Les populations béninoises ont hérité des rites et traditions diverses de leurs ancêtres. Au nombre de ces dernières, figure la scarification au visage. Dans le Plateau d’Abomey, elle a été initiée pour faire obstacle à des phénomènes de société de l’époque, avant de se muer en tradition identitaire. C’est le cas de la lignée des Fandohan.
Falco VIGNON
La scarification est une pratique consistant à effectuer une incision superficielle de la peau humaine. Dans le plateau d’Abomey, son origine remonte au règne du roi Guézo. En effet, selon les informations recueillies auprès des personnes ressources, le ministre de la Défense de ce monarque, Adougoudja Lodji, qui a donné naissance à la lignée Fandohan, jouait un grand rôle non seulement dans l’équilibre du royaume mais aussi dans son expansion. Ainsi, au moment où la capture des esclaves pour leur commercialisation avec les européens battait son plein, le roi d’Abomey a voulu protéger son ministre de la Défense en lui ordonnant de mettre un signe distinctif sur le corps de ses enfants. De cette manière, ceux-ci pouvaient échapper aux chasseurs d’esclaves puisque rares étaient ceux qui pouvaient prétendre vouloir en découdre avec le ministre de la Défense du roi. Or, avec ce signe distinctif, aucun chasseur d’esclave ne pouvait nier ne pas les avoir reconnus. Selon les informations recueillies, le monarque du Dahomey savait que la progéniture d’un homme pouvait constituer son talon d’Achille. En protégeant celle de son ministre, il permettait à celui-ci de vaquer à ses occupations de manière sereine. De même, les scarifications permettaient aux membres de la même famille de se capturer.
Le ministre de la Défense du roi Guézo avait fait les premières scarifications sur la poitrine. Mais le roi jugea que ce n’était pas assez remarquable et lui ordonna de le faire sur le visage. C’est ainsi que les scarifications sont entrées dans les traditions des populations du Plateau d’Abomey. Toutefois, les avantages de la scarification ne se limitent pas à la protection contre les razzias des chasseurs d’esclaves.
La scarification constituait aussi un moyen pour dissuader les infidélités des femmes. Les enfants étaient scarifiés dès l’âge de six mois par une femme commise à cet effet. Pour ce faire, ils étaient d’abord posés, fesses contre le sol et tombaient d’un côté. Ainsi, le scarificateur commençait sa besogne en s’attaquant à la joue du côté où est tombé l’enfant à scarifier. Ensuite, il passait à la seconde joue. Mais, seuls les enfants de la lignée pouvaient porter ces scarifications sans conséquences négatives. En effet, les enfants issus de l’adultère ne survivaient pas aux scarifications ou devenaient maboules. De cette manière, une épée de Damoclès planait sur la tête des femmes qui savaient à quoi s’attendre si elles attrapaient une grossesse en dehors du foyer conjugal.
Les Fandohan ne sont pas les seuls à porter des scarifications à Abomey. Les familles Hountondji, Sadonou et autres portent aussi des scarifications au visage. De même, la tradition des scarifications est partagée dans tout le Bénin. Du nord au sud et de l’est à l’ouest, de nombreuses familles portent les balafres.