La prochaine session du conseil des ministres de l’Union économique et monétaire des Etats de l’Afrique de l’ouest (Uemoa) aura, entre autres, à s’appesantir sur le dossier de Mory Soumahoro comme administrateur du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF) de l’Union monétaire ouest-africaine (Umoa).
Falco VIGNON
Les agents du secrétariat administratif du CREPMF voient d’un très mauvais œil la probable nomination de l’actuel conseiller technique du ministre de l’Economie et des finances de Côte d’Ivoire, Mory Soumahoro, comme administrateur de l’institution régionale. Dans une déclaration rendue publique, ceux-ci ont renseigné sur les raisons pour lesquelles ils croient que la gestion de cet homme ne pourrait aboutir à autre chose qu’à l’anéantissement des efforts fournis par les Etats africains depuis des décennies. A les en croire, Mory Soumahoro aurait démontré ses lacunes et se serait illustré par une gestion peu orthodoxe au sein du CREPMF, dans un passé récent. En effet, l’actuel conseiller technique du ministre des Finances de Côte d’ivoire, avait été secrétaire général du CREPMF du 4 novembre 2013 au 3 novembre 2018. Et, de toute évidence, il n’a pas laissé un bon souvenir aux agents du secrétariat général. Pour preuve, ceux-ci ont livré le résultat de l’évaluation par eux faite de son séjour au sein de l’institution. Ils se sont appesantis sur trois aspects : la moralité, l’honorabilité et la compétence.
Une moralité douteuse
Les agents du secrétariat général du CREPMF ont analysé la moralité de Mory Soumahoro au vue de son implication présumée dans des affaires sulfureuses. Il s’agit de la SGO BNI dont la gestion est détenue par la Banque BNI Finances, propriété de l’Etat de Côte d’Ivoire. La structure SGO BNI détient essentiellement les fonds de la CNPS, des militaires, des agents des impôts de Côte d’Ivoire. Selon les agents du secrétariat général du CREPMF, en complicité avec les anciens responsables de cette structure, Mory Soumahoro et autres se seraient servis des fonds des citoyens pour acquérir des terrains surévalués dans le cadre de la mise en place d’un fonds immobilier. Le préjudice s’élevait à environ 9 milliards FCFA. En effet, le journal ‘’Fraternité matin’’ et le quotidien ‘’Soir info’’ du 25 octobre 2018 ont tablé sur l’implication directe de Mory Soumahoro dans cette affaire. De sources concordantes, il ressort que l’enquête se poursuit au niveau des services du CREPMF. Mory Soumahoro a été convoqué à titre personnel à maintes reprises par le juge d’instruction dans ce cadre.
De même, au titre des passations de marché, la Cour des comptes de l’Uemoa a constaté, à l’issue des missions de contrôle, qu’environ trois milliards de marchés de gré à gré ont été passés dans des conditions douteuses au titre des exercices 2014-2017. Les griefs suivants ont été retenus : processus de passation de marché modifié par Mory Soumahoro pour créer les conditions de non transparence ; morcellement de marchés pour la réhabilitation d’un bâtiment et l’acquisition des fournitures et matériels de bureau ; modification des dossiers d’appel d’offres transmis par des prestataires postulants. Les éléments de preuve sont contenus dans les rapports de contrôle du CREPMF, ont précisé les agents du secrétariat administratif.
Pour finir, Mory Soumahoro est accusé par les agents du secrétariat administratif d’abus et détournements de biens. En effet, entre le 4 novembre 2013, date de sa prise de fonction, et le 31 mars 2016, soit 41 mois de fonction, celui-ci a eu environ 32 mois de mission à un coût journalier de 170 000 FCFA non assortis de justificatifs et 100 000 FCFA à titre de frais de transport. Pire, selon les révélations faites, les frais de mission étaient généralement perçus plusieurs mois avant la réalisation desdites missions. Exemple, en 2015, il a perçu environ 15 millions FCFA d’excédents de frais de mission qu’il a reversés, via un chèque à l’ordre du CREPMF, à quelques jours du démarrage de la mission de la Cour des comptes de l’Uemoa. Les rapports 2015, 2016 et 2017 de la Cour des comptes de l’Uemoa l’attestent.
Une honorabilité entachée
L’actuel conseiller technique du ministre ivoirien des Finances, est accusé d’avoir commis des voies de fait sur les agents du secréterait général du CREPMF. Selon leurs confessions, le siège du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers situé à Abidjan, au Plateau, a été le théâtre de plusieurs faits insolites dont le plus grave était celui relatif à l’auditeur interne lors du mandat de Mory Soumahoro en tant que secrétaire général. Les faits remontent à décembre 2016. L’auditeur interne, s’était vu imposer une rupture de contrat de travail au mépris des pratiques et des procédures internes en la matière ainsi que des règles relatives à la gradation des sanctions dont l’avertissement, le blâme, la mise à pied et le licenciement. Il avait commis la ‘’maladresse ‘’de relever des irrégularités dans le processus de recrutement d’un cadre supérieur qui, à l’évidence, ne remplissait pas les conditions prévues aussi bien par les textes du CREPMF que par l’avis d’appel à candidature.
Aussi, sur la base d’informations transmises par le contrôleur de gestion, un rapport portant sur la gestion très opaque et calamiteuse d’une partie des ressources financières du CREPMF a été élaboré. En conclusion ledit rapport a émis l’idée de possibles détournements de fonds et la nécessité de mener des investigations plus approfondies pour situer les éventuelles responsabilités. Selon les agents du secrétariat administratif, il a été relevé à cette occasion, le comportement peu orthodoxe du secrétaire général d’alors.
Des compétences peu convaincantes
La vision qu’a Mory Soumahoro du marché financier n’est adaptée à la réalité selon les agents du secrétariat administratif. A les en croire l’ex secrétaire général a manqué de leadership et a été incapable d’impulser une nouvelle dynamique de développement au marché financier régional. Ils en veulent pour preuve le plan stratégique du marché financier régional 2014-2021 qui lui avait été légué par son prédécesseur en 2013. Ce plan adopté en 2013, avant sa prise de fonction, qui devrait constituer la feuille de route de son mandat n’a pas été mis en œuvre de la meilleure des manières. En effet, après cinqans d’activités de Mory Soumahoro, seules quatre actions sur 60 ont été réellement achevées, la plupart étant des actions concernant d’autres institutions comme la BCEAO. De sources concordantes, il ressort que ce point existe dans le rapport annuel 2017 du CREPMF.
S’agissant des réunions de comités de direction, il ressort que Mory Soumahoro n’a pas tenu plus de 20 réunions pendant 5 ans. Or ces réunions sont censées être hebdomadaires.