Un africain dépense moins de 70 dollars chaque année en assurance, tandis qu’en Europe de l’Ouest ce montant peut atteindre jusqu’à 3 000 dollars. L’Afrique ne génère que 67 milliards de dollars sur les 5 000 milliards que vaut le marché mondial des assurances. Ceci est inquiétant d’autant plus que les assurances (auto, maladie, incendie, retraite) sont primordiales tant sur le plan économique que sociétal.
Issa SIKITI DA SILVA
Certaines personnes pensent que les gouvernements africains sont à la base de cette indifférence de la population vis-à-vis de l’assurance. Selon bon nombre d’observateurs, c’est à la fois la modeste taille de l’économie du continent (2,8% de l’économie mondiale) et les conditions de vie précaire (pauvreté, maigres salaires, chômage, exclusion financière, inégalités sociales) qui génèrent cette « assurophobie ».
« Je reconnais l’importance de l’assurance mais ce n’est pas ma priorité. Je gagne très peu d’argent, qui ne sert qu’à payer le loyer et les frais scolaires de mes enfants, il faut aussi nourrir et vêtir la famille. A la fin, il ne me reste rien pour assurer quoi que ce soit », déclare Peter, employé d’un supermarché.
« L’assurance, c’est pour les riches, comme les hommes d’affaires et les gens qui volent l’argent de l’Etat. Ils ont toujours peur que les voleurs vont venir dévaliser leurs belles maisons et leurs entreprises. Moi, je vais assurer quoi ? », se demande Suzie, une infirmière qui vit dans une maison de fortune dont le quartier est vulnérable aux incendies et inondations.
Selon Corneille Karekezi, PDG d’African Reinsurance Corporation (South Africa), le développement des services d’assurance devrait être une priorité pour tout gouvernement afin qu’il puisse partager le fardeau financier en cas de catastrophe.
« Les ministres des finances n’en font pas assez. Le secteur des assurances est délaissé par rapport aux autres secteurs. Les États africains devraient utiliser les compagnies d’assurance pour couvrir leurs populations par le biais de mécanismes tels que les subventions d’assurance. Tout cela contribue à promouvoir l’idée d’assurance auprès des populations », a martelé Corneille Karekezi, PDG d’Africa dans un article publié sur le site d’Africa CEO Forum.
Compagnies d’assurances coupables ?
Mentionner le nom d’une compagnie d’assurance à un africain lambda est parfois synonyme de lui dire que sa maison est entourée par des terroristes.
« Ces entreprises sont mal réputées. Ce sont des voleurs déguisés en assureurs, à l’exception peut-être de celles qui opèrent dans des pays développés parce que là-bas tout se fait en ordre et les droits des consommateurs sont respectés. En Afrique c’est la merde. Tout le monde le sait », assure Paul, qui jure par le tombeau de son père de ne plus faire confiance à un aucun assureur.
Stella, 32 ans, employée d’une banque, se lamente : « Pour moi, il y a deux points importants à soulever concernant les assureurs. Leurs produits sont trop chers, par rapport à nos revenus. En plus, ils sont trop lents et leur processus est compliqué. Surtout en cas d’accident. Nous avons des amis qui payaient régulièrement leurs primes, mais qui ont été payés en monnaie de singe quand le malheur les a frappés. Tu penses qu’on va leur faire confiance, jamais. Il faut qu’ils changent leur façon de faire les choses ».