Faut-il prioriser le développement rural ou urbain en Afrique ?
Une question clivante qui a refait surface la semaine dernière à Tunis en marge du COS/OSS. Un débat dépassé aux conséquences lourdes; une opposition stérile qui continue de fausser les investissements et les politiques publiques.
60 ans de priorité au rural : pour quels résultats ?
Depuis les indépendances, l’Afrique a misé sur une approche ruraliste héritée de la colonisation, axée sur l’exportation des matières premières sans transformation locale. Pendant ce temps, les villes ont été marginalisées, perçues comme de simples centres administratifs plutôt que des moteurs de croissance.
Les faits sont là :
L’Afrique reste l’une des régions les moins industrialisées du monde, avec seulement 12 à 14% du PIB issu du secteur manufacturier.
60 à 70% des emplois non agricoles sont générés en milieu urbain, mais les infrastructures ne suivent pas. D’ici 2050, la population urbaine africaine va doubler, atteignant plus d’1,3 milliard d’habitants, mais les investissements ne sont pas à la hauteur.
L’erreur : voir l’urbain et le rural comme opposés
Rural et urbain ne sont pas des adversaires. Ils sont interdépendants.
Infrastructures, innovation, accès aux marchés, transformation industrielle… Tous ces leviers nécessitent une intégration des espaces.
Les villes structurent l’économie des territoires en offrant des débouchés aux productions agricoles.
L’industrialisation et les services urbains peuvent absorber une main-d’œuvre issue des zones rurales.
Sans villes bien planifiées, l’exode rural se transforme en crise urbaine.
Le Maroc, un exemple d’approche territoriale efficace
Contrairement à l’Afrique subsaharienne, le Maroc a structuré des pôles régionaux dynamiques, où des villes intermédiaires comme Meknès, Agadir ou Oujda jouent un rôle clé.
Résultat ? Une meilleure intégration des chaînes de valeur et des territoires mieux connectés
Vers un modèle de développement territorial intégré
Il est temps d’en finir avec la vision binaire rural/urbain et d’adopter une approche territoriale qui :
Valorise les complémentarités entre villes et campagnes.
Investit dans des infrastructures connectées et adaptées.
Renforce les villes intermédiaires comme moteurs économiques.
Stimule la transformation locale des productions agricoles.
L’Afrique a besoin d’un agenda urbain à la hauteur de ses défis !
Les institutions de développement doivent revoir leurs priorités.
Aujourd’hui, l’urbanisation reste sous-estimée dans les stratégies des grands bailleurs. Par exemple, la Banque Africaine de Développement (BAD) n’accorde qu’une place secondaire à l’urbain, alors qu’il devrait être au cœur de la transformation économique du continent. Cessons d’opposer développement rural et urbain : l’avenir de l’Afrique est territorial.