une épaisseur de 10 cm. Toutefois, il regrette que l’ébène de nos jours est d’une extrême rareté pour cause d’exportation. Le coût des objets sculptés varie aussi en fonction de l’esthétique, de la grandeur et de la qualité du bois utilisé « Mon prix varie entre 55 mille et 5 millions de francs Cfa » révèle Koffi Gahou.
Romuald NOUDEDJI