Le 10 mars 2023, la Silicon Valley Bank s’est effondrée à la suite de retraits massifs de ses clients la veille. Aussitôt, les autorités américaines ont pris possession de la banque et ont confié sa gestion à l’agence américaine chargée de garantir les dépôts (Federal Deposit Insurance Corp, FDIC). Cette chute de la Silicon Valley Bank aux États-Unis a fait craindre l’irruption d’une nouvelle crise financière mondiale. A ce propos, les avis des spécialistes sont divergents et l’on craint l’effet de contagion en Europe et en Afrique.
Le secteur de la banque et des finances sous des vannes américaines est en crise depuis le 10 mars 2023. Selon le site d’informations « la finance pour tous », La Silicon Valley Bank, une banque américaine, spécialisée dans le financement de start-up du secteur des nouvelles technologies a fait faillite. Elle était, au début du mois de mars, la 16ème plus grosse banque des États-Unis, en termes d’actifs gérés. La Silicon Valley Bank a fermé ses portes vendredi 10 mars : il s’agit de la plus importante défaillance bancaire aux États-Unis depuis septembre 2008. Pour comprendre les causes de la déconfiture de la Silicon Valley Bank, un retour en arrière chronologique s’impose. Au cours de l’année 2021, profitant d’un fort engouement à la suite de la pandémie de Covid-19, de nombreuses start-up ont réalisé d’importantes levées de fonds. Les dépôts gérés par la Silicon Valley Bank ont alors explosé, passant de 102 à 189 milliards de dollars. Ces liquidités ont, notamment, été investies par la banque en bons du Trésor américain, un placement à priori peu risqué. La hausse des taux d’intérêt, conséquence du resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale (FED), menée depuis début 2022, a eu un double effet. D’une part, les conditions de financement des entreprises se sont dégradées. Cela a notamment contraint les start-up à utiliser les liquidités dont elles disposaient en banque. D’autre part, la valeur des obligations a sensiblement chuté en 2022. Ce phénomène, parfois qualifié de « krach silencieux », s’explique par la corrélation négative entre la valeur des obligations en circulation et les taux d’intérêt. Lorsque ces derniers montent, les investisseurs cèdent leurs « vieilles » obligations pour acquérir de « nouvelles », ce qui provoque une baisse du cours des premières. Dans ce contexte, la Silicon Valley Bank a dû liquider une partie de son portefeuille d’obligations pour faire face aux retraits des start-up. En raison de la baisse de la valeur des obligations, la banque, qui n’était pas protégée contre le risque de remontée des taux, a enregistré une perte de près de 1,8 milliard de dollars et a, dans la foulée, annoncé vouloir procéder à une augmentation de capital de 2,25 milliards de dollars. Cette double annonce a déclenché une panique bancaire : de nombreux clients, ayant perdu confiance dans la banque, ont retiré leurs fonds… ou ont tenté de le faire ! Les autorités américaines ont procédé à la fermeture de la Silicon Valley Bank vendredi 10 mars pour limiter l’hémorragie. Cette situation est imputable à un défaut de régulation aux États-Unis. En effet, toute défaillance d’un établissement financier pose la question de la régulation. Après la crise financière de 2008, des règlementations plus strictes ont été mises en place, tant aux États-Unis qu’en Europe. Certaines de ces règles ont, toutefois, été allégées par l’administration Trump. En particulier, seuls les établissements bancaires disposant d’un bilan d’un montant supérieur à 250 milliards de dollars font l’objet d’une surveillance stricte. Le seuil était de 50 milliards avant 2017. Avec les règles auparavant en vigueur, le régulateur américain aurait sans doute pu intervenir en amont et ainsi éviter la faillite de la Silicon Valley Bank, dont la taille du bilan était de 212 milliards de dollars fin 2022.
Réactions des autorités monétaires américaines
Les autorités américaines ont répondu rapidement de manière à renforcer la confiance dans le système bancaire américain et à éviter toute contagion. Après avoir pris le contrôle de Signature Bank, une autre banque en difficultés, dimanche 12 mars, elles ont annoncé plusieurs mesures. Tout d’abord, les dépôts de la Silicon Valley Bank et de Signature Bank seront garantis dans leur intégralité, bien au-delà du plafond de 250.000 dollars, prévu par la législation américaine. Cela concerne plus de 85% des clients de ces deux établissements. L’action de la FED ne constitue pas un bail-out : les actionnaires et détenteurs d’obligations de ces deux banques ne sont pas protégés par les mesures prises. La FED a, par ailleurs, mis en place un nouveau programme, le « Bank Term Funding Program », destiné à fournir des liquidités à des conditions avantageuses aux établissements bancaires. Les banques pourront donc emprunter des fonds en apportant des obligations valorisées à leur valeur nominale (et non à leur valeur de marché). Les mesures prises par les autorités américaines visent à éviter tout risque systémique, c’est-à-dire, le risque qu’un événement particulier entraîne, par réactions, en chaîne des effets négatifs considérables sur l’ensemble du système pouvant occasionner une crise générale de son fonctionnement. Enfin, de nombreux observateurs projettent que les principales banques centrales mondiales, comme la FED et la Banque centrale européenne (BCE), pourraient stopper leur politique de remontée des taux d’intérêt dans le cadre de la lutte contre l’inflation, de manière à soutenir les économies.
