(« A partir du 15 octobre, nos services vont s’améliorer », dixit Valéry Lawson)
La Société de gestion des déchets et de la salubrité dans le Grand Nokoué (SGDS-GN) est en charge de la pré-collecte, la collecte proprement dite et l’enfouissement des déchets solides et ménagers dans les communes de Cotonou, Porto-Novo, Abomey-Calavi, Sèmè-Podji et Ouidah. Quelques mois après le début de ses activités, elle fait face à des difficultés inhérentes à la volonté de ses agents. A travers une interview avec le directeur général Valéry Lawson, nous avons essayé de comprendre les raisons de l’abandon des ordures dans certains ménages, les mesures prises et les perspectives qui s’offrent à la SGDS-GN. Lire ci-dessous, l’intégralité de ladite interview.
L’économiste du Bénin : La composante pré-collecte a été confiée à 69 PME
recrutées pour couvrir les 69 zones de pré-collecte. Pourquoi avoir adopté une telle stratégie et quels sont les avantages qui en découlent ?
Valéry Lawson : Le secteur de la gestion des déchets solides et ménagers est en train d’être réformé par la Société de gestion des déchets et de la salubrité dans le Grand Nokoué. L’une des actions phares menées dans ce sens est l’organisation et la structuration de la gestion des déchets dans notre pays. Dans nos villes, il ya des voies pavées et bitumées et l’accès à certains quartiers est difficile. Ainsi avons-nous décidé que les quartiers où les rues sont pavés ou bitumées, la collecte des déchets se fera avec des véhicules notamment les camions bernes à ordures ménagères comme ce qui se faisait il y a quelques décennies avec la voirie. Par contre, les quartiers d’accès difficile dont les rues ne sont ni bitumées ni pavées sont desservis à l’aide des tricycles. Nous avons regroupés les différents quartiers qui sont sous notre responsabilité en 69 zones. Ceci, en vue d’être plus performant et efficace.
Depuis trente ans, nous avons organisé la collecte des déchets en trois maillons dont la pré-collecte, la collecte et l’enfouissement. Nous avons décidé de confier la pré-collecte des ordures dans les quartiers dont les rues ne sont ni bitumées ni pavées aux Petites et moyennes entreprises pour raison d’efficacité et dans le souci de créer des emplois aux jeunes et femmes. En effet, le gouvernement a eu la bonne idée d’associer les PME pour les professionnaliser davantage, leur faire acquérir de l’expérience et les rendre efficace. Au fur et à mesure que les rues seront bitumées ou pavées, nous remplacerons les tricycles par les camions berne à ordures.
Depuis la mesure de gratuité de pré-collecte des ordures ménagères, de plus en plus de ménages ne sont pas débarrassés de leurs déchets. Qu’est-ce qui justifie cette situation ?
Tout d’abord, il faut rappeler que la mesure de gratuité est établie sur une période d’un an. Le conseil des ministres a pris cette décision parce que nous avons besoin d’un peu de temps pour mettre en place le nouveau système de tarification et de recouvrement des taxes que les ménages doivent payer. Avant le démarrage de nos activités le 1er juillet 2020, les ménages payaient deux taxes. Il s’agit de ce que les structures qui faisaient la pré-collecte allaient chercher directement chez les abonnés et les taxes d’enlèvement d’ordures qui sont incorporés dans les taxes des avis d’imposition des fonciers. Alors la taxe collectée par les structures de pré-collecte rentrait directement dans les poches de ces structures et les taxes qui sont incorporées aux avis d’imposition ne sont pas régulièrement payées. Alors qu’il faut que l’Etat construise des routes, des points de regroupements et d’enfouissement des déchets. Mais avec quoi l’Etat réalisera toutes ces infrastructures ? Donc, il était nécessaire d’introduire des réformes dans ce secteur. C’est ainsi que la mesure de la gratuité a été prise en attendant que nous ne trouvions le système idéal pour répondre aux aspirations du gouvernement et ceci, dans l’intérêt supérieur des populations béninoises.
Ensuite, la crise sanitaire causée par la pandémie de la Covid-19 nous oblige à modifier nos prévisions comme cela est le cas dans tous les secteurs d’activités. La SGDS-GN a commandé 550 tricycles en Chine et 90 véhicules lourds pour renforcer son parc automobile. Mais à cause de la pandémie de la Covid-19, la société qui fabrique ces véhicules avait fermé ses portes. Elle vient de les ouvrir à nouveau et nous serons bientôt livrés. Mais en attendant que nous soyions livrés, nous n’avons pas croisé les bras. Loin de là.
