En dehors des filières coton, cajou, soja ; spéculations qui participent au rayonnement de l’économie béninoise, figure la filière karité qui fait montre de parent pauvre à ce jour. Le président de l’AKB (Association Karité Bénin) basé à Parakou a accordé un entretien à l’Economiste au lendemain du lancement de la campagne 2019 de commercialisation d’amandes de karité au Bénin
L’Economiste : parlez-nous de l’arbre à karité.
Boni Zakari : L’arbre à karité est un arbre sauvage, naturel dont Dieu a fait grâce au Bénin d’abriter à l’instar de beaucoup d’autres pays d’Afrique, un arbre qui donne des fruits comestibles par presque tous les êtres vivants qui en ont l’accès. Ces fruits contiennent en leur sein une noix qui également contient à l’intérieur d’elle une amende. Ils sont d’une couleur verte et gardent cette même couleur, mûrs ou non mûrs et murissent souvent en période de soudure et permettent à la couche paysanne d’entretenir le ventre en cette période. Les dérivées de l’amende de karité sont d’une utilité inestimable.
Quels sont alors les avantages de l’arbre à Karité ?
L’arbre à karité est une mine d’or, donc regorge assez d’avantages sur tous les plans.
Au plan économique, une multitude d’acteurs bénéficient des retombées économiques de cet arbre qui nous donne tout et auquel on ne donne rien. Nous en voulons pour preuve : A ce jour le Bénin produit et exporte plus de 85.000 tonnes d’amendes de karité de par le monde à raison de 150 000Fcfa la tonne. Cette activité qui reste jusque-là principalement féminine permet à des milliers de femmes rurales de se faire assez d’argent afin de contribuer aux charges familiales et personnelles. Au niveau des municipalités, cette filière permet aux communes de renflouer leurs caisses à travers le prélèvement des taxes de développement local (TDL) qui varient entre 100 et 200Fcfa par sac de 85kg en moyenne selon les localités. Dans la manutention, les employés gagnent entre 250 et 500Fcfa par sac. Dans le domaine du transport, ces acteurs perçoivent entre 10000 et 15000Fcfa par tonne selon la distance. Les vendeurs d’emballages en tirent également profit en vendant le sac de jute entre 500 et 700Fcfa selon la disponibilité de l’emballage. Le gouvernement n’est pas du reste en terme de gain à travers le prélèvement de la taxe à l’exportation qui est jusque-là fixée à 10000Fcfa la tonne et des différents frais à l’exportation pour mettre le produit en Fob. C’est dire donc que du ramassage à l’exportation, l’amende de karité fait des heureux.
Au plan alimentaire, les fruits très délicieux entrent dans la consommation dès leur murissement. Le beurre extrait des amendes de karité est recherché de par le monde et est utilisé dans l’art culinaire africain et surtout béninois dans lequel auparavant il constituait la première huile, il entre également dans la fabrication du chocolat à une certaine proportion dans l’union européenne (UE).
Au plan médicinal et environnemental, l’arbre à karité est une pharmacie debout. Les feuilles, l’écorce, les racines, les fruits et même le beurre entrent dans la pharmacopée et la cosmétique. Cet arbre miraculeux participe à la préservation de l’écosystème et permet également d’attirer les pluies. Tout ce qui se cultive autour de lui donne un bon rendement.
Quelles sont les difficultés que rencontre la filière à ce jour ?
La filière karité est confrontée à une certaine anarchie au niveau de la commercialisation par le fait que tout individu se lève sans aucune connaissance des normes qui régissent cette filière pour acheter, ce n’est plus une affaire de professionnel. Or le karité a besoin d’une certaine maitrise depuis le ramassage jusqu’au stockage pour garder sa qualité. Le stockage des amendes de karité dans un endroit humide augmente par exemple son taux d’acidité, toute chose qui ne participe pas à la pérennisation de cette filière. A cela s’ajoute la destruction des arbres à karité par les populations pour diverses raisons, l’infiltration des étrangers dans le secteur et la sortie frauduleuse du produit hors du territoire.
Quel est votre mot de fin ?
Je vous remercie pour tout ce que vous faites au quotidien pour la prospérité de l’économie nationale et par votre voix toute la presse. Je remercie également le gouvernement qui de jour en jour commence par prendre la mesure des choses en vue de l’accompagnement de la filière. Mais quand il reste à faire, rien n’est fait dit-on. C’est pourquoi j’appelle les faîtières accompagnants la filière karité à ne pas s’arrêter en si bon chemin. Il faut que les femmes ramasseuses de noix, les petites et moyennes entreprises, les commerçants, les industriels, les exportateurs à amener l’AKB à devenir une inter-profession digne du nom afin qu’elle puisse régler efficacement les problèmes que rencontre la filière. Aux gouvernants, prendre les dispositions qui s’imposent pour la protection de l’arbre à karité et en faire une domestication puis lui accorder une attention toute particulière puisqu’il contribue au rayonnement de l’économie nationale.
Entretien réalisé par Noël Y. TETEGOU (Br. Borgou-Alibori)