Quelles conséquences en Europe ?
Les dirigeants américains et européens n’ont cessé de se montrer rassurants aussitôt après l’effondrement de la Silicon Valley Bank. Ainsi, selon Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique de France, il n’existe « pas de risque de contagion » et les banques françaises et européennes sont « solides ». Il apparaît, en effet, que les banques du vieux continent opèrent selon un modèle différent de la Silicon Valley Bank. Leurs clients et leurs actifs sont notamment plus diversifiés, ce qui limite le risque de faire face à la même séquence que la Silicon Valley Bank. De plus, il semble n’y avoir que peu de liens directs entre la Silicon Valley Bank et des établissements bancaires européens. La chute de la banque américaine ne devrait donc pas générer de lourdes pertes pour ces dernières. En revanche, les établissements bancaires européens sont également confrontés à la hausse des taux d’intérêt. Ils pourraient donc être amenés à essuyer des pertes s’ils sont contraints de vendre de manière prématurée les obligations qu’ils possèdent et/ou s’ils ne se sont pas suffisamment protégés face au risque de remontée des taux. Cependant, si la chute de la Silicon Valley Bank ne devrait pas avoir de lourdes conséquences sur le système bancaire européen, la situation du Crédit Suisse, l’un des principaux groupes bancaires suisses, inquiète. En effet, le Crédit Suisse a essuyé une perte de près de 7,3 milliards de francs suisses en 2022 et a annoncé, mardi 14 mars, avoir révisé ses comptes pour les années 2019 et 2020 en raison de « faiblesses substantielles dans son contrôle interne ». D’après Crédit Suisse, ces faiblesses ont été corrigées, mais elles devraient entraîner de nouvelles pertes. L’inquiétude s’est amplifiée, mercredi 15 mars, après que la Saudi National Bank, le premier actionnaire de Crédit Suisse, ait affirmé ne pas vouloir investir davantage dans le groupe suisse. Ce qui a jeté le doute sur la capacité de survie de ce dernier. Une défaillance de Crédit Suisse, qui gérait, fin 2022, près de 1.300 milliards de francs suisses d’actifs, selon le rapport annuel de la banque, aurait, sans aucun doute, de graves conséquences pour le système bancaire européen.
Détresse en Afrique suite à la faillite de la Silicon Valley Bank !
Les déboires de la Silicon Valley, un soutien de l’écosystème des startups, sont également scrutés sur le continent africain. Si les données ne sont pas précises, il est clair que la SVB a une empreinte sur le continent, à travers les dépôts de certaines startups, ou à travers des fonds d’investissement de startups sur le continent africain. A l’annonce de l’effondrement de la banque américaine, les réactions des promoteurs de startups africaines ne se sont pas fait attendre. Le Tanzanien Benjamen Fernandes, à la tête de « Nala Money » raconte son cauchemar. « Nous avions la majorité de notre argent dans la SVB : Silicon Valley Bank. J’ai tout transféré dans une autre banque. Une heure plus tard, il était impossible de se connecter à SVB. » Le Tanzanien n’était pas le seul à être paniqué. En effet, s’il n’existe pas de données précises, il semble cependant que les startups de pays comme l’Égypte, le Nigeria ou l’Afrique du Sud sont plus concernées. Dans ces pays, l’écosystème des startups y est plus développé. L’usage du dollar plus répandu. Le placement de leurs fonds aux États-Unis, également gage de sécurité pour ces startups face aux fluctuations de leurs monnaies locales. D’autres acteurs s’inquiètent, eux, de répercussions possibles sur le financement des startups en Afrique francophone. Or, ces dernières commençaient juste à se positionner face aux géants anglophones du continent. Amadou Sarr à la tête de la Délégation générale à l’Entreprenariat rapide au Sénégal, est un spécialiste de la tech. Il craint qu’un amalgame soit rapidement fait entre la volatilité du financement des premières levées de fonds des startups, et le risque de faillite des banques spécialisées. Ce qui découragerait les investissements. L’Ougandais Ham Serunjogi co-fondateur de « Chipper Cash » va dans ce sens. Dans un communiqué, il a pris la défense de la SVB, soulignant l’importance de cette banque dans l’écosystème. Aujourd’hui valorisé à hauteur de 2 milliards de dollars, « Chipper Cash » a cependant peiné à faire ses premières levées de fonds. Seule la SVB a fait confiance à la startup et ainsi permis son lancement, fait-il savoir. Il n’y a pas de catastrophe directe, s’accordent à dire différents spécialistes du secteur. Cependant, les regards sont désormais tournés vers la FED qui s’est engagée à prêter les fonds. Mais dans quel délai ces fonds seront-ils libérés ? Car, si les startups peuvent fonctionner sur le court terme, elles risquent d’avoir des problèmes de liquidité, si l’argent reste longtemps bloqué.
Jean-Claude KOUAGOU