Quoiqu’en matière d’intégration régionale, le défi reste énorme, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), aura, en 30 ans d’existence (1994-2024) impacté dans divers secteurs les Etats de la sous-région. Qu’a apporté cette institution ? Quels sont les défis urgents ? A ces questions, le Président du Conseil des Ministres de l’Union, Adama Coulibaly, ministre des finances et du budget de la Côte d’Ivoire, s’est exercé à répondre dans l’émission « L’invité de l’intégration », de la Commission de l’Uemoa. Lisez-plutôt
Quelles sont les avancées majeures induites par le processus d’intégration régionale depuis la création de l’Uemoa le 10 janvier 1994 ?
En 1994, les Chefs d’Etat ont décidé effectivement de renforcer l’intégration monétaire en ajoutant la dimension économique pour faire en sorte que nous puissions avoir une intégration qui marche. Depuis ce temps, il faut reconnaître qu’il y a des progrès importants qui ont été réalisés. Je citerai par exemple l’effectivité de l’Union douanière avec la libre-circulation des marchandises avec la libéralisation des échanges intra-communautaires, mais surtout, l’institution d’un Tarif Extérieur Commun, faisant en sorte que toutes les marchandises qui circulent au sein de l’Union. Cela se passe de manière totalement libre. Le Tarif Extérieur Commun permet de montrer effectivement qu’en dehors du périmètre de l’Union, toutes marchandises qui arrivent puissent être taxées à un tarif commun. Ça, c’est déjà un progrès extrêmement important. Ensuite, il y a toute la problématique liée à la surveillance multilatérale qui a permis à nos Etats d’avoir une stabilisation macro-économique et ouvrant la voie à des appuis des partenaires financiers, ils nous ont apporté des appuis assez importants parce que nous avons jusqu’à présent, un cadre macro-économique relativement sain et solide.
Comment se porte la croissance économique dans la zone Uemoa ?
Dans un contexte de crises multiples, nos économies se sont montrées quand-même résilientes. C’est vrai qu’en 2020, il y a eu une baisse de notre taux de croissance à l’instar de ce qui s’est passé dans beaucoup d’autres pays dans le monde. Mais dès 2021, nous avons connu un taux de croissance de 5%. C’est un rebond pour nous, et tout ça, on le doit à la stabilité de notre cadre macro-économique et aux efforts qui sont faits par nos pays. Et bien-sûr, ces chocs avaient entrainé un élargissement du déficit budgétaire mais aujourd’hui, il y a des efforts qui sont faits et on note de façon tendancielle, la baisse du déficit budgétaire dans tous les pays de l’Union avec en perspective une consolidation budgétaire en 2025. Au niveau de l’inflation, le taux d’inflation est en baisse comparativement à tout ce qui se passe dans les autres pays. Et vous savez, l’inflation est importée en partie parce qu’il y a une inflation mondiale. Aujourd’hui, nous avons une inflation qui est en train d’être baissée. D’ailleurs, en termes de perspectives, nous envisageons cette année, un taux d’inflation de 3,9%. C’est ce qui est prévu. Les responsables de l’Union diront exactement le taux qui est envisagé.
En matière de Politiques et Programmes communs, il y a beaucoup qui ont été mis en œuvre, tous les pays en ont bénéficié dans tous les secteurs possibles, que ce soit dans le domaine de l’agriculture, de l’industrie, du commerce, de l’énergie, des mines, du transport, tous les pays ont bénéficié de ces programmes communs. Aujourd’hui nous constatons que toutes les institutions et tous les organes de l’Union sont mobilisés et s’inscrivent dans cette dynamique de consolidation, de tout ce qui a été fait pour renforcer l’intégration économique au niveau de l’espace.
Pour les années à venir, sur quels chantiers prioritaires mettre l’accent pour renforcer les acquis ?
Il faut reconnaître qu’il y a des défis qui demeurent. Au nombre de ces défis, on pourrait mentionner par exemple la libre-circulation des personnes et des services. Mais il y a aussi la problématique du droit d’établissement qui est liée au droit de résidence. Je crois qu’il y a des efforts à faire à ce niveau dans beaucoup de pays. Il y a quelques entraves qui existent encore, il faut qu’elles puissent être levées.
Un autre défi, vous savez que nos pays se trouvent dans une zone un peu troublée actuellement par l’insécurité, donc la problématique des questions sécuritaires doit être prise en compte dans tout ce que nous allons faire comme action. Il y a bien sûr la question de l’adaptation au changement climatique, et il y a tout le grand chantier lié à la ZLECAf, la Zone de libre-échange continentale africaine. Il faut que nous voyions comment nous inscrire dans cette dynamique pour que nous puissions, en bloc, contribuer à la consolidation de la ZLECAf. Un autre défi que je vois, c’est celui qui est lié à la mobilisation des ressources. On en parle souvent, nos pays ont besoin de développement. Donc il y a des efforts continus qui doivent être faits pour renforcer davantage la stabilité macro-économique, et cela en lien avec la mobilisation de plus de ressources domestiques parce que nous devons compter sur nos propres efforts avant d’aller chercher des ressources ailleurs. Donc, il y a des efforts importants à faire à ce niveau-là. Je considère ça comme un défi parce que nos taux de pression fiscale, dans nos différents pays sont en deçà des normes. Dans le Maghreb, ils ont des taux de pression fiscale qui sont beaucoup plus élevés que ce que nous constatons dans notre zone, donc il y a un effort important à faire sur la mobilisation des recettes fiscales. C’est essentiel.
En lien avec le contexte difficile que vit l’Afrique de l’ouest, quelles mesures de résilience les autorités de l’Uemoa prennent-elles pour faire face aux chocs multiples ?
Nous devons regarder un peu tout ce qui se passe autour de nous en termes notamment de facilitation non seulement entre nos pays, mais également regarder au-delà de nos pays, ce qui se passe ailleurs, de manière à pouvoir nous approprier les meilleurs pratiques qui existent dans d’autres pays. Nous avons fait face à des chocs multiples ces dernières années, nous avons besoin de réfléchir, de nous donner les moyens de pouvoir gérer ces chocs-là, pouvoir les absorber et ça, ça nécessite une réflexion sur la mise en place d’un Fonds de stabilisation macro-économique pour ne pas que nous soyons totalement déstabilisés s’il y a des chocs qui apparaissent. Il y a certains chocs qu’on connaît aujourd’hui mais on ne connaît pas ce que demain sera. Donc, il faut que nous puissions mettre en place des dispositifs qui nous permettraient d’amortir les chocs quand ils viendront.
Transcription : Sylvestre TCHOMAKOU