Nous avons décidé de déployer notre dispositif en trois phases. La première, nous avons décidé de couvrir 20 zones sur les 69 en ce qui concerne la pré-collecte des ordures et de laisser les structures qui menaient cette activité poursuivre dans les 49 zones qui restent en attendant que les véhicules que nous avons commandés ne soient livrés. La SGDS-GN avait prévu de s’occuper de 7 zones à Cotonou, 6 à Abomey-Calavi, 3 à Porto-Novo, 2 à Ouidah et 2 à Sèmè-Podji. Quand nous avons voulu démarrer cette opération, nous avons réuni toutes les structures de pré-collectes et nous leur avons fait part de notre décision de les laisser gérer les 49 zones en attendant que nos partenaires ne nous livrent les matériels. Mais à Cotonou, dès la première semaine, nous avons remarqué que ces structures n’ont pas poursuivi leurs activités ordinairement comme on s’était convenu. La ville de Cotonou étant divisée en 20 zones, nous avons demandé aux 13 autres PME de démarrer. A Abomey-Calavi, où nous avons 28 zones, on a demandé à 6 PME de démarrer leurs activités. Depuis deux semaines, il y a des problèmes à Abomey-Calavi aussi. Depuis hier (mercredi 23 septembre 2020, NDLR) nous avons demandé à ce que cette zone soit intégrée pour que cela fasse 13. Selon notre plan initial de déploiement c’est vers la fin du mois d’octobre que nous allons couvrir les 69 zones. Car, à partir du 15 octobre, l’entreprise qui a gagné le marché des tricycles va nous livrer 275 tricycles.
Donc les difficultés que nous connaissons aujourd’hui sont liées à la Covid-19 qui a empêché la fabrication et la livraison des véhicules que nous avons commandés et aussi aux structures de pré-collecte d’ordures qui ont boycotté notre demande et cessé d’exercer. Mais ce n’est pas tout.
Enfin, la saison des pluies a amplifié les difficultés que nous avions. Car, lorsque nous collectons les déchets, ils doivent séjourner dans les points de regroupements pendant quelques heures, 24 au maximum, avant d’être déposés à Ouèssè où ils sont traités et enfouis. Mais l’accès au site d’enfouissement de Ouèssè est rendu très difficile à cause de la pluie. Parce qu’il faut que les camions reviennent pour recharger d’autres ordures. Mais voilà qu’ils ont du mal à atteindre Ouèssè et à revenir dans le Grand Nokoué. Ce qui joue aussi sur la chaîne qui commence par la pré-collecte.
Depuis le week-end passé, nous avons commencé par faire des opérations qui soulagent les populations. Elles vont durer jusqu’à la fin de la saison des pluies.
Quelles sont les mesures prises pour pallier cette situation ?
Nous avons lancé toutes les 20 entreprises à Cotonou. A Abomey-Calavi, nous avons demandé que les entreprises qui ont à charge les sept zones très sensibles que nous avons identifiées entrent en jeu pour compléter les 6 premières. Nous sommes ainsi passés à 13 zones actives aujourd’hui.
Mais en dehors de ces mesures, nous avons décidé de venir en appui aux PME qui ont des difficultés. Car la fréquence normalement prévue est de deux fois par semaine. Mais nous leur avons demandé de collecter les ordures au moins une fois par semaine jusqu’au 15 octobre 2020. De même, nous avons décidé de travailler désormais tous les jours dont samedi et dimanche.
En dehors de cela nous avons fait des zones tampons sur le site d’enfouissement de Ouèssè afin que les déchets qui y sont acheminés soient déchargés en attendant leur enfouissement dès que la zone sera sèche. Nous sensibilisons aussi les populations afin qu’elles ne sentent pas trop ces difficultés.
La composante collecte et transport a démarré dans les 12 zones de collecte et celle enfouissement est également en cours en ce qui concerne le tri et la valorisation. Quelles appréciations faites-vous par rapport au déroulement de ces deux composantes ?
Pendant 30 ans, les composantes collecte et enfouissement des déchets n’étaient pas assurées comme il se devait. A Cotonou, sur près de 200.000 tonnes de déchets qui sont produits chaque année, vous avez à peine 10% qui sortent de la ville pour être enfouis. Aujourd’hui, depuis que nous avons démarré, il n’y a plus de déchets qui sortent des maisons qui restent dans les cinq communes du Grand Nokoué. Avant, quand les structures de pré-collecte ramassent les ordures, soit elles vont les déverser dans les bas-fonds ou des dépotoirs sauvages installés un peu partout dans les quartiers. Nous avons détruit une grande partie des dépotoirs sauvages et les déchets qui sortent des maisons sortent systématiquement des villes pour allier sur le lieu d’enfouissement.
Quels sont les moyens financiers, matériels et le personnel dont dispose la SGDS-GN pour mener à bien ces missions ?
Pour faire de la pré-collecte, il nous faut des points de regroupements. Depuis qu’on a commencé nos activités, il y avait environs 43 points de regroupement dans le Grand Nokoué. Mais ily avait à peine 5 qui étaient fonctionnels. Nous avons réhabilité tous les 43. Et nous avons mis en service 30 points de regroupement. Nous avons également prévu de construire une quarantaine de points de regroupements mobiles comme fixes. Malheureusement, nous avons des difficultés pour trouver des espaces qui conviennent à ces infrastructures.
Mais en dehors de ça, nous avons prévu avec le Pugemu, de mettre en place un centre de transfert où les ordures peuvent séjourner entre 24 heures et 48 heures avant d’être acheminées vers le lieu d’enfouissement. Car pour transporter les ordures à Ouèssè, un camion qui charge 6 mètres cubes a le même coût que celui qui charge 10 mètres cubes. Nous avons ainsi prévu cette infrastructure avec le Pugemu car elle aura une capacité de 40 mètres cubes au lieu de 20. Il y a également deux centres qui ne fonctionnaient plus à Cotonou et on les a réhabilités. On a prévu construire trois autres à Abomey-Calavi, Porto-Novo et Sèmè-Podji. Ce qui fera cinq.
Ensuite les deux centres d’enfouissement techniques qui existent à Ouèssè et Takon, ne sont pas aux normes. Pis, à Cotonoula cellule qu’on est en train d’utiliser est presque pleine. Donc, il faut construire et réhabiliter. En dehors de ça nous avons commandé 90 véhicules lourds, 550 tricycles et une cinquantaine vont être complétés.
Le projet était évalué à 59 milliards FCFA. Mais aujourd’hui si nous intégrons les services, cela dépasse ce montant ?
Quel bilan pouvez-vous faire de vos activités ?
On avait prévu que la pré-collecte puisse couvrir 20 zones. Mais nous sommes aujourd’hui à 40 zones sur 69. Nous avons réhabilité 43 et mis en service 30 points de regroupements. Les déchets sont systématiquement enlevés des points de regroupements et acheminés vers les deux centres d’enfouissement pour être traités et enfouis. Aujourd’hui, nous avons déjà enlevés environ 100.000 tonnes de déchets des maisons. Il y a quarante PME qui travaillent avec nous aujourd’hui. Ce qui fait plus de 1000 emplois créés.
Bientôt nous allons lancer l’étude économique qui va permettre de mettre en place le mécanisme de tarification et de recouvrement des taxes sur le service rendu aux populations.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez depuis le démarrage de vos activités ?
La première c’est la disponibilité du foncier pour construire des points de regroupements. La deuxième est liée à la crise de la Covid-19 qui a entraîné le retard dans la livraison des tricycles et véhicules lourds que nous avons commandés. La saison des pluies rend difficile la collecte, le transport et l’enfouissement des déchets. Pour finir, je peux parler de l’incompréhension de certains de nos concitoyens. Nous les soutenons dans leurs exigences mais il faut reconnaître que souvent les reproches qui nous sont faits sont inhérents à notre volonté.
Quels sont vos projets à court, moyen et long terme ?
Nous allons démarrer bientôt notre dispositif de suivi grâce à l’information du suivi et du contrôle de la pré-collecte jusqu’à l’enfouissement des déchets. Nous allons démarrer bientôt une phase pilote.
Ensuite, nous allons démarrer le tri et la valorisation avec une phase pilote de récupération des déchets plastiques et leur recyclage afin de produire d’autres produits plastiques. C’est une expérience que nous faisons avec Sèmè-City et une ONG.
Enfin, nous envisageons de construire une nouvelle cellule pour l’enfouissement des déchets sur le site de Ouèssè. Et la construction de trois autres centres de transfert des déchets.
Quel message avez-vous à l’endroit des populations du Grand Nokoué ?
Nous tenons à rassurer les populations du Grand Nokoué. Nous sommes au début du déploiement du nouveau dispositif dans un contexte marqué par la crise liée à la pandémie de la Covid-19 qui impacte toutes les activités dont les nôtres du point de vue équipements. Mais d’ici au 15 octobre 2020, nous aurons une partie de nos équipements et nos services vont s’améliorer. Nous demandons un peu de patience et nous rappelons que nous sommes là pour assainir notre cadre commun de vie. De même, nous avons besoin de leur adhésion et accompagnement afin de nous corriger et améliorer nos prestations.
Interview réalisée par Nafiou OGOUCHOLA